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Semaine 8

  • Michpatim
Editorial
Histoire de femmes ?
Certains posent parfois la question : «Et qu’en est-il du sort des femmes dans le judaïsme traditionnel ? Les prescriptions de la loi juive ne les relèguent-elles pas dans un rôle second, ne les limitent-elles pas à un cercle d’activités qui les cantonnent aux préoccupations domestiques ?» En d’autres termes, la sollicitude des questionneurs fait qu’ils envisagent la femme dans le foyer juif à mi-chemin entre l’incarnation d’une servitude passéiste et l’image d’une souffrance muette au quotidien. Mais voilà que, cette semaine, tombe le 22 Chevat, l’anniversaire du décès de la Rabbanit Haya Mouchka Schneerson, la femme du Rabbi. Voilà que cette date est aussi celle du congrès international des Chlou’hot, les déléguées du Rabbi dans tous les pays du monde. Ce congrès se déroule à New York et nous avons, sans aucun doute, besoin de son retentissement.
Voici des femmes, venues par centaines, pour dire leurs expériences et partager leurs résolutions, évoquer peut-être leurs difficultés mais surtout raconter le monde qu’elles construisent jour après jour. Ces femmes sont, pêle-mêle et à la fois, des mères de familles, des enseignantes, des directrices d’institution, des animatrices, des amies et des exemples pour tous, des conseillères et des guides pour beaucoup. Ainsi donc, des femmes, porteuses d’immenses responsabilités, se réunissent. C’est bien d’une histoire de femmes qu’il s’agit et, pour cette raison, nous ressentons ici toute sa puissance.
Bien loin de l’imagerie surannée et complaisante évoquée plus haut, bien loin de cette espèce de condescendance dont elle est empreinte, ces femmes ont entrepris littéralement de changer le monde qui les entoure. Elles vivent en France, aux Etats-Unis ou en Israël, au fin fond de l’Asie, en Afrique ou en Scandinavie, en Australie, en Amérique du Sud ou en Alaska mais elles partagent toutes le même rêve : être, très concrètement, les actrices de ce grand changement, être celles par qui les lignes bougent, par qui la société de demain sera meilleure, plus belle et plus harmonieuse que celle d’aujourd’hui. Elles savent le dire et leur vision porte loin. Aussi bien, elles assument totalement les choix qu’elles ont fait et leur présence au congrès, au-delà des échanges que cela permet, est également une manière d’affirmer haut et fort à destination d’un monde qui, peut-être, préfère ne pas l’entendre : «Etre une femme juive est décidément un sort enviable». Mais il est vrai que le judaïsme le proclame de longue date : «C’est par le mérite de telles femmes que nos ancêtres furent libérés d’Egypte». C’est aussi par lui que vient la Délivrance messianique.
Etincelles de Machiah
Même pour les riches
La Torah (Ex. 22 : 24) enseigne qu’il est nécessaire de venir en aide au pauvre, certes sous forme de don mais également sous la forme d’un prêt, évidemment sans intérêt, qui lui permet de reprendre pied dans le cycle social : «Quand tu prêteras de l’argent à mon peuple, au pauvre».
Cependant, de ce même verset, nos Sages déduisent qu’il convient également de prêter de l’argent au riche en tant que de besoin. En effet, le fait qu’il demande un prêt indique que, pour le moment, il a besoin d’argent et que, pour cela, il entre dans la catégorie de «pauvre». Cette idée contient une leçon précieuse : parfois, même une situation favorable peut être considérée comme un état de dénuement par rapport à un avenir infiniment plus positif.
C’est exactement la différence entre toutes les années écoulées et celle de la Délivrance. Même les périodes les plus brillantes, comme celle du roi Salomon, celle du Temple, paraissent « pauvres » par rapport à la grandeur et à la richesse du temps de la Délivrance.
(Extrait d’un commentaire du Rabbi de Loubavitch -
Chabbat Parachat A’harei 5746)
Vivre avec la Paracha
Michpatim : L’esclave

Notre Paracha nous enseigne qu’un Juif peut être vendu comme esclave pendant six ans mais le premier jour de la septième année, l’esclave est automatiquement et totalement libéré. Pourquoi le commencement de la septième année produit-t-il automatiquement l’émancipation ?

