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Semaine 13

  • Tsav
Editorial
La puissance d’un anniversaire

Un anniversaire est toujours une occasion solennelle. Certes, il marque l’avancée des jours, le passage d’une année. Mais, plus encore, il est le repère qui permet de mesurer les progrès réalisés pendant la période écoulée. C’est ainsi que sa célébration fait sens : elle permet de prendre conscience et, ainsi, de rassembler ses forces pour un départ recommencé.
Cette semaine, le 11 Nissan est l’anniversaire de la naissance de Rabbi Mena’hem Mendel Schnnerson, celui qui, pour tant de Juifs autour du monde, reste, tout simplement, « le Rabbi ». Un tel jour est, en soi, significatif. Par tout ce qui souligne l’importance de l’idée d’anniversaire, il porte clairement à conséquences. Nos Sages nous l’enseignent : c’est le moment où « sa puissance spirituelle est dominante ». C’est dire qu’il convient de s’y arrêter et d’y réfléchir un instant. De fait, que d’actions entreprises, que d’accomplissements nouveaux, que de lien avec D.ieu renforcé par l’étude de la Torah et la pratique de ses commandements en cette année ! A toute réussite, il existe une source et à toute œuvre une âme. Sans se tromper, chacun sait profondément que c’est dans le Rabbi et son enseignement qu’ici on les trouve.
Il est vrai que, au fil des décennies écoulées, le monde a changé. Alors que les frontières se sont souvent peu à peu effacées, que les moyens de communication ont réduit les distances d’une façon inimaginable il y a peu, que l’homme, ivre de puissance, a tendance à oublier ses faiblesses, voici que le peuple juif revient, avec obstination, à l’héritage millénaire transmis par ses ancêtres. Ouvert au monde, voici qu’il retrouve ces chemins-là qui, venus du passé, garantissent pourtant l’avenir. Et chacun de s’interroger : comment a commencé cette renaissance ? Où en a été le moteur ? Qui en préserve la puissance ? Alors que le 11 Nissan éclaire l’horizon de cette force particulière qu’a l’anniversaire du Rabbi, nous percevons la réponse. Une sagesse, un souci de chaque instant n’ont pas cessé de porter ce ressourcement. C’est à cette cause libératrice que le Rabbi s’est consacré.
Et ce n’est pas un hasard – mais quand l’est-ce ? – si ce jour tombe naturellement à proximité de la fête de Pessah. Pourrait y avoir meilleure préparation au « temps de notre liberté » que ce jour qui nous rappelle que la liberté est, à la fois, un don et une conquête, comme une force en mouvement dont l’effet ne s’arrêtera qu’avec la Libération majeure, celle qu’apportera Machia’h.
Etincelles de Machiah
Tichri ou Nissan ?

A propos de la venue de Machia’h, le Talmud (traité Sanhédrin 97b) rapporte le débat suivant : « Rabbi Eliézer dit : ‘Si Israël se repend, il sera délivré, comme il est écrit : ‘Revenez, enfants égarés et Je guérirai vos dérives’. Rabbi Yehochoua dit : ‘Mais il existe un autre verset qui déclare : ‘Vous avez été vendus pour rien et ce n’est pas par l’argent que vous serez délivrés’. ‘Vous avez été vendus pour rien’ – cela veut dire [que vous avez été exilés à cause de] l’idolâtrie et ‘ce n’est pas par l’argent que vous serez délivrés’ – cela veut dire [que vous ne serez pas délivrés] par le repentir et les bonnes actions ».

Dans le traité Roch Hachana (10b-11b), ces deux mêmes Sages discutent du mois de la Délivrance. Pour Rabbi Eliézer, ce sera celui de Tichri tandis que, pour Rabbi Yéhochoua, ce sera celui de Nissan. Les deux débats rapportés ici correspondent l’un à l’autre. En effet, Rabbi Eliezer pense que la Délivrance est liée au repentir des Juifs, à la Techouva – un mode de service divin qui implique l’effort de l’homme pour s’élever vers D.ieu. Aussi, elle doit, selon lui, intervenir en Tichri qui, avec Roch Hachana et Yom Kippour, incarne justement cette démarche. En revanche, Rabbi Yehochoua estime que la Délivrance viendra comme un fait apparaissant d’En-Haut à l’initiative de D.ieu. Dans cette optique, le mois de Nissan est le plus approprié qui vit, précisément, D.ieu Se révéler en Egypte pour libérer Son peuple.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. I, p. 235)
Vivre avec la Paracha
Tsav : L’habit fait-il l’homme ?

