Une idée vitale
Il existe des idées si fondamentales qu’elles s’imposent à la conscience quelle que soit la période traversée. Entre rentrée scolaire, encore si proche, et vacances d’hiver à venir, l’éducation est évidemment de celles-là. C’est qu’il s’agit là non seulement d’un impératif mais véritablement d’un élément-clé. Car, pour le Peuple juif, quel est l’objectif ultime de l’éducation sinon d’assurer le développement harmonieux et serein de l’enfant, à la fois intellectuellement et moralement, tout en poursuivant la transmission de la connaissance et des valeurs du judaïsme ?
Cela peut paraître une gageure. En notre temps, où le discours ambiant ne laisse guère de place aux références ancestrales, où la tradition est souvent condamnée en tant que telle, et soupçonnée de ne pas être compatible avec l’épanouissement individuel, une telle vision semble être à contre-courant. Pourtant, son maintien est vital. Ce n’est pas un hasard si le judaïsme accorde une telle attention à l’idée. Education dont les parents ont la charge, ininterrompue, éducation de chaque instant de la vie, à la maison ou au-dehors, ou éducation plus formelle dans le cadre de l’école, ce souci est toujours manifeste. Car il conditionne littéralement l’avenir.
Il nous appartient donc de lui donner sa juste place : la première. Ainsi, apprendre à l’enfant, selon son niveau et comme son âge le demande, qu’il est porteur d’un héritage précieux. Lui enseigner à le lire, l’assumer et le développer encore, lui donner le sens, le goût et la volonté de la découverte, c’est là une nécessité collective mais aussi individuelle. Car c’est d’abord de sa pleine liberté qu’il s’agit. Sans conscience de ce qu’il est, il ne peut choisir son chemin. C’est aussi ce que nos textes ont exprimé : « Eduque l’enfant selon son chemin, quand il aura grandi, il ne s’en écartera pas. »
En d’autres termes, l’éducation est une idée qui appelle chacun d’entre nous. Elle est le point d’attache de nos émotions et de nos espérances, en un mot, l’avenir. Pour un monde de Bien.
Juste un petit moment
Faisant référence à la venue de Machia’h, D.ieu annonce (Isaïe 24:7) : « Pour un petit moment, Je t’ai abandonné mais avec une grande miséricorde Je te rassemblerai ». Le rapport établi par ce verset entre « le petit moment » d’abandon et la « grande miséricorde » doit être analysé plus attentivement.
De fait, le message est important. Ce texte signifie que, lorsque Machia’h viendra, et que la Miséricorde divine sera manifeste, chacun verra que la durée totale de l’exil n’aura finalement été qu’un « petit moment ».
(d’après Séfer Hamaamarim 5700, p. 10)
VAYETSÉ
Yaakov fuit Béèr Cheva et se dirige vers ‘Haran. En chemin, il se trouve face à « l’endroit », y dort et rêve d’une échelle qui relie le ciel et la terre, des anges y montent et y descendent. D.ieu lui apparaît et lui promet que la terre sur laquelle il se trouve sera sienne. Au matin, Yaakov fait de la pierre, sur laquelle il a reposé sa tête, un autel, priant pour qu’il devienne la Maison de D.ieu.
A ‘Haran, il va devenir le berger du troupeau de son oncle Lavan, pour obtenir la main de sa fille cadette, Ra’hel. Mais Lavan le trompe et le fait épouser sa fille aînée, Léa. Yaakov épouse Ra’hel une semaine plus tard en échange de sept années de travail supplémentaires.
Léa donne naissance à six garçons : Réouven, Chimone, Lévi, Yehouda, Issakhar et Zevouloun et à une fille, Dina. Ra’hel, quant à elle, reste stérile. Elle offre alors à Yaakov d’épouser sa servante Bilha et deux fils lui naissent : Dan et Naphtali. Léa en fait de même avec sa servante Zilpa qui donne naissance à Gad et à Acher. Finalement, D.ieu répond aux prières de Ra’hel et elle met au monde Yossef.
Yaakov veut quitter ‘Haran, après ces quatorze années, mais Lavan le persuade de rester en échange de troupeaux. Malgré les efforts de Lavan pour le tromper, Yaakov s’enrichit et part subrepticement au bout de six ans. Menacé par D.ieu s’il le poursuit, Lavan abandonne son intention de nuire et conclut une alliance avec Yaakov.
Yaakov se dirige vers la Terre Sainte où il est accueilli par des anges.
