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Semaine 12

  • Tsav
Editorial
Pourim pour notre temps

La joie de Pourim est une réalité et cette réalité est forte, tangible, inébranlable. Il se trouve que nous vivons des temps où de nouveaux Haman sont apparus et que, comme leur lointain ancêtre dans le Livre d’Esther, ils s’affirment prêts à «détruire tous les Juifs, y compris les femmes et les enfants, en un seul jour». Peut-être ignorent-ils encore que l’histoire a déjà trouvé sa conclusion ? Peut-être veulent-ils ne pas savoir que celui qui, en son temps, entreprit ce combat inhumain, sans foi ni morale, en fut la première victime ? Peut-être préfèrent-ils oublier que les rues de Babylonie gardèrent longtemps le souvenir de la potence haute de vingt-cinq mètres préparée pour Mordé’haï le Juif et à laquelle Haman lui-même fut pendu avec ses fils, partisans dignes de lui ?
Décidément l’histoire donne parfois l’impression de bégayer. Voici qu’en une période naturellement de pur bonheur, les barbares ont montré leur hideux visage et que se sont découverts ceux pour qui la barbarie n’est rien de pire qu’une option parmi d’autres. Il est toujours difficile à l’homme civilisé de réagir avec justesse à de tels assauts. Passé le sentiment d’horreur et de révolte, au-delà de l’indispensable réaction sécuritaire et des condamnations attendues, et en particulier alors qu’on se trouve loin du théâtre des violences, que faire ? Serions-nous donc désarmés, réduits à l’indignation rituelle ? Et si Pourim constituait une réponse ?
Car le jour que nous célébrons cette semaine est loin de se limiter à la simple évocation d’un héroïsme passé. Le Baal Chem Tov ne l’a-t-il pas enseigné : «Celui qui lit le Livre d’Esther au passé n’a pas accompli le commandement comme il convient» ? Cette fête est celle du temps présent. Elle nous parle de notre vie. Elle nous dit la dureté de l’exil et l’espoir toujours vivant. Elle nous dit la cruauté de nos ennemis et la victoire éternelle. Et surtout, elle nous fait entendre l’allégresse qui monte comme une réponse à ceux qui voudraient nous voir sortir de l’Histoire. De fait, la joie est sans doute la réponse suprême. Elle brise les barrières, nous entraîne au-delà de nous-mêmes, nous emplit de cette force à laquelle rien ne saurait résister. Il faut la vivre, s’en imprégner dans et par Pourim pour tous les jours qui suivent. Par elle, voici qu’enfin le jour se lève.
Etincelles de Machiah
Juste un bouton à presser

Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener «le salut et la délivrance» au monde entier.
En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)H.N.
Vivre avec la Paracha
Tsav : L’autel extérieur

Rabbi Eléazar donnait toujours une pièce d’argent à un pauvre et seulement alors, il commençait à prier.

Le Temple de Jérusalem possédait une structure qui correspond à celle de l’être humain. Ses chambres et ses meubles ont leur équivalent dans les différents organes et facultés qui constituent l’homme. Comme le soulignent nos Sages, quand D.ieu dit à Moché : «ils Me feront un Sanctuaire et Je résiderai parmi eux» (Chemot 25 :8), Il ne dit pas «Je résiderai en lui» mais «en eux». En d’autres termes, bien que le Temple constituât le lieu central du service de l’homme pour son Créateur, et l’endroit dans le monde où l’essence de la Divinité était la plus perceptible, l’objectif du service du Temple était que l’homme applique la conscience et l’expérience du Divin se dégageant du Lieu Saint dans tous les aspects de sa vie quotidienne. Ainsi, chacun des ustensiles du Temple ainsi que ce qui y était accompli possède son pareil dans la manière dont l’homme régit sa vie et sert son Créateur.
Les services accomplis dans le Temple se rangent en deux grandes catégories : «les services intérieurs» dans le Temple à proprement parler (le Hé’hal) et les «services extérieurs» dans la cour du Temple (la Azara). Au niveau individuel, cela se traduit dans les deux domaines de base du comportement humain : le développement intérieur et spirituel de l’homme et les aspects les plus extérieurs de sa vie, ses efforts pour raffiner son être corporel et son implication avec son prochain et le monde environnant.

