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Semaine 14

  • Tsav
Editorial
11 Nissan : quand monte la lumière

En cette première partie du mois de Nissan, chacun a entrepris, sans nul doute, les nombreux préparatifs réclamés par la fête qui approche. Pessa’h est, en effet, à notre porte et on sait avec quel soin et quelle ardeur, il convient de veiller à ce que tout soit en ordre lorsqu’il arrivera. L’effort est légitime: n’est-ce pas de la sortie d’Egypte qu’il s’agit?
Cependant, avant même que ce “temps de notre libération” soit parmi nous, un jour particulier attire notre attention. Dans la profonde nuit de l’exil, il projette une lumière que le déroulement des années rend toujours plus puissante. C’est le 11 Nissan, l’anniversaire de la naissance du Rabbi. Il a été souvent et abondamment dit que cette date est bien plus qu’un point, même remarquable, sur le calendrier. Elle porte en elle une force qui ne se dément jamais, elle explique bien des prodiges et bien des avancées, elle est le secret du courage de tous ces hommes et ces femmes qui, partout dans le monde, diffusent le judaïsme et transforment ainsi, peu à peu, le visage des choses.
Car il ne faut pas s’y tromper : alors que nous affrontons des situations complexes, que le monde semble parfois se replier sur lui-même dans une attente jamais satisfaite, que l’avenir paraît trop souvent incertain, il faut une puissance particulière pour maintenir l’élan. Et il faut que cette puissance ait une origine bien claire pour qu’elle continue d’accompagner et soutenir tous ceux qui le veulent. Le 11 Nissan incarne cette inépuisable énergie. L’enseignement du Rabbi en est le vecteur et nos actions de chaque jour l’expression concrète.
Le mois de Nissan est celui de la sortie d’Egypte, a-t-on dit. Le 11 Nissan nous prépare à la reconquête de cette liberté tant il est vrai qu’il dépend de l’effort de chacun, de l’acte de lumière de tous qu’elle arrive enfin pour l’ensemble des hommes par la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Une attente juive

Un jour, à l’époque où le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, était encore un jeune homme, il se trouvait avec un groupe de Hassidim. La discussion s’engagea entre les présents sur le thème: “Qui sait quand Machia’h viendra?”
Le Tséma’h Tsédek commenta: “Ce type de conversation rappelle le style du prophète non-juif, Bilaam. Celui-ci dit, à propos de la venue de Machia’h (Bamidbar 24: 17): “Je le vois mais pas maintenant: je le contemple mais il n’et pas proche”. Il décrit la Rédemption comme lointaine. En revanche, un Juif doit espérer ardemment et attendre chaque jour que Machia’h vienne ce jour-là”.
H.N
Vivre avec la Paracha
Tsav
Chabbat Hagadol

Le Chabbat précédant Pessa’h est appelé «le Grand Chabbat» (Chabbat Hagadol) parce qu’un grand miracle eut lieu en ce jour…
Pourquoi [la commémoration de ce miracle] ne fut-elle pas instituée le 10 Nissan, quel que soit le jour de la semaine où cela tombe, comme toutes les commémorations [qui sont instituées le jour même] ? (Chou’han Harou’h HaRav , Ora’h ‘Hayim 430,1)

Dans le calendrier juif, pour distinguer un certain jour, nous nous référons à deux mesures de temps différentes : le cycle hebdomadaire de sept jours et le cycle lunaire de vingt-neuf jours et demi, ce qui nous donne des mois alternant entre vingt-neuf et trente jours. Ces deux systèmes de mesure du temps ne sont pas synchronisés : la position du jour dans le mois n’a aucune incidence sur sa position dans la semaine. Ainsi si le 10 Nissan tombe Chabbat une année, il se peut que l’année suivante, il tombe un lundi etc. Mais cette absence de synchronie entre le jour et le mois est due au fait que ces deux cycles temporaires reflètent deux domaines complètement différents de notre vie.