La tromperie
La Paracha de la semaine met en scène deux femmes essentielles dans l’histoire juive : nos matriarches Léa et Ra’hel, deux sœurs dont les personnalités, les trajectoires et les forces spirituelles semblent opposées. Leur histoire commence au moment où Yaakov fuit son frère Essav et trouve refuge chez son oncle Lavan. Très vite, il demande Ra’hel en mariage et accepte de travailler sept ans pour l’épouser. Au terme de cette période, Lavan le trompe : au lieu de Ra’hel, c’est Léa qui lui est attribuée comme épouse. Yaakov proteste, mais Lavan justifie sa manipulation en évoquant une tradition selon laquelle on ne marie pas la cadette avant l’aînée. Yaakov épouse aussi Ra’hel, une semaine plus tard, au prix de sept années supplémentaires de labeur.
Deux types de personnalité
Dès leur introduction, la Torah souligne la différence entre les deux sœurs : Ra’hel est décrite comme possédant « des traits délicats et un teint lumineux », tandis que « les yeux de Léa étaient ‘tendres’ ou affaiblis ». Rachi éclaire cette singularité : les gens de l’époque pensaient que les deux fils de Rivkah - Essav l’aîné et Yaakov le cadet - étaient destinés aux deux filles de Lavan selon leur ordre de naissance. Léa, redoutant profondément d’être mariée à Essav, pria et pleura sans relâche pour échapper à ce destin. Ses larmes traduisent une peine sincère mais aussi une supplication persistante adressée à D.ieu. Et, finalement, elle fut délivrée : elle épousa Yaakov et non Essav, et devint mère de six des douze tribus, dont Lévi, d’où descendront les Cohanim et les Lévites et Yehouda, ancêtre de la dynastie de David et du Machia’h.
Pleurs et joie
Les pleurs de Léa sont souvent vus comme un modèle de Techouvah et d’imploration sincère. Pourtant, un enseignement ‘hassidique de Rabbi Na’houm de Chernobyl propose une nuance surprenante. Il affirme que Léa obtint ce qu’elle désirait grâce à ses larmes, tandis que Ra’hel obtint ce qu’elle cherchait par la joie. Cette déclaration, en apparence simple, dénonce un principe fondamental de la pensée ‘hassidique : la joie possède une force spirituelle supérieure au chagrin, même sincère.
On pourrait penser qu’une prière intense, versée dans la douleur et l’effort, devrait avoir plus d’impact qu’un désir exprimé sans tourments. Alors pourquoi la joie de Ra’hel a-t-elle été tout aussi efficace, voire plus puissante ?
Dépasser ses limites
Tout tourne autour de la nature même de la joie. Dans la tradition juive, la joie - Sim’ha - n’est pas un simple sentiment agréable : c’est une énergie qui « brise les barrières », comme le disait le Rabbi Rachab (Rabbi Chalom DovBer, cinquième Rabbi de Loubavitch). Il reliait cette force à une idée talmudique : « Mélèkh Porèts Guédèr » - « un roi franchit les frontières ». Le roi incarne la confiance, l’assurance, la détermination, et sa mission surpasse les obstacles ordinaires.
La joie authentique fonctionne de la même manière : elle permet à une personne de dépasser ses limites, ses peurs et ses obstacles intérieurs. C’est une expression de confiance dans l’aide divine et dans sa proximité. Maintenir un état stable de joie exige en réalité une discipline et un effort considérables ; c’est une victoire constante sur les aspects sombres de la vie. Ainsi, loin d’être facile, la joie est peut-être l’effort spirituel le plus difficile et le plus transformateur.
Le Machia’h : descendant de Léa
Une question se pose alors : si la joie possède une telle force, pourquoi le Machia’h - modèle ultime de joie, dont les lettres peuvent être réorganisées en « Yisma’h », « il se réjouira » - descend-il de Léa, la femme des larmes, plutôt que de Ra’hel ? La réponse tient au parcours unique de Léa. Si elle a commencé dans la tristesse, elle a transformé cette peine en un chemin qui l’a menée à une joie profonde. Chaque naissance intensifiait cette joie, mais c’est à la venue de son quatrième fils, Yehouda, qu’elle atteint un nouveau sommet. Elle s’exclame alors : « Je rendrai grâce à D.ieu maintenant. »
Pourquoi « maintenant » ? Parce qu’elle venait de dépasser ce qu’elle pensait être sa « part » légitime. Avec quatre fils, elle franchissait une limite - celle qu’elle croyait fixée pour elle dans le partage des douze tribus entre les quatre épouses de Yaakov. Quand elle dépasse cette attente, sa joie franchit elle aussi ses frontières. C’est la première fois qu’elle exprime une reconnaissance totale, débordante, sans retenue.