Pourquoi temporiser ?
Une autre question se soulève : si un Juif peut être vendu comme esclave, le maître devrait pouvoir négocier sa libération dans ses propres termes. Et si l’esclavage d’un Juif est interdit, il devrait l’être complètement. Quel intérêt y a-t-il à temporiser ?

Chabbat, le premier dans la pensée ?
D.ieu créa le monde en six jours et le septième jour, Il se reposa. Le septième jour est décrit comme «le dernier dans la création, le premier dans la pensée». Comme dans toutes les pièces de théâtre, la pensée originelle de l’auteur se dévoile dans la dernière scène. Mais que cela signifie-t-il concernant le Chabbat et la création ?

Les origines physiques et spirituelles
Le récit que livre la Genèse de la Création est étonnamment comparable à une perspective scientifique. Nos commentateurs classiques enseignent que la genèse de la Création fut un point infinitésimalement petit qui fut délibérément agrandi par D.ieu jusqu’à atteindre la taille de la galaxie que représente notre univers.
Les Sages mystiques voient ce point primordial comme une substance extrêmement raffinée, plus spirituelle que tangible. La matière physique de notre univers évolua à partir de cette substance primaire à travers une série d’étapes de développements progressifs ordonnés par D.ieu dans le cours de la Création.
Ils expliquent ensuite que cette substance extrêmement raréfiée fut dotée d’une âme et d’une intelligence. Elle se percevait elle-même comme produite par la force créatrice divine et possédait une conscience aiguë de son Créateur. En progressant de son état d’énergie spirituelle vers celui de matière physique, elle perdit peu à peu sa conscience du spirituel et aboutit à l’état de matière inanimée avec laquelle nous sommes aujourd’hui familiers.

L’épicentre
Ces deux phénomènes, l’augmentation de la taille et la transformation de la substance, étaient intimement liés. La métamorphose progressive de la substance séminale, de l’intangible au tangible, affaiblit sa dimension spirituelle tout en renforçant sa dimension matérielle. Cette domination physique eut pour conséquence un développement de son espace physique, déclenchant ainsi un accroissement phénoménal.
Le point de genèse, situé au centre d’un univers étendu et représentant une conscience spirituelle, est réellement l’épicentre de l’univers.
A partir de ce point central, l’univers se développe en six directions matérielles, le nord, le sud, l’est, l’ouest, le haut et le bas. Le développement spirituel de sa conscience peut aussi être tracé à travers six dimensions différentes auxquelles font allusion les six jours de la Création. Le septième jour représente le retour à l’état originel de notre commencement.

Six jours et Chabbat
La Torah stipule que pendant six jours nous accomplissons notre travail mais le septième jour est consacré à D.ieu. Le travail physique est possible en s’engageant dans la matérialité de notre monde mais la consécration à D.ieu n’est possible qu’en retournant à la conscience de notre Créateur.
Le jour du Chabbat, nous aspirons à nous retourner vers le point central, l’expérience originelle de notre existence. Chabbat, nous revenons à notre point de départ. Il se peut que Chabbat soit décrit comme le dernier jour de la Création, survenant à la fin de la semaine. Mais il est le premier dans la pensée, il constitue un retour au commencement.

L’esclave de D.ieu
Par définition, le Juif est un esclave. Au Sinaï, D.ieu asservit chaque membre de notre Peuple. Dans le premier des Dix Commandements, Il se déclara notre Maître et dans le second, Il nous interdit de nous soumettre à tout autre maître que Lui.
Le Midrach nous enseigne que lorsque D.ieu prononça les mots : «Je suis l’Eternel ton D.ieu qui t’ai fait sortir d’Egypte» et devint notre Maître, Il nous sortit de l’asservissement de nos maîtres précédents en Egypte et assura notre protection contre tout autre forme d’esclavage futur.
Malheureusement, cette sécurité fut de courte durée. Quarante jours plus tard, le Peuple Juif s’engagea dans le péché du Veau d’Or et abandonna ainsi son statut protégé. Il est vrai que la nation juive fut pardonnée mais, même après le pardon, la promesse de sécurité ne fut jamais réitérée.

