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Semaine 7

  • Tetsavé
Editorial
Question de valeur

De tous temps, l’idée de valeur a constitué une des bases du développement social. Parce que les hommes ont su déterminer une valeur servant de référence d’échange, ils sont sortis du troc et ont construit peu à peu une économie complexe. Parce qu’ils ont défini – ou accepté – la notion de valeur morale, ils ont pu fixer des objectifs de progrès qui ont largement contribué à élever l’homme. Il n’est, dès lors, pas étonnant que quiconque aspire à une civilisation plus belle ou, en d’autres termes, à un monde meilleur, voit ce concept comme inséparable d’une certaine sagesse ou, au moins, d’une certaine permanence. De fait, si le sort de la valeur n’est qu’une dépréciation continue, c’est tout l’équilibre des choses qui est remis en cause.
Les sociétés contemporaines semblent parfois prises d’une sorte de fièvre. Emportées par une accélération auto-entretenue, dont on ne se demande plus si elle toujours pertinente, elles peuvent souvent user les idées avant même d’en avoir saisi toute la portée. Elles peuvent ainsi remettre en cause, même involontairement, des fondements précieux. C’est ainsi que se produisent ce que l’on appellera élégamment des « dérives », ces actes qui montrent, par exemple, que le seul souci d’une rentabilité immédiate a pris le pouvoir, que les choses, et parfois les hommes, ne sont plus jugés qu’à l’aune d’une finance toute-puissante. C’est également ainsi que certains oublieront que les principes moraux sont exigeants et que l’honnêteté civile n’est pas moins importante que le souci du spirituel. Voici que, même si un manquement éventuel fait apparaître des préjudices réels, certains s’emploieront encore à y trouver des justifications inspirées.
Pourtant, oublier ces principes, c’est perdre de vue une idée essentielle. C’est écarter de son esprit que le but d’une société civilisée dépasse la simple organisation du meilleur confort possible. C’est ne plus voir, ou ne plus savoir, qu’il appartient à chacun d’agir pour que ce monde soit un lieu de bien et d’harmonie et non celui des luttes les plus féroces et des barbaries les plus policées. Comment faire ? Peut-être est-il temps de regarder le monde comme un espace global, où chaque acte laisse une empreinte profonde, y compris au quotidien ? Peut-être est-il temps de considérer sa propre vie comme un tout, conscient qu’aucun de ses aspects ne peut se lire sans lien avec tous les autres ? En d’autres termes, s’attacher à une valeur… et s’y tenir. Morale et spirituelle, elle fonde toutes les déclinaisons du concept. Donnée par D.ieu, elle est éternelle.
Etincelles de Machiah
Chaque prière est un progrès

Pour la Délivrance du peuple juif, une Délivrance éternelle qui ne sera suivie d’aucun autre exil, nous devons augmenter nos prières, les premières et les dernières générations. Les prières des premières générations aideront celles des dernières générations.
Ce sera plus facile pour les dernières générations qui sont plus proches de la Délivrance finale. Leurs prières seront plus acceptées que celles des premières générations. Puisque le sujet est si important, il doit y avoir une abondance de prières, génération après génération, afin que les prières pour la Délivrance soient acceptées.
(d’après Beth Elokim LéHamabit, Porte de la prière, chap. 17) H.N.
Vivre avec la Paracha
Tetsavé : Moché disparaît