La voie de la flamme
Le sentiment instinctif d’un homme pourrait être qu’il doit se frayer un chemin de l’intérieur vers l’extérieur. D’abord, il se concentrera sur les besoins intérieurs de son âme et seulement après il prêtera attention aux sujets «extérieurs». Etant parvenu à une paix et une perfection intérieures, il se mettra alors à réellement influencer son environnement. «Prends soin du feu qui brûle dans ta cheminée », se dit-il, « avant de te préoccuper d’illuminer l’extérieur».
Mais dans le Temple, les choses marchent dans le sens inverse. Le jour commence par l’allumage du Mizbéa’h Ha’hitson, de l’ «autel extérieur» qui se tient dans la cour du Temple. En fait, la loi de la Torah va même jusqu’à se demander si l’ «autel intérieur» et la Menorah (le Candélabre) doivent être allumés à partir des feux qui proviennent de l’ «autel extérieur».
La Menorah à sept branches représente la sagesse divine de la Torah. L’«autel intérieur» est l’équivalent du raffinement et du perfectionnement que fait l’homme de ses plus hautes facultés spirituelles. Mais la gloutonnerie spirituelle n’est pas moins égocentrique que celle qui dévore la matérialité et celui qui se concentre exclusivement sur l’accomplissement et la réalisation de sa propre personne, même dans le sens le plus positif et le plus spirituel, met son Temple intérieur à l’envers.
Il est vrai que plus un homme possède de richesse en lui, plus il peut en donner aux autres. Et il est également vrai que si quelqu’un vient à avoir des manquements en lui, il lui est extrêmement difficile de les rectifier chez autrui. Et pourtant, il est sûr que les besoins d’autrui ne peuvent être ignorés, en attendant que l’on atteigne soi-même la perfection.
Bien plus, il s’avère souvent que donner aux autres permet de s’améliorer soi-même : une idée que l’on se doit de transmettre sera mieux et plus profondément comprise, aider notre ami en situation de crise ouvre pour nous des ressources de foi et de courage qui nous étaient insoupçonnées à nous-mêmes.
C’est là la leçon implicite dans le fait que la Menorah et l’«autel intérieur» étaient allumés à partir du feu qui brûlait dans la cour : aller vers l’autre, l’autre qui est en nous (c’est-à-dire notre personne physique) et l’autre, au sens littéral, celui dont la vie peut être améliorée si on lui apporte de la lumière et de la chaleur. Ces actes altruistes d’illumination allumeront, à leur tour, les «feux des maisons» dans les chambres intérieures de notre propre temple, de façon tangible et définitive. Notre étude de la Torah et notre prière imprègneront notre esprit et notre cœur avec un réel attachement au Tout Puissant.

L’offrande du pauvre
Les différents types d’offrandes apportées sur l’autel du Sanctuaire et à Jérusalem étaient classés en Sainteté Supérieure et Sainteté Moindre. L’offrande de Min’ha (repas) apportée par le pauvre est appelée Kodech Kadachim (une Sainteté Supérieure) «semblable à l’offrande expiatoire» du repentant.
Abravanel, le célèbre commentateur espagnol, observe qu’alors que les autres offrandes peuvent être d’une Sainteté Moindre, celles du pauvre, qui donnait en faisant un grand effort et sacrifice de sa personne, sont d’une Sainteté Supérieure. De la même façon, l’expression de la contrition du pécheur repenti, ses remords pour ses mauvaises actions, sont chéris par son Créateur miséricordieux.
La signification de l’offrande réside moins dans sa mesure quantitative que dans le degré d’implication de l’offrant, dans ce qu’il donne de sa propre personne. Le riche qui peut s’adonner à de grands gestes philanthropiques ne doit pas considérer ses frères moins fortunés que lui, d’un air protecteur. Et parallèlement, la mesure pour D.ieu étant le cœur, le contributeur modeste ne doit pas jeter un regard dépréciateur sur le fortuné ou se faire gloire de sa propre générosité («si je peux donner cinq euros, il peut en donner dix mille…»). Alors que la valeur négociable des dons généreux n’est pas diminuée par l’orgueil, les petites sommes de charité données avec arrogance n’ont que peu de sens spirituellement ou matériellement.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le ‘Hamets ?

Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le vendredi 18 avril 2008, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène.
C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc. avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année jeudi 17 avril 2008.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa’h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra «récupérer» une heure après la fête qui se termine dimanche soir 27 avril 2008 à 21h 54 (horaires valables pour Paris et sa région).