Vol et esclavage
La liberté de l’esclavage dépendrait désormais du comportement individuel. Ceux qui commettaient des fautes pourraient être vendus comme esclaves. Quand un Juif était convaincu de vol et ne pouvait rembourser ses victimes, la cour procurait les fonds nécessaires en vendant le voleur coupable comme esclave.
L’acte de voler est une atteinte portée au premier commandement. Les mots : «[Je suis l’Eternel ton D.ieu] Qui t’ai sorti d’Egypte» indiquent que D.ieu est partie prenante et intervient dans les affaires du monde. Un voleur, qui rode dans la nuit et fait le guet pour être sûr que personne ne le voit, ignore ouvertement la présence de D.ieu et Sa connaissance de tous nos actes.
Répudier le Maître divin rend le voleur vulnérable à la subjugation des maîtres mortels. C’est la raison pour laquelle il peut être vendu comme esclave.
Néanmoins, cette servitude ne peut durer que six ans. La septième année est en quelque sorte un Chabbat. Elle représente un retour collectif à la conscience que D.ieu est notre Créateur et à l’acceptation de D.ieu comme notre Maître. A ce stade, même le voleur revient à son point de départ, au point central de son existence, à l’épicentre de l’expérience religieuse.
Quand le soleil se couche à la sixième année, le voleur ferme le chapitre de sa faute. Il n’est donc pas surprenant que le soleil se lève le lendemain sur une année qui s’ouvre sur une émancipation automatique.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que les «quatre Parachiot» ? (1ère partie)

Nos Sages ont institué de lire, en plus de la Sidra hebdomadaire, une «Paracha» supplémentaire durant les semaines qui précèdent Pourim et Pessa’h.
• La première s’appelle «Chekalim». Elle rappelle la nécessité pour chacun de donner chaque année un demi-chékel pour l’entretien du Temple et l’achat des sacrifices communautaires. Cette Paracha (Exode 30 – 11 à 16) est lue le Chabbat qui précède Roch ‘Hodech Adar (cette année le Chabbat 21 février 2009). On sortira donc deux rouleaux de la Torah :
- un pour la Sidra de la Semaine : Michpatim (sept montées)
- un pour la Paracha Chekalim (un appelé qui lira aussi la Haftara tirée du livre des Rois (11. 17 pour les Séfaradim ou 12. 1 à 17) pour les Achkenazim.
F. L.
De Recit de la Semaine
Euphorie à Emporia

