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Semaine 49

  • Vayétsé
Editorial
Un regard de lumière

L’obscurité de l’époque paraît parfois si épaisse que rien ne parvient à la percer. C’est ainsi qu’elle peut régner sans partage sur les esprits et les cœurs au point de parvenir à refouler la réalité jusque dans les confins de la conscience. Nombreux sont ainsi les évènements qui, malgré la clarté de leurs enseignements, sont interprétés à l’inverse de l’évidence dont ils sont porteurs. Pour tous les hommes que la nuit des âmes et des intelligences s indispose, c’est là une expérience douloureuse.
Pourtant, comme un grand rythme qui dépasse les soubresauts du quotidien, voici revenu le mois de Kislev. Dès son ouverture, il a apporté ce qu’il recèle depuis toujours : une lumière sereine. C’est là, en effet, ce qui le caractérise. Mois de la fête de ‘Hanoucca, il est celui où, d’abord spirituellement, l’ombre recule. Alors que nous n’en somme qu’à sa première moitié, son influence, déjà perceptible, redonne à la période les couleurs de l’espoir et de la vie. De fait, Kislev est ainsi un temps de ressourcement. Il est un mois où rien ne peut remettre en cause la puissance et la grandeur de la lueur qui monte.
Certes, en une époque de bouleversement, alors que le monde fait déferler toutes les formes du malheur des hommes et que la vérité et l’honnêteté semblent remisées pour longtemps au magasin des accessoires, ce n’est pas à une vision de lumière que nous sommes invités. Pourtant, elle est là présente, juste à la limite du regard. Elle grandit de jour en jour et laisse présager sa victoire éternelle. Car les choses sont ainsi faites : devant le jour qui se lève, la nuit ne peut que reculer. Plus encore, celle-ci n’a pour désir profond que de s’effacer peu à peu.
Nous sommes justement les acteurs de ce changement infini. Nous pouvons trouver la sérénité et l’harmonie reconquises. Nous pouvons être les hommes de la lumière qui font surgir, au cœur du monde, le bonheur de tous. Nous en possédons la clé. Vivre Kislev n’est-il pas aussi une affaire de regard ?
Etincelles de Machiah
Juste un petit moment

Faisant référence à la venue de Machia’h, D.ieu annonce (Isaïe 24:7): “Pour un petit moment, Je t’ai abandonné mais avec une grande miséricorde Je te rassemblerai”. Le rapport établi par ce verset entre “le petit moment” d’abandon et la “grande miséricorde” doit être analysé plus attentivement.
De fait, le message est important. Ce texte signifie que, lorsque Machia’h viendra, et que la miséricorde divine sera manifeste, chacun verra que la durée totale de l’exil n’aura finalement été qu’un “petit moment”.
(d’après Séfer Hamaamarim 5700, p. 10) H.N.
Vivre avec la Paracha
Etendez-vous !

La plupart des gens sont d’accord pour dire que le cerveau est un outil très performant. Cependant, ils ne sont pas tous d’accord sur la manière et le moment de l’utiliser.
Certains disent : «J’utilise ma tête pour les défis matériels et physiques que me lance la vie : pour conduire mes affaires, écrire un C.V., chercher à acheter une maison, construire un bateau, faire un programme informatique… Tout cela fait partie des choses pour lesquelles le raisonnement et la logique sont des outils indispensables. Mais quand il s’agit de ma vie spirituelle, intellectuelle, de mes convictions religieuses, du temps que je consacre à la méditation et à la prière, tout cela ne peut être rationnalisé et jaugé selon les échelles de la logique. Ce sont des domaines où je m’abandonne à mon subconscient, à mon intuition.»
D’autres empruntent une approche diamétralement opposée : «Au contraire, arguent-ils, l’aspect spirituel de la vie est celui où le guide de l’intellect est le plus nécessaire. C’est justement parce qu’il est spirituel et subtil qu’il est le plus vulnérable à la falsification. En ce qui concerne mes entreprises matérielles, je peux me laisser conduire en pilotage automatique. De plus, je ne considère pas que ce soit si important pour moi. Si je ne réussis pas dans ce domaine, ce n’est pas la fin du monde. Mais dans ma vie spirituelle, ce qui est essentiel pour moi, je ne veux pas d’erreurs. Là, je soumets chacune de mes actions, chacune de mes pensées et chacun de mes sentiments à l’outil le plus précieux que je possède : mon intellect.»