En ce moment précis, Léa ne représente plus la tristesse ou la crainte ; elle s’élève vers une joie qui transcende les limites, rejoignant même la dimension de royauté associée à la brisure des barrières. C’est cette transformation - du chagrin à la joie illimitée - qui la rend digne d’être la mère de la lignée messianique.
Les fils de Léa témoignent d’ailleurs de son rôle exceptionnel dans la fondation du leadership juif. Yehouda donne naissance aux rois d’Israël, dont David et ses descendants ; Lévi engendre les Cohanim, les Lévites et plusieurs prophètes ; Chimon offre au peuple les éducateurs des enfants ; Issa’har produit les Sages responsables notamment du calendrier religieux ; Zévoulon devient le patron des érudits grâce à son soutien matériel. Léa, à travers ses enfants, est à l’origine de toutes les grandes institutions spirituelles, éducatives, religieuses et royales d’Israël.
Les descendants de Ra’hel sont eux aussi illustres : Yossef et son descendant Yehochoua, qui mènera Israël en Terre promise ; mais leur leadership a un caractère plus temporaire. Les Sages distinguent deux figures messianiques : le Machia’h ben Yossef, qui mène les combats mais finit par mourir, et le Machia’h ben David, qui établit une royauté éternelle. Dans l’avenir messianique, ils se réuniront en une seule figure, mais la dimension dominante sera celle de David et donc de Léa.
La joie du Baal Techouvah par rapport au Tsaddik
La tradition associe Ra’hel au Tsaddik et Léa au Baal Techouvah. Le Tsaddik est celui qui vit dans la sainteté, dans la pureté, dans une proximité constante avec le bien. Sa joie est naturelle, liée à son environnement spirituel. Ra’hel incarne cette douceur lumineuse. À l’inverse, le Baal Techouvah, que représente Léa, lutte contre les forces négatives, les « Essav » du monde. Il doit transformer l’obscurité en lumière, l’erreur en engagement.
Et, selon les Sages, même si la joie du Tsaddik est grande, celle du Baal Techouvah est d’une intensité incomparable. C’est une joie née d’une transformation profonde, d’une victoire intérieure. Elle dépasse les limites du début, tout comme Léa a dépassé les siennes. C’est cette joie, transformatrice et libératrice, qui rend possible la venue du Machia’h ben David. Le Zohar explique même que le Machia’h encouragera les Tsaddikim à atteindre eux aussi un niveau supérieur de Techouvah, leur permettant de goûter à cette joie débordante que le Baal Techouvah connaît intimement.
En fin de compte, l’histoire de Léa et Ra’hel ne se limite pas à une rivalité ou à une simple différence de caractère. C’est le récit de deux voies spirituelles, deux manières de se rapprocher de D.ieu : la voie tranquille et lumineuse de la joie naturelle, et celle, plus heurtée mais plus puissante, de la transformation et du dépassement. Et si la joie de Ra’hel est belle et pure, celle de Léa, née des larmes mais devenue illimitée, porte en elle l’étincelle du Machia’h, cette joie ultime capable de briser toutes les barrières.
Quand dit-on « Tal Oumatar ? »
A partir de jeudi soir 4 décembre 2025, on ajoute « Tal Oumatar » dans la prière de la Amida – jusqu’à la fête de Pessa’h.
Cette prière pour « la rosée et la pluie » précise que ceci doit être « Livrakha », pour la bénédiction.
Celui qui a oublié « Tal Oumatar » et s’en souvient avant d’avoir commencé la bénédiction suivante (« Teka Bechofar ») le rajoute alors. S’il a commencé « Teka Bechofar », il rajoute dans la bénédiction « Choméa Tefila » : « Vetène Tal Oumatar Livrakha Ki Ata Choméa Tefilat Kol Pé… »
S’il l’a encore oublié mais s’en souvient avant « Retsé », il le dit alors. S’il a commencé Retsé et s’en souvient avant d’avoir reculé de trois pas à la fin de la Amida, il reprend à partir de « Barèkh Alénou » et continue la suite de la Amida. S’il a oublié après avoir reculé de trois pas, il reprend toute la Amida.
Il convient de louer et remercier le Créateur « pour chaque goutte de pluie » bénéfique, en son temps, qui apporte la bénédiction pour les récoltes, en particulier en Erets Israël.
(d’après Séfer Hatodaah)
Le donateur n’avait pas été invité
Le quartier de Baté Horenstein à Jérusalem a été initié et financé par Dovber (Berel) Horenstein, un magnat de l’industrie sucrière en Ukraine. Celui-ci dirigeait une affaire florissante car il avait passé d’énormes contrats avec les autorités russes.