Je dirige un programme expérimental au Quest Center d’Hollywood en Floride. Mes «étudiants» présentent des troubles profonds : autisme, syndrome 21, paralysie cérébrale, et désordres mentaux variés. Le Quest Center fait partie du réseau des écoles publiques.
Sans que je le sache, mes supérieurs hiérarchiques et mes collègues m’avaient choisi pour les représenter au Congrès National des Professeurs (NTHF). Quand on m’en a informé, je dus avouer que, jusqu’à ce jour, je n’avais jamais entendu parler d’un tel congrès.
Quelques jours plus tard, je reçus un e-mail du NTHF qui siégeait à Emporia, Kansas. Le programme était bourré de sessions, d’ateliers, de conférences, de tables rondes, de rencontres avec des personnalités du monde éducatif et autres réceptions. Ceci culminerait avec une cérémonie officielle le vendredi soir. Si j’avais des questions, je pouvais les contacter sans hésiter. Ce que je fis immédiatement pour présenter mes deux problèmes : Chabbat et cacherout. Leur réponse consista en un seul mot : Heu ?
La cérémonie devait se terminer le vendredi aux alentours de 21 heures. Ce serait déjà Chabbat. Mon épouse, Guitel, dénicha sur Internet une sympathique auberge à environ un kilomètre du lieu de la réception. Comme cet endroit était considérablement plus onéreux que l’hôtel, nous avons proposé de payer la différence. Le NTHF ne voulut rien entendre : «Il n’en est pas question ! Nous prenons en charge tous vos frais, c’est un plaisir pour nous !» Ils s’occupèrent également de la nourriture cachère, y compris les repas spéciaux de Chabbat, qui seraient acheminés de Kansas City.
Comment pouvais-je refuser ?
Une fois ces détails réglés, je pouvais me concentrer sur ma véritable mission. Ma nomination faisait de moi le porte parole de l’éducation, en particulier pour les enfants présentant des besoins spécifiques. Je devrais me positionner face aux problèmes affectant la société américaine. On m’interviewerait à la radio, à la télévision, dans les grands journaux pour connaître mon opinion quant aux options éducatives depuis le programme «Aucun enfant ne sera laissé à la traîne» jusqu’à la question : «Pourquoi tant de professeurs baissent les bras et abandonnent leur métier». De plus – et là reposait le véritable défi – je porterai la Kippa. Je ne représenterai donc pas seulement l’éducation spécialisée mais aussi le peuple juif. C’était une occasion unique de réaliser un «Kiddouch Hachem», une sanctification du Nom de D.ieu à condition, bien sûr, que tout se passe bien.
Les orateurs interviendraient par ordre alphabétique. Par mon nom de famille – Lazerson – j’étais supposé parler en avant-dernier. Mais on me plaça en premier, sans que je n’aie rien demandé, afin que je n’aie pas de problème avec le Chabbat !
Le jeudi matin, le NTHF nous fit rencontrer plus de 150 étudiants des universités du Kansas. Certains d’entre eux s’approchèrent de moi, me demandèrent la signification de la Kippa (j’expliquai que cela rappelait la Présence de D.ieu particulièrement au-dessus du cerveau, pour indiquer que toute logique humaine doit être dominée par la conscience de D.ieu). A ma grande surprise, nombre d’entre eux me demandèrent… un autographe ! Je n’étais ni joueur de base-ball, ni chanteur, ni acteur, juste professeur. A ce moment j’ai ressenti qu’on pouvait encore nourrir de l’espoir dans la jeunesse américaine.
Les deux jours suivants furent intenses, remplis et nous réservèrent des moments intéressants. Quant à la cérémonie de clôture, on m’invita à parler bien avant le début du Chabbat. Je terminai ma conférence avec le fameux dicton du Talmud : «J’ai appris beaucoup de mes professeurs, davantage encore de mes collègues. Mais plus que tout : de mes élèves !» En effet, malgré leurs immenses difficultés et les défis qu’ils doivent affronter chaque jour, ils ont pratiquement toujours le sourire aux lèvres. Il nous apprennent à aimer et à donner, à apprécier les «petites choses» de la vie, ce que nous considérons souvent comme un dû et qui, de fait, bien sûr, est si important.
La vraie surprise arriva plus tard, ce vendredi soir. Guitel était retournée à l’auberge pour allumer les bougies puis était venue me rejoindre. Le soleil s’était couché, la cérémonie se terminait. Maintenant commençait la réception. De nombreux participants insistèrent pour que nous y prenions part.
Nous avons poliment refusé et sommes repartis à pied vers notre auberge. Mes parents nous avaient rejoint ainsi que des amis de Miami. Nous étions donc un bon groupe prêt à accueillir le Chabbat.
Environ quarante minutes plus tard, cinq ou six voitures bondées de passagers stoppèrent devant l’auberge : c’était tous les participants du congrès. Avec leurs familles. Les notables des universités ! Les journalistes !
«Nous avons décidé, s’écria l’un d’entre eux, que si Laz ne pouvait venir à la réception, ce serait la réception qui viendrait chez Laz !»
Les larmes aux yeux, nous ne pouvions simplement pas y croire !
Cette nuit-là, nous sommes restés ensemble tard, à la lueur des bougies, à parler, à répondre aux questions : Chabbat, la cacherout, le judaïsme… Nous avons évoqué les Sept Lois des Enfants de Noé qui incombent aux non-juifs, cette morale universelle qui rendra la société meilleure. Ce fut un merveilleux Chabbat à Emporia. J’y ai appris à influencer positivement les autres, j’ai enseigné et j’ai aidé les autres.
Ensemble, nous avons réalisé que les sujets réellement importants de la vie ne se mesurent ni ne se comptent en dollars mais bien plutôt en progrès moraux de l’âme humaine.

Dr David Lazerson – www.drlaz.com
N’Shei Newsletter – L’Chaim n°1057
traduit par Feiga Lubecki