La Paracha Tsav donne un récit détaillé du service du Temple. La plupart des tâches associées au Temple et à son entretien étaient accomplies par les descendants de la famille des prêtres : les Cohanim. Il semblerait donc que la majorité des informations que nous présente la Paracha n’ont que peu d’intérêt pour le Juif «ordinaire», celui qui ne descend pas d’une lignée de Cohanim. Toutefois, tous les Juifs sont, en réalité, considérés comme des Cohanim, comme le déclare le verset : «Et vous serez pour Moi un royaume de prêtres et une nation sainte». Chacun des détails du service accompli dans le Saint Temple constitue, en réalité, pour nous un enseignement sur la façon de gérer notre vie et établir avec le Divin une relation plus étroite.
L’un des services qui étaient accomplis dans le Temple nécessitait que soit nettoyé l’excès de cendres qui s’était accumulé sur l’autel. Tout d’abord, le Cohen enlevait une pelletée de cendres de l’intérieur de l’autel et la plaçait à l’est de la rampe qui menait au sommet de l’autel. Cela concluait le service de Haramat Hadéchène, le fait de «monter les cendres», qui constituait le rituel d’ouverture du service quotidien dans le Temple. Après cela, le prêtre changeait ses vêtements sacerdotaux et en revêtait d’autres, moins élégants. Puis il apportait le reste des cendres à l’extérieur du Temple, dans un lieu pur consacré.
Le but de ce changement de vêtements apparaît logique. Enlever les cendres était un travail plutôt salissant et porter des vêtements souillés n’était ni approprié ni respectable pour le Cohen. Néanmoins, une analyse rapide des devoirs accomplis par les Cohanim à l’intérieur des limites du Temple révèle que l’ensemble des services réguliers n’était pas plus immaculé. Les prêtres abattaient des animaux pour les sacrifices, récoltaient le sang, l’aspergeaient sur l’autel et enfin nettoyaient les cendres. Chacune de ces tâches pouvait bien évidemment salir les habits du prêtre en charge. Pourquoi donc devait-il se changer pour pouvoir apporter les cendres dans un lieu situé à l’extérieur du camp ?
Rachi, afin de répondre à cette question, propose une illustration : un serviteur ne porterait pas les mêmes vêtements pour cuisiner un repas pour son maître ou pour lui servir du vin. Quand un serviteur se trouve en présence de son maître, on attend de lui une présentation et une formalité différentes. De la même façon, la Torah souhaite tracer une distinction entre le service accompli à l’intérieur du Temple, à proximité directe avec la Présence Divine et le service accompli à l’extérieur de ses limites, là où la Présence Divine n’est pas manifeste.
Pour se conformer à l’explication de Rachi, il aurait semblé plus approprié qu’un autre Cohen accomplisse la tâche d’apporter les cendres à l’extérieur du campement. Après tout, au palais royal, cuisiner et verser le vin ne constitueraient-ils pas deux emplois différents accomplis par deux serviteurs différents ? Mais le fait que ce fût le même Cohen qui accomplît les deux tâches nous donne une perspective sur la réelle signification du service Divin.
Il apparaît fréquemment que certains rôles dans la vie sont imprégnés de distinction et de prestige. Nous les accomplissons dignement, vêtus d’habits recherchés. Quand nous sommes appelés à accomplir de telles activités, nous nous sentons octroyés d’un sentiment d’importance et de dignité. Et puis viennent d’autres fonctions bien moins valorisantes et dignes. Nous les accomplissons loin des feux de la rampe. Elles sont souvent ingrates ou lassantes et n’apportent pas les satisfactions personnelles d’un rôle public. Nous avons tendance à les accomplir, ou du moins à les ressentir, de mauvaise grâce voire à contrecoeur. Par rapport à des missions éblouissantes, reconnues publiquement, quel sentiment d’accomplissement peut-on ressentir lorsque l’on débarrasse les ordures ?
Et pourtant, le véritable serviteur de D.ieu sait maîtriser ces deux rôles. Il peut, sans effort, passer du service du Temple, si éminent, où la présence divine se fait tangible, à la tâche plus matérielle de se débarrasser des cendres, qui implique que l’on se retire de l’arène de la sainteté pour pénétrer dans le monde ordinaire. Il peut accomplir les deux avec la même ferveur car il comprend que les deux rôles sont aussi importants l’un que l’autre dans l’accomplissement de la volonté Divine. Son élan personnel pour la gratification de son ego laisse la priorité au désir de D.ieu d’avoir une résidence sur la terre.
Il en va de même dans nos relations personnelles. La fréquentation de certaines personnes semble redorer notre propre blason et promouvoir notre statut social. Nous nous sentons stimulés par leur présence et apprécions leur compagnie. Et puis, il y a les autres, ceux avec lesquels nous ne nous sentons pas très à l’aise. Nous les percevons comme les gens ennuyeux, les rejetés, les pathétiques perdants de notre société. Il se peut qu’ils aient besoin de notre écoute ou de notre empathie mais nous n’avons que peu ou pas de patience pour accéder à leurs demandes. Après tout, nous avons des occupations beaucoup plus importantes qui prennent tout notre temps. Descendre à leur niveau et même «changer nos vêtements» en nous investissant pour eux et tenter de considérer le monde à travers leur vision, est simplement trop nous demander, à nous qui sommes dans une posture sociale à maintenir.
Et cependant, parce que nous sommes une véritable «nation de prêtres», c’est justement la compagnie de ces individus que nous devons rechercher, c’est précisément avec eux que nous devons nouer des relations de réciprocité. Plus nous sommes prêts à nous «abaisser» pour une autre personne, plus D.ieu baisse sa dimension spirituelle pour s’intéresser à nos besoins comme nous en serons témoins dans le futur très proche quand D.ieu, en personne, sortira chacun de nous de son exil personnel et nous conduira tous vers la Rédemption finale.
Le Coin de la Halacha
Quelles sont les Mitsvot essentielles de la nuit du Séder ?