Pourtant, brusquement, en 1908, il décida de vendre tous ses actifs et de « monter » en Erets Israël alors sous domination ottomane de la Turquie ; il consacra toute sa fortune à la création d’un nouveau quartier pouvant héberger une trentaine de familles, avec les infrastructures nécessaires pour l’épanouissement d’une communauté. Tout fut aménagé et bâti par des Juifs, de la façon la plus moderne et efficace de l’époque. Achevé en 1912, ce projet fut finalement incorporé dans le quartier de Gueoula et mérita la reconnaissance des habitants. Mais pourquoi Berel Horenstein avait-il agi ainsi ?
Dans sa ville de Radomyshl, vivait un Juif pauvre : sa fille allait se marier mais il n’avait absolument pas de quoi couvrir toutes les dépenses. Son épouse lui suggéra de demander l’aide du célèbre philanthrope Berel Horenstein, connu pour être à la fois pieux et généreux.
Effectivement, l’homme fut bien accueilli par M. Horenstein qui lui demanda le montant exact des dépenses prévues. Comprenant que le moment était favorable, l’homme établit une liste exhaustive, n’oubliant pas d’inclure les divers pourboires et dépenses annexes inévitables : le mariage lui-même puis l’appartement, les meubles, le linge etc.
- Je m’engage à tout payer, sourit Berel Horenstein, mais à une condition : que vous m’invitiez au mariage !
- Mais bien sûr, s’exclama l’homme, trop heureux de sa bonne étoile. Ce sera pour nous un plaisir et un honneur de vous voir participer à notre joie !
Cependant, dans le tourbillon des préparatifs, le père de la mariée oublia d’envoyer le carton d’invitation à son bienfaiteur !
Tandis que les jeunes mariés se préparaient pour la ‘Houppa (le dais nuptial), en priant et récitant des Tehilim (Psaumes), M. et Mme Horenstein se trouvaient chez eux, absolument pas au courant de la noce qui se déroulait non loin de là. C’est alors que se produisit l’horreur : des bandits surgirent dans la maison et, en les menaçant de leurs armes, les ligotèrent avec des cordes tout en criant : Où est l’argent ? Sidéré, M. Horenstein n’eut pas le choix et indiqua où il avait caché sa fortune. Les brigands préparèrent des sacs, les remplirent systématiquement de bijoux et d’argent et annoncèrent au couple Horenstein que leur dernier moment était arrivé. Sentant sa fin imminente, Berel Horenstein se promit que, s’il sortait vivant de cette terrible expérience, il vendrait tous ses biens et investirait sa fortune pour construire des maisons pour les Juifs pauvres en Erets Israël.
Pendant ce temps, l’homme qui accompagnait sa fille vers la salle du mariage était le plus heureux sur terre quand, tout-à-coup, il se souvint de sa promesse : comment avait-il pu oublier d’inviter son bienfaiteur ? Bien qu’il fût sur le point de marcher vers la ‘Houppa et que toute l’assistance attendait ce moment solennel, il décida de « changer de route » et, suivi par tous les convives et l’orchestre, il se dirigea vers la maison des Horenstein afin de réparer in extrémis la situation et honorer la promesse.
Rien de plus déroutant pour des gangsters que de se retrouver au milieu d’une foule joyeuse !
Persuadés que toute la police de Russie et d’Ukraine était arrivée pour les arrêter, les brigands lâchèrent en catastrophe tout leur butin et s’enfuirent… pour se retrouver directement dans les mains des Juifs venus innocemment inviter les victimes de leur forfait. Bien vite, les malfaiteurs furent arrêtés et remis à la police. Pendant ce temps, les « visiteurs » en tenue de fête, toujours accompagnés des chants joyeux de l’orchestre, entrèrent dans la maison et découvrirent le couple Horenstein ligoté et terrifié. Bien entendu, on s’empressa de les détacher, de les soigner et de les rassurer. Une fois remis, M. et Mme Horenstein rejoignirent les invités de la noce et jamais on ne vit mariage plus joyeux tandis que ces rescapés remerciaient D.ieu de leur soudaine délivrance.
Peu après, M. Horenstein mit sa promesse à exécution : il vendit tous ses biens, monta en Terre sainte, s’établit avec sa famille à Jérusalem et entreprit immédiatement la construction comme il s’y était engagé durant ces instants dramatiques.
Quant aux revenus générés par les loyers, ils servirent à aider des fiancées nécessiteuses, cause chère entre toutes au remarquable bienfaiteur à l’initiative de Baté Horenstein.
Oui, comme l’affirme le roi Salomon dans les Proverbes : « La charité sauve de la mort ! ».
Rav Yossi Ives - chabad.org
traduit par Feiga Lubecki