Qui a raison, qui a tort ? Selon un Midrach fascinant à propos des habitudes de sommeil de Yaakov, tous ont tort.
Dans le chapitre 28 de Béréchit, nous découvrons la manière dont Yaakov, voyageant de la Terre Sainte à ‘Haran, passa une nuit au Mont Moriah (le Mont du Temple) :
«Il arriva à ce lieu ; il y dormit, car le soleil s’était couché… et il s’étendit en ce lieu.»
Comme nos Sages ne cessent de le répéter, la Tor ah ne contient pas un seul mot, pas une seule lettre qui soient superflus. Dès lors, quel est le sens de cette phrase qui paraît redondante : «et il s’étendit en ce lieu» ? La Torah nous a déjà dit qu’il «y dormit». Quel message recèlent ces mots apparemment inutiles?
Le Midrach commente :
«Dans ce lieu, il s’étendit car pendant les quatorze années où il s’était caché dans la maison de Ever, il ne s’était pas couché… Dans ce lieu, il s’étendit car pendant toutes les vingt années qu’il allait passer chez Lavan, il ne se coucherait pas.»
Cette nuit-là, la nuit que Yaakov passa dans le lieu le plus saint du monde, était encadrée par les périodes les plus intensément spirituelles et les plus intensément matérielles de sa vie. Pendant les quatorze années précédant cette nuit, Yaakov avait été enfermé dans la maison de son maître Ever (l’arrière arrière petit-fils de Noa’h), consacrant chaque seconde de son temps à la quête de la sagesse divine. Les vingt années qui devaient suivre cette nuit, Yaakov allait travailler sous les ordres du fourbe Lavan, son oncle, s’occupant de son troupeau et amassant une fortune pour lui-même. Selon son propre témoignage, son implication dans son travail était telle que «le sommeil a fui mes yeux» ( Beréchit :31 :40)
Mais durant cette nuit-là qui s’interposa entre ces deux périodes et les joignit, Yaakov «s’étendit».
Une personne couchée place sa tête et le reste de son corps au même niveau. Ainsi, il abandonne l’avantage le plus important de l’homme sur toutes les autres créatures vivantes : le fait que chez l’être humain, la tête est positionnée au-dessus du corps.
Parce que, comme l’enseigne la ‘Hassidout, la stature verticale de l’homme est bien plus qu’un simple aspect anatomique. Elle reflète une vérité plus profonde, celle que, dans l’être humain, l’esprit dirige le cœur, la tête est le maître de la personne physique. Cela, écrit Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi dans le Tanya, est la nature «innée» de l’homme. Une personne qui se laisse diriger par ses émotions et ses instincts est une personne qui a renoncé au trait le plus important de son humanité, à la propriété la plus éminente de l’homme par rapport à l’animal.
Là réside, dit le Rabbi, le sens profond du commentaire midrachique selon lequel Yaakov ne s’était pas «étendu» pendant les quatorze années passées chez Ever et les vingt années au service de Lavan. Yaakov nous dit ici que le principe selon lequel «l’esprit domine le cœur» s’applique à tous les domaines de la vie, de l’entreprise la plus spirituelle à l’occupation la plus matérielle, à toutes les occupations de la vie, sauf quand vous êtes sur le Mont Moriah
Il existe une vérité plus élevée, une vérité qui transcende la matérialité et la spiritualité, une vérité qui surpasse à la fois l’intellect et l’instinct.
D.ieu n’est ni spirituel ni matériel. Il a créé les deux royaumes et est présent de la même manière dans les deux. Il nous a donné les moyens de nous lier à Sa vérité suprême dans les deux domaines. La prière est, par exemple, un canal spirituel pour se lier à D.ieu, alors que le fait de donner la charité en est un chemin matériel. Et Il nous a donné un guide, notre esprit rationnel, avec lequel naviguer dans les deux domaines de la vie.
Mais nous avons également besoin d’être liés à la vérité spirituelle plus élevée qui dépasse l’esprit et la matière. En fait, ce n’est que grâce à ce lien que nous pouvons habiter deux mondes si différents et les incorporer tous deux dans notre vie.
C’est la raison pour laquelle Yaakov devait passer une nuit au Mont Moriah, site du Saint Temple, lieu de la plus grande révélation de D.ieu à l’homme et du plus grand engagement de l’homme dans son service divin, le lieu où est manifeste la vérité divine essentielle. Seule une rencontre au Mont Moriah peut établir un pont entre «les années Ever» et les «années Lavan». Seule une rencontre au Mont Moriah peut placer nos entreprises spirituelles et nos quêtes matérielles dans la même vie, les faire cohabiter harmonieusement et même se nourrir mutuellement et imposer les mêmes critères d’intégrité dans les deux.
Mais sur le Mont Moriah, il n’y a ni lois ni outils. Vous ne pouvez saisir ni comprendre, vous ne pouvez ni rationnaliser ni expérimenter. Vous ne pouvez que vous y abandonner. Vous ne pouvez que vous y étendre.
Nos moments correspondant à l’expérience du Mont Moriah sont extrêmement rares. Pour Yaakov, une nuit seule suffit pour trente-quatre ans. Mais ce qui est important n’est pas le nombre de leur occurrence et leur durée mais le fait que leur influence imprègne tout ce que nous faisons.
Le Coin de la Halacha
Il est interdit de se mettre en danger. Quelques détails :

- Il est interdit de manger le poisson avec la viande.
- On ne fait pas cuire des plats de viande et de poisson ensemble dans le même four, sauf si un des deux plats est couvert.
- Après avoir mangé du poisson, on mange du pain et on boit quelque chose afin de rincer la bouche avant de manger de la viande.
- On ne laisse pas des aliments liquides découverts durant la nuit.
- On ne s’expose pas à ce qui nuit à la santé et à la vie.
- On ne mange pas des aliments qui provoquent le dégoût, par exemple dans de la vaisselle sale.
- On se lave les mains avant de manger.
- On ne prononce pas de mauvais présage sur un autre Juif, par exemple : «S’il t’arrive tel ou tel événement fâcheux…». On dira plutôt : «S’il arrive à quelqu’un…»
- On ne doit pas effrayer un autre Juif, surtout des enfants, avec des animaux ou des événements impurs, par exemple en affirmant : «Si tu n’es pas sage, un chien te fera du mal». On s’efforcera de rester toujours positif.

