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Samedi, 27 décembre 2025

  • Vayigach
Editorial

 Jusqu’au triomphe de la lumière !

Nous sommes entrés dans ‘Hanouccah, l’océan de lumière, depuis, à présent, une semaine et son courant nous entraîne encore. Pourtant, la tragédie en Australie a tout bousculé, touchant chacun, rappelant comme tout est fragile. Il est bien clair qu’un tel événement est bouleversant, d’abord pour ceux qui l’ont vécu, souvent dans leur chair. Et personne ne peut laisser s’effacer de sa mémoire ceux qui sont, hélas, tombés alors sous les coups de la barbarie humaine. Le bouleversement ainsi suscité est tout aussi intérieur car il soulève de nombreuses interrogations. Comment réagir ? Faudrait-il donc se réfugier dans sa maison, se dire que les rues, le monde ont cessé d’être sûrs et que vivre, même des jours festifs comme ‘Hanouccah, est devenu presque impossible ? Une telle attitude ne serait pas seulement destructrice, elle est surtout opposée à toute la tradition juive et aux valeurs du judaïsme.

C’est en de tels moments qu’il faut rappeler le message qui traverse toute l’histoire juive : la lumière est toujours plus forte que l’obscurité. De fait, parfois les ombres semblent monter et leur profondeur est de nature à jeter l’effroi. Mais alors on se souvient de ce principe éternel et tout change. Quelle que soit la puissance de l’obscurité, un simple filet de clarté suffit à la dissiper. En d’autres termes, aucune obscurité ne peut faire reculer la lumière, et cette leçon est particulièrement d’actualité lorsque revient la fête de ‘Hanouccah avec ses lumières croissantes de jour en jour. Certains penseront peut-être que cela est vrai en théorie ou mieux, en vision spirituelle, mais que cela reste à démontrer dans la réalité matérielle, comme la tragédie en Australie en apporte une terrible illustration. Il faut donc le savoir et le dire avec force : c’est d’abord en nous-mêmes que ce combat se mène et se remporte.

Ne laissons pas l’obscurité vaincre et nous obscurcir l’esprit ou le cœur. Ne la laissons pas modeler la réalité à son image. Faisons ensemble du monde un endroit meilleur, où il fasse bon vivre pour tous. Cette semaine arrive le 5 Tévèt, l’anniversaire de ce qu’on appelle la « victoire des livres », une date importante dans le calendrier Loubavitch, quand des livres saints dérobés retrouvèrent leur place légitime dans la bibliothèque du Rabbi, au service de tous. Célébrer la victoire du bien est toujours une affaire de lumière. Elle nous donne la force de ne pas renoncer et de poursuivre l’œuvre entreprise jusqu’à son triomphe.

Etincelles de Machiah

 La Délivrance est la vraie vie !

Lorsque Yaacov, sur l’ordre de D.ieu, descendit s’installer en Egypte avec sa famille, il se présenta devant le Pharaon. Celui-ci l’interrogea : « Quel âge as-tu ? » Et Yaacov lui répondit : « 130 ans ; les années de ma vie ont été peu nombreuses et mauvaises… » (Gen. 47 : 8-9).

A l’évidence, une question se pose : comment peut-on dire que 130 ans constituent un petit nombre d’années alors même que, depuis le déluge, la durée de vie d’un homme est, au maximum, de 120 ans ? C’est que Yaacov, troisième de nos Patriarches, est profondément, essentiellement lié au troisième Temple, celui qui apparaîtra avec la venue de Machia’h. C’est pourquoi, durant toute son existence, il n’aspira qu’à cette sérénité éternelle que seule apportera la Délivrance. Aussi, alors qu’elle n’était pas encore concrètement arrivée, Yaacov ne pouvait percevoir sa vie que comme incomplète, faite qualitativement d’années « peu nombreuses et mauvaises ».

(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch  –
Chabbat Parachat Mikèts 5752)

Vivre avec la Paracha

 Vayigach

Yehouda s’approche de Yossef pour le supplier de libérer Binyamin, offrant sa propre personne comme esclave à la place de son jeune frère. Devant la loyauté qui anime ses frères les uns à l’égard des autres, Yossef leur révèle son identité. « Je suis Yossef, déclare-t-il. Mon père est-il toujours vivant ? ».

Les frères sont envahis de honte et de remords mais Yossef les console. « Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, leur dit-il, mais D.ieu. Tout a été ordonné d’En-Haut pour nous sauver de la famine ainsi que toute la région ».