La Torah consiste en cinq livres divisés en 54 Paracha. Il est vrai que c’est Moché qui les transcrivit et encore plus vrai qu’il est le personnage central du récit. Mais n’est-ce pas la Torah de D.ieu? Le Talmud s’interroge, dans la même veine, devant l’invective du prophète (Mala’hi 3 : 22) : «Rappelle toi la Torah de Moché, Mon serviteur». Serait-ce donc la Torah de Moché ? Oui, ça l’est, affirme le Talmud «parce qu’il lui a donné sa vie, elle est appelée de son nom».
Le premier livre, Beréchit (la Genèse) ne porte pas mention de son nom. Cela a du sens dans la mesure où il n’était pas encore né. Le nom «Moché» n’apparaît que quelques fois dans le cinquième livre, Devarim (Deutéronome). Cela également peut être compréhensible, le livre de Devarim constituant un discours de trente-sept jours que Moché adressa au peuple avant sa disparition. Durant les onze Paracha de Devarim nous entendons sa voix : «A ce moment là, D.ieu me dit…», «Et quand nous continuâmes notre voyage…» - (Il est à noter que cela contraste avec le reste de la Torah écrit à la troisième personne : «Et D.ieu parla à Moché…», «Et Moché monta sur la montagne… »)
Dans les trois autres livres, le nom «Moché» apparaît à de nombreuses occurrences dans chaque Paracha, souvent des douzaines de fois sur la même page. Dans chaque Paracha, à l’exception d’une seule : la portion de Tetsavé (Exode 27 :20-30 :10) qui ne comporte pas une mention du nom de Moché.
Le commentaire sur la Torah du Baal Hatourim explique ce phénomène comme la conséquence de quelque chose que Moché dit à D.ieu à la découverte de la faute du Veau d’Or. Quand le peuple d’Israël trahit son alliance avec D.ieu, tout juste quarante jours après avoir reçu la Torah au Mont Sinaï, D.ieu dit à Moché qu’Il avait l’intention de détruire la nation errante et de construire un peuple nouveau et meilleur à partir des descendants de Moché. Moché supplia et discuta en faveur de son peuple, et finalement s’écria à D.ieu : «Maintenant, si Tu pardonnes leur péché… Mais si Tu ne le fais pas, efface-moi du livre que Tu as écrit» (Chemot 32 :32). C’est la raison pour laquelle, avance le Baal Hatourim, le nom de Moché est absent de la Paracha Tetsavé.
Néanmoins, il reste à comprendre un certain nombre de choses :
a) En fin de compte, D.ieu ne détruisit pas le Peuple d’Israël et n’effaça pas le nom de Moché de la Torah. Pourquoi donc fut-il omis dans Tétsavé ? Etait-ce une sorte de punition ou de «dégradation» pour ses mots audacieux ou bien y a-t-il un sens plus profond à leur réalisation partielle ?
b) Qu’essayait d’obtenir Moché ? Etait-ce un genre de gentille «menace» pour forcer la main de D.ieu ? Y avait-t-il, par l’omission du nom de Moché dans Tetsavé, un espoir de sauver le peuple d’Israël ?
c) Pourquoi, parmi les 54 Paracha de la Torah, est-ce précisément Tetsavé qui perd le nom de Moché ? En fait, le récit du péché d’Israël et de l’ «ultimatum» de Moché apparaît dans la Paracha suivante : Ki Tissa !
Le Zohar parle de D.ieu, de la Torah et du peuple d’Israël comme «trois liens qui sont imbriqués les uns dans les autres… chacun consistant en un niveau au-dessus d’un niveau, caché et révélé».
Que sont ces niveaux «cachés» et «révélés» dont parle le Zohar ? Les Maîtres de la ‘Hassidout expliquent qu’il existe deux niveaux auxquels D.ieu, Israël et la Torah sont liés. Au niveau «révélé», la Torah est un lien entre D.ieu et Israël. D.ieu est infini et inaccessible, et nous sommes des êtres finis et mortels. Mais D.ieu nous a donné Sa Torah, décrétant qu’elle incorporerait Sa sagesse et Sa volonté. Quand nous étudions la Torah et accomplissons ses préceptes, nous opérons une connexion avec D.ieu.
A un niveau plus profond, toutefois, cette connexion agit dans un sens différent : les âmes d’Israël sont ce qui lie la Torah à D.ieu. A ce niveau, l’âme est une étincelle de l’essence divine et la Torah est le produit de cette unicité. D.ieu, comme Il est en Lui-même, est au-delà du fait de posséder une «sagesse» ou une «volonté». Il ne les acquiert que comme moyen pour exprimer Sa relation intrinsèque avec nous.
En d’autres termes, au niveau révélé, un Peuple Juif qui rejette la Torah, à D.ieu ne plaise, perd son lien avec D.ieu. Mais au niveau caché, c’est la Torah qui a «besoin» de nous pour être liée avec le Tout Puissant.
(C’est pourquoi il y a des versets et des Midrachim qui décrivent le Peuple Juif comme les «enfants» de D.ieu : la relation d’un enfant avec ses parents dérive du fait qu’il est une extension de l’être de ses parents. Dans d’autres endroits, nous voyons la Torah comme la source de notre lien, comme dans le Midrach qui décrit la Torah comme la «fille» de D.ieu et Israël comme le «gendre du Roi».
Dès lors, nous pouvons comprendre ce que réalisa Moché en insistant pour que D.ieu «efface son nom» de la Torah.
Le nom de la personne représente le moi qu’il présente au monde, au-delà de ce qui réside plus profondément en elle, son moi profond qui transcende toute appellation et toute description. Ainsi nos Sages nous disent que «toute la Torah consiste en noms de D.ieu», c'est-à-dire la manière dont D.ieu Se fait connaître de nous.
Quand D.ieu dit à Moché que la trahison d’Israël avait détruit son lien avec lui, Moché comprit que cela signifiait que D.ieu se liait désormais avec eux au niveau de Son «nom», la dimension révélée de leur lien, où la Torah constitue la jonction entre D.ieu et Israël. Il savait que pour sauver le peuple, il lui fallait évoquer la relation «cachée» avec D.ieu, le lien intrinsèque qu’aucune transgression ne peut ébranler. C’est pourquoi il dit à D.ieu : «Efface mon nom de la Torah».
La Torah est ma vie, disait Moché. Bien plus encore, c’est la substance de ma relation avec le peuple que j’aime : je suis leur maître, celui qui leur transmet Ta sagesse. Mais mon lien ultime avec eux est encore plus profond. Si profond que je désire oblitérer mon nom de la Torah, puisque tant que je définis mon rôle dans leur vie comme leur source de la Torah, leur rejet de la Torah signifiera que je ne suis plus lié à eux.
Les actes des Justes ont un effet intéressant sur D.ieu : ils le «forcent» à agir de la même façon. Les paroles de Moché poussèrent D.ieu à, Lui aussi, endosser sa relation «cachée» et «sans nom» avec Son peuple, un lien qui transcende la Torah et est, en fait, la source et la raison d’être de la Torah. (C’est pourquoi, en dernier ressort, non seulement Moché sauva le peuple d’Israël mais il sauva également la Torah.)
La Paracha de Tetsavé sert de monument à la gloire de l’acte extraordinaire qu’accomplit Moché et de ce qu’il atteignit. Car s’il est vrai que son nom est «absent» de la Paracha, son essence, au-delà du nommable, l’imprègne tout entière. Cela peut apparaître dans la toute première phrase de Tetsavé qui rappelle les mots de D.ieu à Moché : «et tu commanderas aux enfants d’Israël…». Dans le tout premier mot : veata, «et toi», Moché est présent. Non par son nom, mais par son moi transcendant : «toi».
Pourquoi Tetsavé ? Le 7 Adar est la date de la naissance et de la disparition de Moché et tombe toujours à proximité de la semaine au cours de laquelle Tetsavé est lue. C’est donc la semaine la plus appropriée pour nous introduire à la partie la plus profonde de l’être qu’est Moché : «Toi».
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la Tsedaka (charité) ?