Le mois miraculeux
La semaine de sept jours constitue le cycle de temps naturel. D.ieu créa l’univers en sept jours, six jours d’implication créatrice suivis d’un septième jour de repos et de retrait. C’est ainsi qu’un cycle hebdomadaire de sept jours de travail et de repos s’est enraciné dans la création comme une horloge naturelle. C’est là le sens de la Mitsva du Chabbat.
Mais D.ieu veut plus, plus que notre développement de Son monde en harmonie avec son cycle créatif. Il veut que nous soyons des faiseurs de miracles : que nous nous réinventions et transcendions constamment les restrictions de la normalité et de la convention. C’est à cette fin que D.ieu introduisit le calendrier lunaire dans notre vie, nous instruisant, dans la première Mitsva qui nous fut commandée en tant que peuple, d’établir un calendrier basé sur les phases de la lune.
Par opposition à la semaine régulière, monotone, le mois lunaire change et se régénère sans cesse. Tout comme la lune naît et grandit dans le ciel de la nuit, le mois lunaire suit ce rythme. En fait, le mot hébreu pour «mois» - ‘Hodech, signifie «renouvellement». Car, alors que la semaine représente le potentiel humain naturel, le mois lunaire évoque ce qui est innovant, original et miraculeux dans nos accomplissements.
Cela explique pourquoi toutes les fêtes du calendrier juif sont établies en accord avec le jour du mois plutôt qu’avec le jour de la semaine. Les fêtes représentent une transcendance de l’ordre naturel, l’Exode à Pessa’h, les miracles de ‘Hanouka et Pourim, etc. Chaque année, quand ces jours reviennent, il nous est offert des occasions pour nous approvisionner à ces réservoirs de surnaturel et de les transformer en miracles personnels.

La mutinerie des premiers-nés
Il existe néanmoins une exception à cette règle, un cas pour lequel la date de l’événement miraculeux dans notre histoire est identifiée pour la postérité avec sa place dans le cycle hebdomadaire. Cette exception est «Chabbat Hagadol», le grand Chabbat, qui commémore un «grand miracle» qui eut lieu peu de temps avant notre sortie d’Egypte.
Ce miracle se produisit le 10 Nissan 2448 (1313 avant l’ère commune), cinq jours avant l’Exode. Le Peuple Juif quitta la terre d’Egypte le jeudi 15 Nissan, si bien que le Chabbat précédent était le 10 Nissan. Mais au lieu de commémorer le miracle à la date correspondant sur le calendrier lunaire, ce que l’on fait pour toutes les autres fêtes ou dates commémoratives, cet événement est rappelé chaque année le Chabbat qui précède Pessa’h.
L’on trouve diverses explications pour cet écart de la norme. Mais le nom donné à ce jour, Chabbat Hagadol, suggère également une raison plus profonde, liée au sens même du Chabbat et du cycle hebdomadaire.
Que se passa-t-il en ce jour, cinq jours avant la sortie d’Egypte ?
A la veille de son départ, le peuple juif reçut l’ordre d’apporter «un sacrifice pascal (Korban Pessa’h) à D.ieu». Chacun devrait le préparer le 10 du mois, le garder vivant jusqu’au 14 et l’offrir alors en sacrifice. A ce moment Dieu « passerait sur l’Egypte » et abattrait tous les premiers-nés. Le Talmud relate ce qui eut lieu lorsque 600.000 Juifs commencèrent à rassembler leurs agneaux le 10 Nissan. L’agneau étant divinisé en Egypte, cela créa un effarement dans le pays. Les premiers-nés égyptiens, qui détenaient les positions sociales et religieuses clé dans la société égyptienne, demandèrent aux Juifs la raison de leurs agissements. Et les Juifs leur expliquèrent ce qui allait se passer.
Les premiers-nés égyptiens, qui avaient déjà été témoins que les neuf premières plaies s’étaient passées exactement comme Moché l’avait annoncé, furent, à juste titre, alarmés. Ils se rendirent donc chez le Pharaon en exigeant que les Juifs soient immédiatement libérés. Quand le tyran refusa, les premiers-nés prirent les armes contre les troupes du pharaon en faisant de multiples victimes. Cet événement trouve son écho chez le Psalmiste qui chante : «[Remerciez D.ieu] qui frappa les Egyptiens par leurs premiers-nés»

Où est le miracle ?
Mais qu’y avait-il de si exceptionnel dans ce miracle ? Après tout, toute l’Egypte avait été, à neuf reprises, le témoin de l’efficacité absolue des plaies précédentes (ce qui est étonnant est l’étendue de l’entêtement de Pharaon, rendu seulement possible par le fait que «D.ieu endurcit son cœur»). Bien plus, leur mutinerie échoua. Et nos conditions en Egypte restèrent inchangées après les événements du Grand Chabbat !
Cela explique la raison pour laquelle ces événements appartiennent à ce qui est «hebdomadaire» ou naturel dans le cycle temporel de notre vie plutôt qu’à son orbite mensuelle ou miraculeuse. Le «grand miracle» fut en fait un événement tout à fait normal à la fois dans les prévisions de ses développements et dans le fait qu’il ne changea rien à la nature essentielle des circonstances dominantes. Et pourtant, nous célébrons cet événement comme un miracle, en fait un unique «grand miracle» ! Car la véritable grandeur ne réside pas dans le retournement des circonstances de notre existence mais dans le travail à l’intérieur même de ces circonstances pour les rendre miraculeuses.
C’est ce que nous avons accompli en Egypte le «grand Chabbat». Nous étions les esclaves des Egyptiens et pourtant, nous refusâmes d’être intimidés par une société qui déifiait la matérialité et proclamait qu’un agneau était un dieu. Nous nous mîmes à abattre l’idole de nos maîtres. Sans hésitation, nous expliquâmes nos actes aux chefs de la superpuissance qui nous dirigeait.
Ce Chabbat Hagadol, eut lieu une transformation. Non un changement qui bouleversa les paramètres naturels de la réalité mais une transformation dans laquelle la réalité elle-même fut convertie à notre cause. En agissant courageusement dans l’accomplissement de la volonté divine, nous réussîmes à obliger les membres les plus prestigieux de la société égyptienne à se battre pour notre rédemption. Ainsi ce Chabbat donne un puissant exemple de la dimension du «temps naturel» dans notre vie.
Le Coin de la Halacha
Pourquoi doit-on «vendre» le ‘Hamets à un non-Juif avant Pessa’h ?

On n’a pas le droit, pendant la fête de Pessa’h, de consommer et même de posséder du ‘Hamets (produits alimentaires à base de céréale fermentée, tels que pain, gâteaux, liqueurs etc…). Même si on a effectué un nettoyage très soigneux, il se peut qu’il reste des miettes que l’on n’aurait pas vues ; de plus, chacun possède de la vaisselle qui a été utilisée avec le ‘Hamets. Il est donc nécessaire de vendre le ‘Hamets à un Rabbin compétent, qui le vendra à un non-Juif avant le 12 avril 2006. Il ne faut pas procéder soi-même à la vente, avec un voisin par exemple, car un contrat en bonne et due forme doit être rédigé, avec de nombreux détails hala’hiques : on fera donc parvenir, le plus tôt possible, au Rav, le papier sur lequel ou aura noté tous les paquets, vaisselles, placards, chambres, magasins ou appartements que l’on désire vendre pour la durée de Pessa’h. On n’oubliera pas de signer le papier. Il n’est pas nécessaire d’avoir déjà nettoyé ou mis de côté les produits ou les endroits ‘Hamets. Avant la fête, on aura pris soin de fermer à clé ou, en tous cas, de bien recouvrir les caisses et les endroits vendus au ‘Hamets. Après Pessa’h, le Rav procède au rachat du ‘Hamets auprès du non-Juif. On attendra donc une heure après Pessa’h (qui se termine à 21h 41 le jeudi soir 20 avril 2006), avant d’utiliser à nouveau le ‘Hamets.