Les frères se précipitent à Canaan avec les nouvelles. Yaakov vient en Égypte avec ses fils et leurs familles, soixante-dix âmes en tout, et retrouve son fils bien-aimé après vingt-deux ans de séparation. En chemin, il reçoit la promesse divine : « Ne crains pas de descendre en Égypte ; car Je ferai de toi une grande nation. Je descendrai avec toi en Égypte et il est sûr que Je vous ferai remonter ».

Yossef amasse de la richesse pour l’Égypte en vendant de la nourriture et des grains durant la famine. Le Pharaon donne à la famille de Yaakov la fertile région de Gochen pour qu’elle s’y installe et les Enfants d’Israël prospèrent dans leur exil égyptien.

Éviter la dispute en voyage

Après que Yossef eut révélé sa véritable identité à ses frères, comme le relate la Torah dans la Paracha de cette semaine, Vayigach, il leur ordonna de retourner en Canaan et de faire venir leur père en Égypte. L’une de ses directives spécifiques concernant leur voyage était : « Ne vous disputez pas en chemin ». 

Le Talmud (Taanit 10b), cité par Rachi, comprend cela comme une interdiction de débattre de questions hala’hiques (des lois de la Torah) durant le trajet. Toutefois, le Midrach (cité dans le commentaire des Tossefot sur le Talmud) propose une lecture contraire : Yossef encourageait ses frères à poursuivre l’étude de la Torah même durant le voyage. 

Ce contraste ouvre une réflexion plus large sur la place de l’étude de la Torah dans les moments de transition, de déplacement et plus encore dans la « Galout », l’exil.

L’étude de la Torah en chemin vers l’exil

L’approche midrachique s’accorde naturellement avec un principe fondamental de la Torah elle-même : « Tu en parleras quand tu marcheras sur ton chemin ». L’étude de la Torah n’est pas confinée à la maison d’étude ou à un cadre figé ; elle accompagne l’homme partout, y compris sur les routes.

De plus, le voyage est par définition un moment de vulnérabilité. C’est précisément pour cette raison qu’existe la « Tefilat Hadérèkh », la prière du voyageur. Dans cette perspective, l’étude de la Torah devient une forme de protection spirituelle renforcée, particulièrement nécessaire lorsqu’on est « en chemin ».

Selon le Midrach, Yossef ne craignait donc pas la Torah, mais l’interruption de celle-ci. Il savait que la continuité de l’étude constituait un bouclier et une source de vitalité spirituelle pour ses frères.

En route vers l’exil

Cette lecture prend une dimension encore plus profonde lorsque l’on considère que ce déplacement des frères marquait l’entrée du Peuple juif dans la « Galout ». Leur retour en Canaan n’était pas une fin en soi : il visait à préparer la descente de Yaacov et de toute sa descendance.

Dans ce contexte, l’exhortation de Yossef prend une résonance particulière. Entrer en exil sans la Torah, ou en relâchant son lien avec elle, serait une catastrophe spirituelle. L’étude de la Torah n’est pas seulement une pratique religieuse parmi d’autres ; elle est ce qui relie le Juif à son essence et lui donne la force de survivre, voire de dominer, les ténèbres de l’exil.

Nos Sages l’expriment avec force : « Il n’y a pas d’homme véritablement libre si ce n’est celui qui s’adonne à l’étude de la Torah ». La liberté authentique ne dépend pas des circonstances extérieures, mais du lien intérieur avec la Torah.

C’est dans cet esprit que Yaacov enverra Yehouda en avant à Gochen afin d’y établir un centre d’étude. Avant même de penser à l’organisation matérielle de la vie en Égypte, il fallait assurer un socle spirituel solide. L’exil ne peut être affronté que si la Torah y est au centre.

Le Machia’h et la Torah

Cette idée éclaire également l’une des caractéristiques essentielles du Machia’h : « Il méditera sur la Torah ». Bien qu’il soit avant tout un dirigeant, sa capacité à libérer le Peuple juif de la « Galout » ne découle pas de son pouvoir politique ou militaire, mais de son immersion totale dans la Torah.

La Torah précède le monde et le transcende. Elle n’est donc pas soumise aux limites de l’exil. Celui qui est profondément imprégné de Torah peut, par elle, influencer le monde entier et le conduire vers la délivrance. Le Machia’h incarnera cette réalité et entraînera l’ensemble du peuple à suivre fidèlement le chemin de la Torah.

Pourquoi alors limiter l’étude ?

À la lumière de tout cela, l’interprétation de Rachi soulève une vraie question. Comment comprendre que Yossef aurait demandé à ses frères de ne pas s’engager dans des discussions hala’hiques approfondies pendant le voyage ? Peut-on concevoir une situation où l’on conseillerait de ne pas étudier la Torah ?