F. L.
De Recit de la Semaine
Ne l’appelez plus Haman !

Un frisson de terreur parcourut les Juifs qui se trouvaient sur la place du marché : «Le méchant Haman arrive !» murmurèrent, paniqués, les commerçants. En quelques secondes, ils fermèrent leurs boutiques. Les clients comme les marchands se dispersèrent en toute hâte, il n’y avait plus personne au marché !
Nul ne se souvenait plus pourquoi le commissaire de la ville haïssait tant les Juifs mais le fait était là. Par tous les moyens possibles, il leur rendait la vie amère : il leur imposait des taxes exorbitantes, confisquait leurs marchandises. On l’avait surnommé «le méchant Haman», ce qui, paradoxalement exprimait l’espoir qu’il connaîtrait la même fin dramatique que le Haman qui avait projeté d’exterminer le peuple juif en Perse, à l’époque de la reine Esther.
Rav Hillel était le Mohel de la ville. A cause de l’oppressante atmosphère anti-juive qui régnait dans la ville, il ne pouvait exercer son métier – effectuer la circoncision des nouveaux nés – que dans le plus grand secret. Plus d’une fois, malgré ses précautions, on lui avait fait comprendre que les autorités le surveillaient. Pourtant il continuait : ce qu’il faisait était une Mitsva ; amener un enfant juif dans l’alliance d’Avraham notre père était plus important que toutes les menaces à son encontre.
Un jour, le responsable de la synagogue lui avait glissé dans la poche un papier portant simplement une adresse, dans un des quartiers huppés de la ville habités exclusivement par des hauts fonctionnaires. Là, il devait circoncire un enfant dont il ne connaissait même pas le nom de famille.
Quand il trouva la maison, seul le responsable de la synagogue s’y trouvait. «Sept autres Juifs vont bientôt arriver», lui dit-il. Avec le père de l’enfant, il y aura Minyane, les dix Juifs dont la présence est nécessaire pour cette cérémonie.
Un par un, les invités arrivèrent, le visage inquiet et le cœur battant, de peur d’être dénoncés. «Qui est le maître de maison ?» demanda Rav Hillel. Mais nul ne pouvait lui répondre.
Le matin même, un homme bien habillé s’était soudain approché du responsable de la synagogue et lui avait mis dans la poche un papier avec une adresse et une heure de rendez-vous. Mais tout le reste était un mystère.
Le père arriva, le visage presque complètement masqué par le col de son épais manteau. Ainsi nul ne put le reconnaître. Mais Rav Hillel put l’apercevoir un peu mieux que les autres invités : le visage lui disait quelque chose mais il ne parvenait pas à mettre un nom. La Brit Mila (circoncision) fut exécutée en toute hâte, avec les prières et bénédictions d’usage et le père quitta très vite la pièce en tenant l’enfant.
Le lendemain, Rav Hillel trouva sous sa porte une lettre dont la seule vue le fit trembler. Ce n’était pas la première fois qu’il était ainsi convoqué par les autorités mais cette fois-ci, il eut comme un mauvais pressentiment : «Ils ne me laisseront pas continuer !» pensa-t-il.
Quand il arriva au bâtiment officiel, on le fit entrer immédiatement dans le bureau du commissaire. Rav Hillel sentait son cœur battre plus fort et tout son corps tremblait. Soudain il réalisa : l’effroyable commissaire était le père de l’enfant !
Apparemment, le commissaire était lui aussi nerveux. Il se racla la gorge plusieurs fois avant de s’adresser à son interlocuteur : «J’ai bien remarqué que vous m’aviez reconnu ! Je vous ai convoqué ici pour m’assurer que vous ne dévoilerez mon identité à personne. Je vais vous raconter mon histoire : je suis né dans un village isolé. Ma mère était douce et aimante ; par contre, mon père avait un penchant pour la vodka : il devenait alors cruel et violent. Très jeune, je m’enfuis de la maison ; à trois reprises, je fus pris de remords et écrivis une lettre à mon père pour m’excuser mais il ne m’a jamais répondu. Ceci a contribué à m’éloigner du judaïsme et à l’abandonner complètement.
Et durant des années et des années, j’en ai voulu à tous les Juifs.
Après mon service militaire obligatoire, j’ai voulu continuer l’armée et j’ai avancé en grade jusqu’à ma fonction actuelle. Il y a deux ans, je me suis marié et ce n’est qu’après que j’ai découvert que ma femme était juive elle aussi. Au moment de son premier accouchement, le travail fut extrêmement pénible. Sa vie était vraiment en danger : elle m’a alors fait promettre que, si c’était un garçon, je trouverais un Mohel pour le circoncire. J’ai promis et tout à coup la naissance s’est produit tout naturellement. C’était un garçon.
Hier, quand j’ai constaté combien vous étiez prêt à mettre votre vie en danger pour un inconnu, quelque chose s’est mis à vibrer en moi. Je ne peux plus justifier ma conduite haineuse vis-à-vis de ceux que je dois bien appeler mes coreligionnaires, les Juifs».
Petit à petit, les Juifs de la ville remarquèrent un changement d’attitude de la part du commissaire. Il semblait avoir perdu sa morgue et sa hargne, il marchait normalement sans tenter de s’imposer par l’arrogance et la violence.
Un Pourim, on apprit que le commissaire était mort subitement. Si cela était arrivé quelques années plus tôt, les Juifs auraient célébré l’événement. Mais maintenant, ils se contentèrent de hocher la tête. Depuis longtemps on ne l’avait plus appelé Haman.
Seul Rav Hillel versa une larme…

L’Chaim
traduit par Feiga Lubecki