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Semaine 49

Editorial
Un congrès pour vivre et faire vivre

Il y a congrès et congrès. Il en existe qui ont pour but essentiel de commémorer des actions anciennes ou des événements qui font aujourd’hui partie de l’histoire. Ceux-là ont le doux parfums des objets d’une autre époque, que l’on retrouve avec émotion et dont on regarde les couleurs fanées avec nostalgie. Il en est d’autres qui, telles de grandes machines orgueilleuses, brillent de tous leurs ors mais servent surtout à masquer un vide si vertigineux que seule l’ivresse des célébrations rituelles parvient à le masquer. Il en est encore qui affichent les certitudes et les entreprises mais dont les résolutions s’arrêtent au seuil de la salle qui les accueille. Il en est enfin, et sans doute sont-ils les moins nombreux, qui sont des lieux de vie, des rendez-vous que l’habitude ne parvient pas à user et qui donnent force et vigueur à des actions innombrables tout au long de l’année. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient ce qu’il est convenu d’appeler le Kinous Hachlou’him, le Congrès international des émissaires du Rabbi. Il a eu lieu Chabbat dernier et il a tenu ses promesses.

Ce fut une rencontre impressionnante. Ils étaient là, venus de partout dans le monde. Ils avaient fait parfois, pour ce rendez-vous de quelques jours, des milliers de kilomètres. Rien ne les avait arrêtés, ni les préparatifs locaux pour le temps d’absence, ni les responsabilités, ni la fatigue prévisible. Ils étaient venus comme pour des retrouvailles essentielles. Bien sûr, certains n’avaient pu se déplacer mais ceux-là étaient dans tous les esprits, ceux que leurs fonctions avaient retenu au loin. Ils étaient venus pourtant déjà nombreux, plusieurs milliers. D’Australie comme d’Europe, d’Afrique comme d’Asie ou d’Amérique, ils étaient venus, portés par le même enthousiasme. Tous ont su dire leurs expériences, en Israël d’abord mais aussi dans tous ces endroits que personne ne verra jamais mais où des Juifs vivent, dans ces nouveaux pays d’Europe de l’est où la renaissance de la liberté a mis au jour des communautés ignorées.

Toutefois, au-delà des rencontres et des souhaits échangés, au-delà du travail et des réflexions menés pendant ces quelques jours, ce Congrès a été aussi un moment privilégié. Celui où, conscients de la portée de leurs actes même s’ils n’y accordent pas plus d’importance qu’à un travail quotidien, les émissaires du Rabbi ont montré que l’œuvre est en marche. Par leur présence et les résolutions prises, ils ont proclamé que l’enseignement du Rabbi continue de les conduire et que le bout de la route est désormais en vue. Voici que, du cœur de l’obscurité, monte enfin la lumière.
Etincelles de Machiah
Lever les yeux

A propos du verset des Psaumes (121:1) « Je lève mes yeux vers les montagnes », le Midrach (Tan’houma, fin de Parchat Toledot) enseigne : « C’est Machia’h fils de David ». Quelles sont les implications d’une telle affirmation ?

Le but ultime de l’exil est qu’intervienne enfin l’élévation apportée par la Délivrance future. C’est cette élévation qu’exprime la première partie du verset cité : « Je lève mes yeux ». Aussi, même dans la situation où s’applique la suite du verset – « D’où viendra mon aide ? » - du fait de l’obscurité redoublée régnant en fin d’exil, non seulement on n’en est pas impressionné mais on exprime constamment la plus grande joie. Les mots introductifs du verset : « Chir Hamaalot – Cantique » soulignent la réalité et la présence de cette allégresse permanente.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XX, p.127)
Vivre avec la Paracha
Recreuser les puits de l’amour

«Et tous les puits qui avaient été… creusés à l’époque d’Avraham son père furent taris par les Philistins et remplis de terre…»

«Et Its’hak recreusa les puits d’eau construits à l’époque d’Avraham son père… Et il les appela par le même nom que le leur avait donné son père»
(Béréchit 26 : 15-18)

Avraham, Its’hak et Yaakov sont plus que les pères fondateurs de la nation juive : ce sont les pères fondateurs de l’âme juive. Ainsi étudions-nous leurs vies et analysons-nous chacun de leurs mots et de leurs actions car ce sont là les fondements de notre identité et les assises de notre esprit et de notre caractère.
En Avraham, nous voyons un déversement de générosité juive et d’engagement social. «Je le connais», dit D.ieu du premier Juif, «…il ordonnera à ses enfants et à sa maisonnée après lui, qu’ils gardent la voie de D.ieu, pour faire la charité et rendre la justice». Avraham était celui dont la maison et le cœur étaient ouverts à chaque voyageur, quels que soient son statut, sa personne et son origine. Il lui offrait à manger, à boire, son amitié et ses conseils. Avraham était celui qui défia le décret divin de destruction de la ville impie de Sodome. Avraham était celui qui traversa le pays pour porter la lumière et la clarté à un monde obscur et confus.
En Yaakov, nous voyons le prototype de la dévotion d’un Juif à l’étude. «La voix est la voix de Yaakov, et les mains sont les mains d’Essav». Essav vit par le glaive alors que Yaakov vit par le mot. Pendant les soixante-dix-sept premières années de sa vie, Yaakov fut «un résident des tentes de l’étude». Sa première entreprise, en arrivant en Egypte, où il allait passer ses dix-sept dernières années, fut d’établir une maison d’étude. En Yaakov, nous trouvons également l’archétype de la persévérance sous différentes conditions d’exil et d’adversité. Dans un ‘Haran étranger, au service du fourbe Lavan, il construit sa famille et sa fortune. Dans une Egypte étrangère, il transmet un héritage éternel à la nation naissante d’Israël. Si Avraham représente l’amour, Yaakov incarne la vérité, la quête de vérité et la cohérence et la persistance de la vérité.
Mais qui est Its’hak ? Celui de nos Patriarches qui vécut le plus longtemps et celui dont nous savons le moins. La Torah relate l’épisode de la Akédah, «le sacrifice d’Its’hak» mais le fait en tant qu’histoire d’Avraham, d’épreuve d’Avraham. Et puis vient le long chapitre décrivant tout ce qui est mis en œuvre pour trouver une épouse à Its’hak, mais c’est Eliézer, le serviteur d’Avraham, qui est envoyé à ‘Haran et c’est lui qui est décrit comme la figure éminente dans le choix de Rivkah alors que les allées et venues de Its’hak à ce moment-là restent inconnues.
Que fait Its’hak ? Simplement, il reste sur place. C’est le seul de nos trois Patriarches qui, par commandement divin, n’a jamais mis le pied en dehors de la Terre Sainte. Et il creuse des puits.
La Torah consacre un chapitre entier aux activités entreprises par Its’hak pour creuser des puits. Il nous est relaté qu’il rouvrit les puits qui avaient été creusés par Avraham et taris par les Philistins après la mort du Patriarche et que lui-même entreprit la construction d’une nouvelle série de puits. Et puis, bien qu’il vive encore plus de quatre-vingts ans, rien de plus n’est dit sur sa vie en dehors des bénédictions qu’il donne à ses enfants avant sa mort.

La crainte
Lors de sa confrontation avec Lavan au Mont Gilad, Yaakov attribue sa persévérance et son succès à ‘Haran au «D.ieu d’Avraham et à la crainte d’Its’hak».
C’est là que réside la clé de l’énigme d’Its’hak : Its’hak représentait la crainte face à l’amour d’Avraham, la retenue face à son expansivité, l’effacement de soi face à l’affirmation de soi de son père. L’amour d’Avraham pour D.ieu et l’humanité l’emporta dans un voyage de son intériorité vers l’extérieur, sur les routes de la Mésopotamie, l’Egypte et Canaan. Le voyage d’Its’hak fut un voyage intérieur, un voyage dans les profondeurs du moi, vers l’essence.
Its’hak représente la crainte des Cieux dans le cœur juif : la discipline d’autocensure, son sacrifice silencieux, son humble crainte devant la majesté de son Créateur. Its’hak était le creuseur de puits, perçant à travers les couches de l’émotion et de l’expérience en quête des eaux quintessencielles de l’âme, perçant plus loin que les sentiments, plus loin que les désirs et plus loin que les accomplissements pour trouver l’altruisme au cœur du moi.

L’âme juive
Chaque Juif est l’enfant d’Avraham, Its’hak et Yaakov. Chaque Juif possède leur amour, leur crainte et leur vérité ancrés dans le patrimoine génétique de son âme.
L’Avraham dans le Juif le presse à embrasser le monde, à combattre ses défauts, à tendre son cœur, son âme et ses moyens à son prochain. Mais l’amour, pour être véritable, doit être emprunt de retenue : le père qui embrasse son fils avec la force de son amour va lui faire mal plutôt que le réconforter. Its’hak est la source de la discipline du Juif, de son humilité et de son respect, de sa conscience de la finitude de l’homme devant l’infinité de D.ieu.
L’issue de ce mariage de l’amour et de la crainte est la vérité : la vérité qui met en lumière le déversement d’amour par le don, d’expressions saintes; la vérité qui cultive la retraite intérieure vers une altérité aux fins créatrices et constructives. C’est là l’héritage de Yaakov dans lequel l’amour d’Avraham et la crainte de Its’hak s’allient en une vérité invincible.
Le Coin de la Halacha
En quoi consiste l’obligation du « Maasser » ?

Selon la Torah, le Juif doit donner la Terouma, une certaine quantité de sa récolte agricole au Cohen ; puis il doit donner le dixième («Maasser») de ce qui reste au Lévi. Enfin, le dixième de ce qui reste doit être consacré soit aux pauvres soit pour la consommation durant les fêtes de pèlerinage à Jérusalem.
Nos Sages ont ajouté l’obligation de donner le dixième («Maasser») des revenus non-agricoles pour des causes charitables. Il est recommandé de donner, de fait, le cinquième, soit 20%. Le «Chevet Halévi» précise qu’on peut ajouter à cette somme, car plus on donne, plus on augmente sa richesse.
Lorsqu’on reçoit un salaire, un prix ou un héritage, on en donne le «Maasser» immédiatement et, par la suite, le «Maasser» de ce que ces revenus rapportent. On donnera également le «Maasser» de l’argent qu’on trouve ou qu’on reçoit en cadeau ; si on vend un objet qu’on a reçu en cadeau, on donnera le «Maasser» du produit de la vente.
On n’utilisera pas l’argent du «Maasser» pour ses besoins personnels ou ses Mitsvot personnelles (par exemple pour s’acheter des objets de culte ou pour payer le mérite d’être appelé à la Torah). Si on avait l’intention de donner le Maasser pour une cause charitable, on demandera à un Rav si on peut le donner à une autre cause qui apparaît plus urgente ou plus valable car il faudra peut-être procéder à l’annulation d’un vœu.

F. L. (d’après Michpa’ha ‘Hassidit)
De Recit de la Semaine
La fierté d’être Juif

Berel Hindrick avait vingt ans quand il fut enrôlé de force, avec son meilleur ami, dans l’Armée Rouge. Dès le début, les deux compagnons décidèrent par tous les moyens de préserver leur judaïsme, en particulier la cacherout.
Effectivement, durant toute cette période, ils ne se nourrirent que de pain, de fruits et de légumes. Ils agissaient ainsi de façon aussi discrète que possible afin de pas éveiller la curiosité des autres soldats. Dès qu’on tentait de leur faire goûter les plats de la gastronomie militaire, ils s’éloignaient en inventant toutes sortes de prétextes.
Ils avaient un autre problème à affronter : la prière. La vie dans la caserne était réglementée de façon très stricte et quiconque ne respectait pas les horaires et les ordres se mettait en danger.
Chaque matin, le commandant réveillait les recrues à la même heure, avec des cris : en moins d’une minute, les soldats devaient s’habiller et se mettre au garde à vous.
Pour s’acquitter de la prière du matin, Berel et son ami devaient se réveiller beaucoup plus tôt, bien avant le réveil officiel. Ils se cachaient dans un coin tranquille et priaient sans réveiller leurs camarades. Ils cachaient leurs Téfilines et livres de prière puis retournaient se coucher comme si de rien n’était.
Inutile de décrire leur angoisse chaque matin. De fait, ils risquaient d’être dénoncés, emprisonnés, jugés puis envoyés en Sibérie ou même, pire encore… Cependant, ils s’obstinèrent et réussirent à prier chaque matin : l’un encourageait l’autre et tous deux puisaient de cette expérience matinale le courage et la force pour tenir bon toute la journée.
Un jour, tout bascula : Berel avait oublié de cacher son Sidour, son livre de prières et le prit avec lui dans son lit. Quand le commandant arriva, Berel se leva d’un bond, s’habilla et se mit au garde à vous. L’officier passa devant les soldats debouts près de leurs lits en les toisant de la tête aux pieds. En arrivant devant Berel, il lui jeta un regard, s’apprêta à passer au soldat suivant, mais remarqua alors quelque chose qui dépassait sous la couverture. Quand il tendit la main pour vérifier la nature de l’objet, Berel sentit son cœur battre à tout rompre.
«Qu’est-ce donc ?» demanda le commandant, soupçonneux en découvrant le livre.
A cet instant, Berel décida que, puisque son secret avait été découvert, il l’assumerait pleinement et revendiquerait son judaïsme avec fierté.
«C’est un livre de prières !» répondit-il d’une voix ferme.
«Et à quoi cela sert-il ?» demanda le commandant sur un ton menaçant.
Malgré son angoisse, Berel fit des efforts surhumains pour garder son calme : «Je m’en sers pour prier D.ieu !» répondit-il.
Les yeux du commandant lançaient des flammes ! Il était si furieux que les mots ne parvenaient pas à sortir de sa bouche. Il regardait Berel, puis le Sidour ; il finit par jeter à terre le Sidour d’un air dégoûté : «Je vais t’expédier en Sibérie !». Il respira profondément et se reprit : «Non ! Pas en Sibérie ! Je vais te fusiller !»
Le commandant regarda Berel avec mépris. Ses regards foudroyants étaient autant d’épines plantés dans sa chair. Puis, de menaçants ils se firent dédaigneux : «A quoi bon le faire juger ? Je n’ai aucune envie de m’occuper de lui ! Un sale traître juif ! Je vais l’envoyer vers le commandant en chef, lui ne s’embarrassera pas outre mesure et l’enverra directement en Sibérie ou devant le poteau d’exécution !»
Deux heures plus tard, Berel, son Sidour à la main, se retrouva devant le Commandant en chef. Il avait beau tenter de se dominer, il n’arrivait pas à empêcher son cœur de battre de plus en plus vite.
«Qu’est-ce que cela ?» demanda le Commandant, le visage fermé.
«Un livre de prières, camarade Commandant !»
«Et que fais-tu avec cela ?» continua le Commandant en regardant Berel droit dans les yeux.
Etonné par cette question, Berel répondit : «Je prie !»
«Régulièrement ?»
«Oui !»
«Et en quelle langue ce livre est-il écrit ?»
«En hébreu, la langue sainte !»
«Tu sais lire l’hébreu ?»
«Oui !»
Le Commandant prit le Sidour des mains de Berel et se mit à le feuilleter. Soudain, il leva les yeux et fit signe à Berel de s’approcher. Il murmura à son oreille : «Je t’en prie ! Apprends-moi l’hébreu ! Moi je ne sais pas prier ! Donne-moi des cours et je saurai te récompenser !»
Berel était stupéfait. Son cerveau fonctionnait à toute vitesse ; il se pinça pour être sûr qu’il ne rêvait pas. Peut-être était-ce un piège ? Tandis qu’il réfléchissait quelle réponse donner, il se souvint tout-à-coup du nom du Commandant, un nom relativement répandu dans la communauté juive !
«Avec plaisir !» répondit-il, soulagé.
A partir de ce jour, Berel enseigna au Commandant comment lire l’hébreu et comment prier dans le livre qu’il chérissait tant. En échange, il bénéficia d’un traitement de faveur et, grâce à lui, son ami put aussi voir ses conditions de vie grandement facilitées. Le Commandant obtint pour eux des certificats médicaux leur interdisant de manger de la viande. Par ailleurs, tous les vendredis après-midi, ils étaient envoyés «en mission» dans des villages voisins : là, ils étaient invités à passer Chabbat chez des familles juives accueillantes.
Peu de temps après, le Commandant fut appelé en mission dans une autre région. Il proposa à Berel de l’accompagner et de devenir son chauffeur personnel. Celui-ci refusa, car il ne voulait pas abandonner son ami. Le Commandant partit, non sans avoir ordonné qu’on laisse ses protégés agir comme bon leur semblait.
Qu’est devenu ce Commandant ? Nul ne le sait.
Mais Berel fut libéré quelques temps plus tard, de manière miraculeuse et il épousa la sœur de son ami. Tous trois réussirent à monter en Terre Sainte.

Yaakov Hindrick, Bné Brak

Sicha Hachavoua
Traduit par Feiga Lubecki