Dans une lecture simple, Rachi souligne un danger très concret : une immersion totale dans des débats complexes peut distraire le voyageur et l’exposer à des dangers. Il ne s’agissait pas de dévaloriser l’étude, mais d’éviter une concentration excessive dans un contexte où la vigilance était nécessaire.

Cependant, compte tenu de la dimension spirituelle de ce voyage, qu’est-ce qui justifiait d’exclure une implication totale dans l’apprentissage de la Torah ?

Ne faites pas la paix avec la « Galout » !

Une réponse possible est la suivante : Yossef craignait que ses frères oublient, par leur préoccupation excessive pour l’étude de la Torah, leur mission fondamentale et ne s’installent trop confortablement dans l’exil. Il existe un danger subtil : celui de penser que, puisque l’on peut étudier la Torah librement en « Galout », celle-ci n’est finalement pas si mauvaise.

Or, même une « Galout » paisible, sans persécution et riche en institutions d’étude, reste une « Galout ». Si l’exil affecte, ne serait-ce qu’imperceptiblement, la profondeur et la plénitude de l’étude de la Torah, alors elle ne peut être considérée comme un lieu naturel pour le Juif.

Rachi, fidèle à son rôle de commentateur du sens littéral, s’adresse ici au Juif ordinaire, susceptible de minimiser la gravité de l’exil. Yossef, premier dirigeant du Peuple juif en « Galout », voulait que cette conscience reste vive : l’étude de la Torah en exil, aussi précieuse soit-elle, demeure incomplète.

Vanité

Le Midrach, quant à lui, s’adresse à un niveau spirituel différent. Il parle à celui qui sait, de manière intuitive et profonde, que l’exil n’est pas un état désirable, quelles que soient ses apparences.

Pour un tel individu, il n’y a aucun risque de confusion. Il sait que même l’étude la plus intense en exil n’est qu’un pâle reflet de celle qui sera possible avec la venue du Machia’h. Le Midrach sur Kohélèt va jusqu’à qualifier notre étude actuelle de « Hével », de vanité, en comparaison avec la Torah que le Machia’h enseignera.

C’est précisément parce que cette conscience est claire que l’étude devient une nécessité absolue : elle est le moyen même de sortir de l’exil. Elle prépare et ouvre la voie aux niveaux de compréhension futurs.

Réconcilier Rachi et le Midrach

Alors, faut-il étudier davantage en raison de la « Galout », ou au contraire se retenir pour ne pas s’y installer ? En réalité, il n’y a pas de contradiction.

Même lorsque nous investissons toutes nos forces dans l’étude de la Torah, nous devons garder à l’esprit que nous n’en saisissons que la surface. Les profondeurs véritables de la Torah restent voilées tant que nous sommes en exil. Cette humilité protège à la fois de la complaisance et du découragement.

La véritable nature de la « Galout »

Reste une dernière question : pourquoi considérer le voyage des frères vers Canaan comme une entrée en « Galout », alors qu’ils ne se rendraient en Égypte que plus tard ?

La réponse réside dans une compréhension plus profonde de la « Galout ». Elle ne se réduit pas à un lieu géographique. C’est un état d’éloignement intérieur, une perte de connexion avec la Présence divine, avec l’essence de la Torah et avec sa propre âme.

Même en Erets Israël, tant que le Beth Hamikdach n’est pas reconstruit et que la Présence divine n’est pas pleinement révélée, une dimension de « Galout » subsiste. Ainsi, dès que le processus menant à l’exil est enclenché, l’avertissement de Yossef devient pertinent.

Le paradoxe

Il en ressort une leçon profondément actuelle et paradoxale. D’un côté, nous devons étudier la Torah avec intensité, chercher sans cesse des « ‘Hidouchim », des éclairages nouveaux. Notre génération connaît d’ailleurs une effervescence exceptionnelle dans tous les domaines de l’étude.

De l’autre, nous devons rester conscients que tout cela n’est qu’une préparation. Ce que nous comprenons aujourd’hui est infime par rapport à ce qui sera révélé lorsque le monde sera prêt à accueillir la Torah dans toute sa profondeur, avec la venue du Machia’h.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le 10 Tévet ?

Le 10 Tévet (cette année mardi 30 décembre 2025) rappelle le début du siège de Jérusalem par l’empereur babylonien Nabuchodonosor en l’an 3336 (425 ans avant l’ère commune).

C’est l’un des quatre jeûnes institués par nos Sages en souvenir de cet événement dramatique qui coûta la vie à des dizaines de milliers de Juifs.

Rabbi Chnéor Zalman explique qu’un jour de jeûne est aussi un jour de « Ete Ratsone », de bienveillance divine. Comme l’obligation de jeûner le 10 Tévet est, à certains égards, plus stricte que pour les autres jeûnes, on peut déduire que la bienveillance divine est aussi plus forte ce jour-là. Donc la Techouva, le retour à D.ieu que doit amener ce jeûne sera aussi d’un niveau plus élevé.