Le lundi 2 avril et le mardi 3 avril 2007, on organise le Séder pour célébrer la sortie d’Egypte. On ne pourra commencer qu’après la nuit tombée (20h 55, heure de Paris). Tous les Juifs doivent participer au Séder, hommes, femmes et enfants. Il faut :
Raconter la sortie d’Egypte :
On le fait en lisant la Haggada. Il faut raconter à tous les participants et en particulier aux enfants, selon ce qu’ils peuvent comprendre. Pour éviter qu’ils ne s’endorment, on aura pris soin de les faire dormir l’après-midi et on leur fera chanter certains paragraphes de la Haggada.
Manger de la Matsa :
On mange de la Matsa les deux soirs du Séder après avoir dit la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al A’hilat Matsa», en plus de la bénédiction habituelle «Hamotsi». La Matsa du Séder sera «Chemoura», c’est-à-dire qu’on aura surveillé depuis la moisson, que les grains de blé, et plus tard la farine, n’ont pas été en contact avec de l’eau, ce qui aurait risqué de les rendre ‘Hamets. Nombreux sont ceux qui préfèrent consommer les Matsot rondes cuites à la main (et non à la machine) comme au temps de la sortie d’Egypte. Il faut manger au moins 9 grammes de Matsa faite à la machine ou 15 grammes de Matsa faite à la main, et il est préférable de les manger en moins de 4 minutes. Il faudra manger trois fois cette quantité de Matsa : pour le «Motsi», pour le «Kore’h» (le «sandwich» aux herbes amères), et pour l’ «Afikoman», à la fin du repas, en souvenir du sacrifice de Pessa’h qui était mangé après le repas.
Manger des herbes amères (Maror) :
On mange des herbes amères en souvenir de l’amertume de l’esclavage en Egypte. On achètera de la salade romaine qu’on nettoiera feuille par feuille devant une lumière pour être sûr qu’il n’y a pas d’insecte, après l’avoir fait tremper dans de l’eau. On prépare pour chacun des convives au moins 19 grammes de «Maror», c’est-à-dire de salade romaine avec un peu de raifort râpé, trempé dans le «‘Harosset» (compote de pommes, poire et noix, avec un peu de vin) après avoir prononcé la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Al A’hilat Maror». On consomme encore 19 grammes de Maror bien séché entouré de Matsa pour le «sandwich de Kore’h».
Boire 4 verres de vin :
On doit boire au cours du Séder au moins quatre verres de vin ou de jus de raisin cachère pour Pessa’h. Le verre doit contenir au moins 8,6 centilitres, et on doit en boire à chaque fois au moins la moitié, en une fois.
Accoudé :
Les hommes et les garçons doivent s’accouder sur le côté gauche, sur un coussin, pour manger la Matsa et boire les quatre verres de vin.
De Recit de la Semaine
Le cercle de la Matsa

Après avoir achevé mes études à la Sorbonne, je m’intéressai à mes racines juives et fis la connaissance de Rav Na’houm Pinson qui habite près de la Yechiva Loubavitch de Brunoy. Il m’a invité pour le Séder chez lui, il y a quatre ans.
Tout au long de la cérémonie, j’ai scrupuleusement suivi ses instructions : debout, assis, accoudé, le Kiddouch sur le vin, l’oignon, la Matsa brisée, les Quatre Questions et finalement la Matsa. Je remarquai alors que Rav Pinson mangeait une autre Matsa que le reste de sa famille et lui en demandai la raison.
Il m’expliqua que son père, Rav Nissan Pinson, est l’émissaire du Rabbi en Tunisie depuis presque un demi-siècle. Là-bas, il a l’habitude de cuire lui-même ses propres Matsot et il surveille le processus du début à la fin, c’est-à-dire depuis la plantation du blé jusqu’à la cuisson en passant par la récolte et l’inspection de chaque grain sans compter le puisage de l’eau et le pétrissage à la main. Sa production est très restreinte, ce qui explique que Rav Nissan ne peut faire parvenir que quelques Matsot à chacun de ses enfants dispersés de par le monde.
C’était la première fois que je voyais une telle Matsa. J’avais très envie d’en goûter et Rav Na’houm m’en offrit donc un morceau. Pour moi ce fut une expérience très spéciale : je peux affirmer que cette Matsa a éveillé en moi des impressions particulières. Je demandai donc à mon hôte davantage de détails sur la fabrication de la Matsa et aussi sur la mission que ses parents remplissent depuis si longtemps pour le Rabbi en Tunisie.
Rav Na’houm me raconta alors qu’au début des années soixante, son père avait l’habitude de se rendre à Bizerte, chaque année avant Pessa’h ? afin de rendre visite aux Juifs qui y travaillaient, sur la base navale française. A l’époque, les routes n’étaient pas pavées et un tel voyage n’était pas une entreprise aisée. Par ailleurs, les Tunisiens cherchaient à gagner leur indépendance vis-à-vis de la France. Et malgré toutes ces difficultés, Rav Nissan recherchait les Juifs français stationnés à Bizerte pour leur apporter de la Matsa Chmourah qu’il avait lui-même fabriquée. En particulier, il en apportait au médecin-chef qui effectuait une période militaire de deux ans.
Alors que je savourais la Matsa, je me souvins tout-à-coup que mon père m’avait raconté, avant ma Bar Mitsva, que les ‘Hassidim de Loubavitch aident les Juifs à optimiser leur observance du judaïsme. Il avait ajouté que si jamais j’avais besoin de quoi que ce soit, matériellement ou spirituellement, je pouvais faire appel à eux et compter sur eux pour m’aider.
C’est alors que des souvenirs profondément enfouis dans ma mémoire resurgirent.
Mon père avait travaillé à Bizerte à l’époque où Rav Nissan s’était occupé du personnel français de la base navale. Cela signifiait – et nous l’avons réalisé tous les deux avec une grande émotion – que le médecin à qui Rav Nissan avait apporté de la Matsa Chmourah il y a plus de quarante ans était mon propre père, Docteur Rubin Schuman. La Providence divine avait voulu que le fils du rabbin et le fils du docteur étaient maintenant assis à la même table et mangeaient la même Matsa !
La Matsa est appelée «l’aliment de la foi» et c’est sans doute cette Matsa si spéciale que j’ai consommée dans la maison de Rav Na’houm qui m’a convaincu d’explorer plus sérieusement mes racines spirituelles. Je décidai de m’accorder une année sabbatique de mes études à la Sorbonne afin d’étudier à la Yechiva Hadar Hatorah à Brooklyn : c’est une Yechiva spécialement conçue pour des jeunes étudiants comme moi qui commencent à s’intéresser au judaïsme.
Coïncidence – on peut-être non… - le directeur de Hadar Hatorah, Rav Yaakov Goldberg est lui aussi français. Vous l’avez deviné : son père était le directeur de la Yechiva de Brunoy il y a des années.
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts durant ces années : je me suis marié et nous nous sommes installés en France où j’ai continué à enseigner à la Sorbonne. Et j’ai continué de suivre le conseil de mon père, celui dont je m’étais justement souvenu ce Pessa’h-là : tu peux faire appel aux ‘Hassidim de Loubavitch et compter sur eux pour t’aider, matériellement ou spirituellement.

Avi Schuman
«Le’haïm»
traduit par Feiga Lubecki