C’est une obligation de la Torah de pourvoir aux besoins des Juifs nécessiteux, comme il est écrit : «Tu ouvriras certainement ta main pour lui».
La générosité est un critère de la descendance d’Avraham, notre père.
Celui qui donne la Tsedaka a plus de mérites que celui qui offrirait de nombreux sacrifices. Et le peuple juif sera délivré grâce à la Tsedaka. Jamais un homme ne s’appauvrit en donnant la Tsedaka. Quiconque a pitié de l’autre, D.ieu aura pitié de lui. Trois fois par jour, et même davantage, nous demandons à D.ieu de pourvoir à nos besoins : de même nous devons entendre le pauvre qui demande à manger et nous devons pourvoir à ses besoins.
Nous devons réaliser que l’argent que nous donnons aux pauvres n’était que confié entre nos mains et que nous sommes des émissaires de D.ieu afin de les nourrir.
La Tsedaka repousse les mauvais décrets et rajoute de la vie.
Même un pauvre – qui se nourrit grâce à la Tsedaka – doit donner la Tsedaka avec l’argent qu’il reçoit : cette Mitsva n’est pas réservée aux riches. Le peu que donne le pauvre est aussi important aux yeux de D.ieu que la grosse somme que donne le riche.
On doit d’abord s’occuper des besoins de sa famille, puis des pauvres de sa ville puis de ceux d’une autre ville.
Celui qui a promis de donner de l’argent (par exemple Chabbat à la synagogue) s’empressera de le faire afin de ne pas se rendre coupable de ne pas tenir sa promesse.
Il est conseillé de disposer chez soi d’une boîte dans laquelle on mettra chaque jour des pièces pour la Tsedaka. Chaque enfant, chaque entreprise, chaque école, etc… disposera de sa boîte de Tsedaka.
Celui qui convainc les autres de donner la Tsedaka a plus de mérite que celui qui donne.

F. L. (d’après le Kitsour Choul’hane Arou’h)
De Recit de la Semaine
Emportez mes Téfilines !

J’ai entendu cette histoire d’un homme qui a maintenant plus de soixante ans et qui habite à Los Angeles, en Californie.
«A l’âge de dix-huit ans, j’ai été enrôlé dans l’armée américaine, alors engagé dans le conflit du Vietnam. Nous avons suivi de longs mois d’entraînement puis on nous accorda deux semaines de repos avant d’embarquer pour le sud-est asiatique.
Pendant que je me relaxais à la maison, mes parents décidèrent : «Puisque nous habitons à Crown Heights, et bien que nous ne soyons pas des ‘Hassidim de Loubavitch, il serait sûrement profitable d’avoir une Ye’hidout, une entrevue privée avec le Rabbi, afin qu’il t’accorde sa bénédiction et que tu reviennes sain et sauf».
Durant l’entrevue, le Rabbi se tourna vers moi et me dit : «Je veux vous donner des Téfilines à emporter avec vous de l’autre côté de l’océan».
J’étais surpris et je répondis : «Rabbi ! Je suis pratiquant ! Je mets les Téfilines chaque jour ! Je possède ma propre paire !»
Le Rabbi devint très sérieux : «Avez-vous entendu ce que j’ai dit ? Je veux vous donner des Téfilines à emporter avec vous !» Mes parents tremblèrent tant le Rabbi parlait d’une voix forte et d’un ton sans réplique. Et le Rabbi ajouta : «Vous reviendrez à la maison sain et sauf !»
Quelques jours plus tard, je fus convoqué au secrétariat du Rabbi pour prendre un paquet. Quand je me présentai, on me donna les Téfilines que le Rabbi avait désiré me donner.
Mes vacances prirent fin. Je laissai mes propres Téfilines chez mes parents et emportai ceux que le Rabbi m’avait offerts. Mon régiment était supposé prendre l’avion pour le Vietnam mais, juste avant l’embarquement, un général s’approcha de notre commandant et expliqua qu’il devait absolument embarquer dans notre avion. Tous les sièges étaient déjà prévus pour nous : alors le général exigea qu’un des soldats lui laisse sa place. Je me tenais justement à côté d’eux et c’est ainsi que j’entendis toute la conversation. Le général pointa son doigt dans ma direction : «Il prendra le prochain avion et je prends sa place !»
Je retournai donc à la base en attendant le prochain départ, dix jours plus tard.
Quand j’arrivai au Vietnam, je cherchai tout de suite à retrouver mon régiment. Après tout, j’avais passé six mois d’entraînement avec mes camarades et nous étions très unis, comme des frères. Je m’adressai respectueusement à un commandant et lui demandai comment retrouver mon régiment : «Dans quelle compagnie étais-tu ?»
Je lui donnai le numéro du bataillon, en expliquant qu’il était arrivé dix jours plus tôt mais qu’un général avait pris ma place.
Le commandant me dévisagea de haut en bas : «Tu n’es pas au courant ? Cet avion a disparu dans l’océan. Il n’y a eu aucun survivant ! Tes compagnons ne sont jamais arrivés !»
J’ai mis du temps à réaliser ce que cela impliquait : tous mes camarades étaient morts et ne seraient même jamais enterrés ! Mais je me repris et me rappelai soudain ce que j’avais appris à l’école juive : la Torah explique que tout ce qu’a fait Moché Rabbénou, Moïse notre maître, est permanent. Ce ne sera jamais perdu ou détruit. C’est pourquoi tous les ustensiles du Sanctuaire, ceux que Moché avait aidé à construire dans le désert, existent encore maintenant, bien qu’ils soient profondément enfouis et cachés dans des tunnels creusés sous le saint Temple de Jérusalem.
Maintenant je comprenais pourquoi le Rabbi avait insisté pour que j’emporte les Téfilines qu’il me donnerait. Ses Téfilines ne pourraient jamais être perdus ou détruits. Et si ses Téfilines ne pouvaient être perdus, alors moi aussi je ne serais jamais perdu !
Comme vous le voyez, conclut cet homme, j’ai survécu à cette guerre et les Téfilines du Rabbi m’ont accompagné partout où je suis allé…

Rav Leibel Groner
L’Chaim
traduit par Feiga Lubecki