F. L
De Recit de la Semaine
Cadeau d’anniversaire…

Dans deux semaines, ce serait Pessa’h. Mes filles coloraient leur ‘Haggadah et ma femme allait bientôt accoucher. Une semaine plus tôt, le 27 Adar 1994, le Rabbi avait subi une seconde attaque cérébrale.
Je devais écrire au Rabbi, demander sa bénédiction pour que la naissance se passe bien mais j’étais gêné de demander aussi… un peu plus de moyens financiers. J’envoyai néanmoins cette lettre au bureau du Rabbi, 770 Eastern Parkway à Brooklyn, NY.
Quelques jours plus tard, Roz Durkin, responsable du personnel, me téléphona à mon bureau du laboratoire pharmaceutique Smithkline Beecham : «M. Jacobs ! L’année dernière, vous nous avez envoyé votre candidature. Nous pensons avoir trouvé pour vous exactement l’emploi qu’il vous faut».
Il s’agissait d’un poste administratif, en intérim, dans le bureau des Bio-statistiques de la firme pharmaceutique Sandoz, maintenant appelée Novartis. J’y avais déjà occupé un poste temporaire l’année d’avant : il s’était agi de répondre aux lettres de réclamation des clients. Ce n’était pas vraiment passionnant et j’avais donc préféré quitté Sandoz pour Smithkline : j’y rédigeais des rapports qui, éventuellement, me mèneraient à écrire pour les sciences ou la médecine : «Madame Durkin ! Je ne veux pas reculer dans ma carrière !»
Madame Durkin ne désarma pas : «D’accord, c’est un travail de bureau mais vous travaillerez avec des statisticiens. De plus, au vu de votre ancienneté, nous les avons persuadés de vous payer un tarif horaire décent».
Quand elle m’en dévoila le montant, je me sentis défaillir. «C’est ce que je gagnais avant ma dernière augmentation de salaire ! J’aurais besoin d’au moins 25% de plus !»
«Je vais voir s’il est possible de discuter de ce point avec eux» me dit-elle, apparemment décidée à ce que j’accepte ce poste.
Le lendemain, elle me rappela : «Tsvi, ils veulent vous fixer un rendez-vous. Etes-vous d’accord pour mercredi ?»
Le calendrier hébraïque posé fièrement sur mon bureau était formel : le mercredi suivant était le 11 Nissan, l’anniversaire du Rabbi ! A toute vitesse, je me voyais déjà faire d’une pierre deux coups : après le rendez-vous chez Sandoz, je pourrais rendre visite à mes anciens collègues et leur distribuer de la Matsa Chmourah, faite à la main. S’assurer que chaque Juif puisse consommer de la Matsa Chmourah était une des campagnes initiées par le Rabbi : quel meilleur cadeau lui offrir pour son anniversaire ?
La nuit suivante, samedi soir, juste après minuit, j’amenai Esther à la maternité : à 3h 30 du matin, Hanna, notre adorable petite princesse était née.
Le mercredi, je me présentai au rendez-vous chez Sandoz. Le docteur John Lambert, chef du département des Biostatistiques, me déclara qu’il travaillait avec son équipe sur un nouveau médicament, une version améliorée du Sandimmune, la molécule qui freinait les phénomènes de rejet lors des transplantations d’organes.
«Le nom de cette molécule est la cyclosporine, n’est-ce pas ?» demandai-je.
«Exactement, répondit, surpris, le Dr Lambert, je suis surpris que vous en connaissiez le nom !»
«Justement ! Je viens d’écrire une histoire dans laquelle ce médicament était évoqué.»
«Vraiment ?»
«Oui ! Un ami de mes parents a subi une greffe du rein. Le chirurgien a mentionné qu’avant l’utilisation de Sandimmune, la majorité des transplants étaient rejetés par les malades.»
«Je voudrais bien lire cette histoire ! C’est incroyable que vous veniez de l’écrire.»
«C’est ma mère qui m’a poussé à la rédiger !»
Après avoir rencontré le chef des statistiques, le docteur Dar Shong Wong et d’autres responsables, nous avons abordé la question du salaire. Le docteur Lambert me proposa une somme un peu supérieure au salaire que je percevais alors.
«C’est déjà mieux, dis-je d’un air faussement détaché. Mais franchement, un travail de ce genre mérite bien deux dollars de plus par heure ! Il me faudra payer ma propre assurance maladie etc…»
Il allait réfléchir lui aussi. En sortant de là, je rendis visite à une douzaine de mes anciens collègues juifs et leur distribuai le magazine «Le’haïm» (édition spéciale en l’honneur de l’anniversaire du Rabbi !) et de la Matsa Chmourah. Joe, un expert en marketing, m’accueillit les bras ouverts : «Tsvi ! Cette Matsa que tu m’as donnée l’année dernière a été le clou de notre Séder de Pessa’h. Chacun voulait la goûter. Il n’en est pas resté une miette !»
Dans l’après-midi, de retour à mon bureau, je reçus un nouveau coup de téléphone : «Tsvi ! C’est Roz Durkin. J’ai une bonne nouvelle pour vous : vous êtes engagé. Et de plus, ils sont d’accord de vous payer ce que avez demandé !»
«Super ! D.ieu merci !»
«Vous devez réaliser que c’est le double du salaire qu’ils étaient prêts à proposer. Vous avez sans doute un ange spécial qui prie pour vous !»
«Non, pas un ange, Roz. C’est un Rabbi spécial, un Rabbi vraiment extraordinaire !»

Tsvi Jacobs
Traduit par Feiga Lubecki