F. L. (d’après Junior Code
De Recit de la Semaine
A la frontière syro-irakienne

C’est à la fin de notre mission en Afghanistan que j’ai appris à mettre les Téfilines dans notre abri entre les patrouilles que nous devions effectuer pour «nettoyer» les villages alentour. Là, j’avais cinquante autres soldats qui me protégeaient. Nous nous sentions presque invincibles.
Mais quand j’ai été envoyé en Irak, je me suis retrouvé le seul officier des marin’s, juif américain, entouré de centaines de soldats irakiens dans un coin perdu près de la frontière syrienne. Là, je devais me garder de révéler mon identité.
Je me souviens du sentiment de solitude, d’abandon même que je ressentais, avec le désert tout autour de moi, sachant qu’au bout de ce désert se trouvait le pays de mes rêves, des rêves de mes ancêtres tout au long des générations, la terre d’Israël, si proche mais si lointaine. J’aurais pu m’y rendre en quelques heures et revenir dans la même journée sans que personne ne s’en aperçoive : je ressentais cela comme une véritable torture, peut-être ce qu’avait ressenti Moïse au bord du Jourdain, quand D.ieu ne lui avait pas permis d’entrer en Terre promise…
J’étais responsable de l’entraînement de 1500 soldats irakiens et je devais cacher mon identité vingt quatre heures par jour. Pour les Irakiens, je n’étais qu’un autre Américain, chrétien, blond aux yeux bleus. Mes camarades de régiment comprenaient ma situation et savaient que ma religion devait rester secrète… Je n’avais même pas le droit de mettre le mot «Juif» sur mon badge identitaire. Nous avions deux traducteurs irakiens à notre disposition. Au bout de quelques mois, nous avions tissé des liens de confiance et ils avaient compris que j’étais Juif. Mais je devais continuer à me méfier : on pouvait m’adresser des sourires et, dix minutes plus tard, me faire tomber dans un traquenard.
Mon seul moment de calme, c’était quand je pouvais me reposer dans notre Q.G., mettre mon Talit et mes Téfilines (qui m’avaient été offerts par l’Institut Aleph, de Floride) pour réciter le Chema et la prière du matin. Mes camarades de régiment trouvaient que c’était là un rituel étrange mais ils le respectaient.
J’avais entendu que les officiers juifs ne représentaient que 0,5 % des Forces Armées américaines. Oui, nous n’étions qu’une infime minorité mais notre fierté était inversement proportionnelle à notre nombre.
Je suis né dans une famille peu attachée aux traditions, à Hollywood en Californie. Je n’avais jamais mis les Téfilines : lors d’une visite en Israël avec un groupe de jeunes, j’avais été abordé dans la rue par des ‘Hassidim de Loubavitch à Jérusalem : ils m’avaient proposé de mettre les Téfilines et d’adresser des prières à D.ieu. Sceptique, j’avais pourtant accepté tout en me moquant intérieurement de ce rituel suranné, du moins à mes yeux d’adolescent rebelle. Mais ici, en Irak, dans un univers constitué de bombes, d’attentats suicide, de tireurs embusqués et de batailles à chaque coin de rue, je savais que chaque jour pouvait être le dernier.
Et je chérissais mes Téfilines.
C’était mon bouclier invisible. Concrètement, je les mettais le temps de réciter mes prières mais, même après les avoir enlevés, je ressentais la présence de D.ieu autour de moi et Sa protection pour un jour supplémentaire. Ou, au moins, cela me donnait le courage d’affronter la mort si mon heure devait sonner. J’avais toujours eu conscience de la Présence Divine mais dans cet environnement stressant, je ressentais encore davantage d’amour pour Lui ainsi que Son amour pour moi.
Depuis, je suis retourné à la maison. J’ai repris une vie presque normale, je me sens évidemment moins en danger : j’ai mis mes Téfilines de côté. Mais après avoir écrit ce message, je ressens que le «bouclier de D.ieu» que je devrais placer sur ma tête et mon bras – même ici à la maison, dans le tumulte et les tentations de la vie américaine – me protégeraient autant que sur le champ de bataille dans le désert irakien. Peut-être que je ressentais davantage le danger là-bas mais les Téfilines, le Talit et la prière me permettent de me sentir plus complet ici aussi, comme si l’esprit de D.ieu était plus proche de moi.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle j’ai recommencé à mettre les Téfilines, ici aux Etats-Unis…

Etan Anthony
1st Lt/USMCR
E Co, 4th Recon BN
traduit par Feiga Lubecki