Dans de nombreuses communautés, à la demande de grands Rabbanim, ce jour de jeûne est aussi associé au souvenir des martyrs de la Shoah.

Le jeûne commence cette année à 7h00 (en Ile-de-France) et se termine à 17h48.

Le Recit de la Semaine

 Le rêve, la réalité…

Il y a dix mois, une donation inattendue est arrivée au milieu de la nuit à notre Beth ‘Habad de South Bronx (New York) : 1800 dollars offerts par un homme nommé Yehouda Sirota. Il n’y avait ni message, ni explication, ni numéro de téléphone - juste le don. Bien entendu, nous avons de suite envoyé un email de remerciement mais n’avons reçu aucune réponse.

Six mois plus tard, nous préparions notre transition vers une autre Chli’hout (mission) à Shaker Heights (Ohio) et collections des fonds en prévision de l’arrivée d’un autre couple de Chlou’him (émissaires du Rabbi de Loubavitch) à South Bronx. Pour cela, nous avons repris la liste de nos donateurs pour les contacter un à un et avons décidé de téléphoner personnellement à ce donateur inconnu.

Nous avons tapé son nom sur Google et avons trouvé sa photo : il était vêtu d’un uniforme de NYPD (la police new-yorkaise) et posait aux côtés d’un autre officier de South Bronx - à l’évidence un Juif pratiquant, que nous avions la chance de connaître. Nous avons contacté cet ami pour avoir les coordonnées de Yehouda Sirota : il s’avérait que Yehouda, affilié au mouvement Loubavitch, était lieutenant de NYPD et habitait à Staten Island. Dès que Yehouda reçut notre appel et comprit qui nous étions, il se mit à rire et déclara : « J’aurais voulu attendre la fin de l’histoire pour tout vous expliquer mais si déjà vous m’appelez, je vous raconte tout - à condition que vous gardiez le secret jusqu’à ce que je vous annonce l’heureuse conclusion… ». De quoi nous intriguer encore davantage !

Donc voici ce qu’il nous confia à l’époque : il était marié et avait deux filles. Sa femme et lui-même désiraient ardemment la naissance d’un garçon. Une nuit, Yehouda avait eu un rêve très prenant : on lui promettait que, s’il donnait 1800 dollars à un certain Achèr dans le Bronx, il mériterait la naissance d’un garçon !

Il se réveilla et raconta son rêve à son épouse qui réagit immédiatement : « Ne perdons pas de temps, donnons tout de suite ! ». De fait, ils se souvenaient de l’histoire de la naissance du Rabbi RaChaB, Rabbi Chalom Dovber : sa mère, la Rabbanit Rivka avait fait deux rêves : un le 10 Kislev et un autre le 19 Kislev. Sa propre mère, accompagnée de Rabbi Chnéor Zalman et de son fils, Rabbi Dovber la chargeaient d’entamer l’écriture d’un nouveau Séfer Torah (rouleau de la Torah) et lui promettaient qu’elle mettrait au monde « un bon garçon » qu’elle devrait nommer Dovber, d’après justement Rabbi Dovber. Elle se décida enfin d’en parler à son époux, le Rabbi Maharach (Rabbi Chmouel) qui mit tout de suite ce projet à exécution.

Inspirés par ce récit, Yehouda et sa femme envoyèrent au milieu de la nuit ce don de 1800 dollars à notre Beth ‘Habad, la seule institution qu’ils connaissaient dans le Bronx.

Peu de temps après, la femme de Yehouda tomba enceinte.

Quand nous l’avions contacté, Yehouda nous avait informé que sa femme allait accoucher aux alentours de Roch Hachana et, lui-même impressionné, il répétait que tout se déroulait jusqu’à présent exactement comme dans son rêve - à part un détail : je ne m’appelais pas Achèr mais, soulignait-il, le Rabbi avait une fois expliqué que notre patriarche Yaacov avait cru dans les rêves de son fils Yossef justement parce que ou malgré le fait que certains éléments ne correspondaient pas à la réalité.

Leur fils tant attendu naquit juste après Roch Hachana ; la Brit Mila (circoncision) eut lieu pendant la fête de Souccot et le bébé fut nommé… Mena’hem Mendel, d’après les prénoms du Rabbi. Cerise sur le gâteau : le bébé pesait 7,70 pounds à sa naissance…

Puisse-t-il donner beaucoup de satisfactions à ses parents, ses sœurs et tout le peuple juif !

Choli Mishulovin - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki