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Semaine 45

  • Hayé Sarah
Editorial
Une conscience éternelle

Certains s’interrogent, avec des intentions et des soucis divers, sur l’étonnante vie maintenue du peuple juif. Voici, en effet, un peuple qui, contrairement à tant d’autres plus puissants que lui, a traversé les millénaires avec le souvenir de sa naissance, de ses actions et la claire conscience d’un chemin et d’un but éternels. Voici un peuple qui a su, au cours des âges, refuser l’oubli de soi et persévérer, parmi les hommes, au cœur de la cité, et en dépit de toutes les difficultés ou de toutes les menaces, la vive lumière de son âme.
Certes, aujourd’hui, les temps semblent plus faciles. Aujourd’hui, aucune contrainte ne vient peser sur ceux qui veulent vivre leur identité avec l’ouverture et la tolérance que seule donne la fidélité à soi-même. En notre époque, comme dans les générations passées, le peuple juif sait voir son chemin et sait reconnaître les forces de la dilution qui voudraient le voir disparaître. Aussi, malgré les bouleversements de la modernité, la question reste posée : d’où vient cette puissance inébranlable ?
Pour chacun, la réponse est claire. Le peuple juif est né avec la sortie d’Egypte, il a pris conscience de lui-même au pied du mont Sinaï et, de génération en génération, ses guides spirituels lui ont indiqué la voie à suivre. Depuis Moïse, ils ne l’ont jamais abandonné. Sans toutes ses habitudes et dans toutes les circonstances, jusqu’à notre temps où la mondialisation souligne encore davantage la nécessité de l’unité et de la solidarité entre tous, ils se sont adressés à chacun et ont éclairé la route au-devant de nous. Ils continuent de le faire.
Cette conscience éternelle est, à la fois, un privilège et une responsabilité. Elle est un privilège car elle donne à voir toute chose avec un regard plus profond, plus serein et qui porte plus loin. Elle est une responsabilité car elle implique l’action. Que vaut, en effet, la conscience quand elle ne transforme pas tout ce qu’elle touche et, en premier lieu, soi-même ?
Peut-être est-ce l’enjeu de notre époque ? Avancer sur la route qu’ouvre devant nous, conduits par les enseignements de nos Maîtres : plus qu’un programme un monde de vie. Pour un avenir de lumière.
Etincelles de Machiah
Le "regret" de D.ieu

Nos Sages enseignent dans le Talmud (traité Souccah 52b) que D.ieu regrette d'avoir créé quatre choses. L'une d'entre elles est l'exil du peuple juif.
Cela renvoie à une notion essentielle : il faut se souvenir constamment de l'existence de ce "regret" de D.ieu. Cela signifie que l'exil n'est pas la situation authentique que D.ieu désire pour le peuple juif. C'est cette idée que les Sages veulent nous faire connaître car :
1) il importe que l'on n'en vienne pas à être heureux de la situation présente mais que l'on se souvienne, au contraire, qu'il s'agit là d'une conséquence des fautes commises,
2) il convient que nous ne nous laissions pas impressionner par l'obscurité de l'exil et que nous n'en ressentions aucun désespoir car il est, par nature, appelé à disparaître.

(d'après Likouteï Si'hot, vol. XXIV, p. 175) H.N.
Vivre avec la Paracha
Haye Sarah: Vieillir

La Torah considère l'âge avancé comme une vertu et une bénédiction. Tout au long de la Torah, "vieux" (zaken) est synonyme de "sage". La Torah nous enjoint de respecter les personnes âgées, quel que soit leur degré d'érudition et de piété parce qu'à travers toutes les épreuves et les expériences que chaque année supplémentaire de la vie leur a apportées, elles ont acquis une sagesse que le prodige le plus accompli ne peut égaler. La Torah décrit Avraham, dans notre Parachah, comme celui qui a "vieilli et était rempli de jours" ( Béréchit 24-1), les jours qu il a accumulés, chacun comble d'étude et d accomplissement, impliquant que chaque jour, son mérite croissait. C'est pourquoi un âge bien avancé est considéré comme la plus grande des bénédictions accordée à l'homme.

Cela contraste de façon notoire avec l'attitude qui prévaut dans les pays "développés" du monde d'aujourd'hui. Aujourd'hui la vieillesse est une déficience. La jeunesse est considérée comme la qualité essentielle dans chaque domaine, du commerce au gouvernement ou la jeunesse insiste sur l'importance d'apprendre de ses propres erreurs plutôt que de construire en s'inspirant de la vie et de l'expérience des anciens. A 50 ans , une personne est considérée comme " au bout" et reçoit déjà l'allusion que sa fonction serait mieux remplie par quelqu'un de plus jeune de 25 ans; dans de nombreuses sociétés et institutions, la retraite est obligatoire à 65 ans ou plus tôt.

C est ainsi que la société ordonne que les dernières années soient marquées par l'inactivité et le déclin. On fait sentir aux personnes âgées qu'elles sont inutiles voire une charge et qu'il est préférable de les confiner dans des maisons de retraite. Après des décennies d'accomplissement, leurs connaissances et leurs talents n'ont soudain plus aucune valeur; après des décennies de contribution à la société, elles deviennent soudain des récipients inutiles, reconnaissantes pour chaque moment que la génération plus jeune prend sur son temps de travail ou de jeu pour passer et consacrer une demi-heure à bavarder ou pour le cadeau incontournable de l'anniversaire ou de la fête des pères ou des mères.
Il semble, en surface, que l'attitude contemporaine soit, tout au moins partiellement justifiée.
N'est-il pas un fait avéré que plus la personne avance en âge et plus elle s'affaiblit physiquement?
Mais justement, toute la question se pose ici: la valeur de la personne doit-elle se mesurer à sa force physique? Notre attitude vis-à-vis des personnes âgées reflète notre conception même de ce qu'est la valeur! Si leur force physique s'est quelque peu amoindrie, alors que leur sagacité et leur clairvoyance ont grandi, le considérons-nous comme un progrès ou comme un déclin?
Il est vrai qu'un jeune de 20 ans peut danser toute la nuit alors que sa grand-mère s'arrêtera au bout de quelques minutes. Mais l'homme n'a pas été créé pour danser sans arrêt. L'homme a été créé pour rendre la vie sur terre, plus pure, plus claire et plus sainte. Dans ce sens, la maturité spirituelle des personnes âgées peut faire bien plus que de compenser leur affaiblissement physique. Ce dernier peut même être utilisé comme tremplin spirituel qui permet de redonner la priorité a ce qui est prioritaire, c'est-à-dire autre chose que l'exclusive quête de gains matériels.
Il est sûr que la santé physique du corps affecte sa productivité. La vie est un mariage de l'âme et du corps et nourrie par un corps solide et un esprit sain, elle est la plus productive. Mais les effets du processus de vieillissement sur la personne sont largement définis par la manière dont elle considère ce mariage et cette association. Quels sont les moyens et quel est le but? L âme n'est elle rien de plus qu'un moteur qui conduit le corps pour lui procurer ce dont il a besoin et ce qu'il recherche, l'affaiblissement physique du corps conduirait alors également à la détérioration spirituelle, une descente dans l'ennui, la futilité et le désespoir. Mais lorsqu'on considère le corps comme un accessoire de l'âme, alors c'est tout le contraire qui est vrai: la croissance spirituelle de l'âge avancé donne de la force au corps lui permettant de conduire une vie productive tant que le Tout-Puissant nous accorde le don de la vie.

La vie : une définition
Mais il y a plus que cela. Il y a plus dans la différence entre la perspective de la Torah considérant l'âge mûr et le monde moderne que la dichotomie classique entre l'âme et le corps, entre la question de priorité entre le matériel et le spirituel.
À la base des maisons de retraite est la notion que la vie est constituée de moments productifs et de moments non productifs. Les premières 20-30 années de la vie sont considérées comme une période de peu d'accomplissement puisque c'est le moment où l'individu acquiert la connaissance et l'expérience qui lui permettront d'aborder la période productive de sa vie. Les 30-40 années suivantes sont le temps où ses énergies créatrices se réalisent, il rend alors ce qu'ont investi pour lui ses aînés maintenant passifs et il investit à son tour pour la jeune génération encore passive. Enfin, il pénètre dans ses années de "crépuscule", il met sa période de réel accomplissement derrière lui, il a travaillé dur toute sa vie pour pouvoir maintenant s'installer et jouir du fruit de son labeur. Si son esprit créateur s'agite encore, on lui conseille de s'occuper à un passe-temps pour occuper son temps. En fait, le temps est maintenant quelque chose à remplir avec des passe-temps et ses connaissances et son savoir-faire sont mis au grenier du vieil âge. C est la quadrature du cercle, il revient a sa jeunesse, une fois de plus, il est un récipient passif dans un monde formé et mené par l'initiative des autres.

Néanmoins, la Torah ne reconnaît pas de distinction entre les phases de la vie, car elle voit la productivité comme l'essence même de la vie: les mots comme "une période de vie non productive" sont une contradiction. Il existe des différences marquées entre l'enfance, l'age adulte etc. mais ils diffèrent dans la manière, (et non le fait), de la productivité de la personne. La retraite et la jouissance passive des fruits de son labeur ont aussi leur temps et leur espace, dans le Monde Futur". " Aujourd hui est le moment de faire, demain de ramasser la récompense" affirme le Talmud. Le fait même que D ieu ait accordé a un homme des jours supplémentaires de vie physique signifie qu'il n a pas encore terminé sa mission sur terre, qu'il a encore quelque chose à accomplir dans ce monde.

Aussi l'aphorisme " l'homme est né pour le labeur" (Job 5:7) exprime un fait des plus essentiels de la nature humaine. Une personne ne ressent de véritable satisfaction que de quelque chose qu'elle a gagné par ses propres efforts et initiatives: des cadeaux non mérités et gratuits ("le pain de la honte" selon la terminologie de la Kabbale) sont vides et déshumanisants. Comme l'observe le Talmud, "une personne préfère une seule mesure de son propre grain que neuf mesures de celui de son prochain".

Un adulte qui travaille, alourdi par le poids des demandes de la vie peut se rappeler avec nostalgie de son enfance " un paradis" de liberté des responsabilités et des tâches. Mais lorsqu'il etait enfant, il dédaignait un tel paradis, n'aspirant qu'à ce qui était réel et créatif. Confier à un enfant une responsabilité et il s'épanouira; considérez-le comme un "récipient" passif et improductif de l'éducation et il grandira rebelle. Car l'enfant est aussi vivant et en tant que tel il cherche l'accomplissement; depuis le moment de sa naissance, il influence déjà positivement son entourage, s'il est simplement stimulé par ses parents dans sa soif de connaissance et d affection.

La même chose est vraie pour les adultes de tous âges. La promesse d'"une retraite heureuse" est un mythe cruel; la nature même de la vie humaine est que l'homme ne connaît de bonheur véritable que lorsqu'il contribue activement au monde qu'il habite. L'état physique affaibli de l'âge avance (ou de maladie, à D.ieu ne plaise) n'est pas une condamnation à l'inactivité mais un défi pour trouver des moyens nouveaux et supérieurs d'accomplissement.

Pourquoi?

Pourquoi la nature humaine n'a-t-elle de signification que lorsqu'elle est productive?

Parce que D.ieu a créé l'homme pour être Son partenaire dans la Création.

Le Midrach nous dit que " D.ieu dit au juste: "de même que Je suis un créateur des mondes, de même tu devrais l'être". Le Midrach relate également l'échange entre un philosophe grec et le Sage talmudique Rabbi Hochiah: "si la circoncision est ce que D.ieu désire, demanda le penseur occidental, pourquoi D.ieu n a-t-Il pas créé Adam circoncis?" Rabbi Hochiah de répliquer: "tout ce qui a été créé en six jours de la création demande à être ajusté et amélioré par l'homme: la graine de moutarde doit être adoucie, le blé doit être moulu …".D ieu créa spécifiquement un monde non achevé pour que l'homme le développe et le perfectionne.

D.ieu est l'Initiateur et le Pourvoyeur ultime, nous accordant l existence et la vie et nous équipant de facultés et de ressources. Mais D.ieu veut que nous soyons plus que des récepteurs passifs de Ses dons. Il veut un partenariat dans lequel nous pourrions créer et donner comme Il crée et donne, et ou Il recevrait de nous comme nous recevons de Lui. Ainsi fit-Il de ce désir d'accomplissement l'essence même de la vie humaine.

Une action

Le fait triste reste néanmoins que la retraite moderne, obligatoire ou pas, est une donnée contemporaine. Année après année, elle détruit des millions de vie et condamne des ressources humaines extraordinaires à l'oubli ou au gâchis. Que faut-il donc faire? Une campagne pour changer cette pratique et le système de valeurs qui lui est sous-jacent? Regarder l'aspect plus souriant de la retraite et chercher à en utiliser les aspects positifs?
En fait, il faut faire les deux. Il faut changer les attitudes des patrons du monde du travail et la société en tant qu'entité. Mais surtout, il faut changer notre perception personnelle des personnes âgées. Il nous faut leur dire: vous n'êtes pas inutiles; bien au contraire, vous êtes des soutiens de la société bien plus importants qu'avant et à chaque jour qui passe, votre expérience et votre valeur s'accroissent. Les changements que vous vivez en avançant dans les années ne doivent pas entraîner votre retraite d'une vie productive mais sont l'occasion de découvrir des façons nouvelles et plus significatives pour vous développer, vous-mêmes et votre entourage. Une longue vie est un cadeau divin et le Tout-Puissant vous a certainement donné les outils pour l'optimiser.

En même temps, nous devons exploiter les opportunités que nous donnent les maisons de retraite. S'il existe d innombrables hommes et femmes retraités cherchant comment remplir leur temps, établissons pour eux des centres d'étude de la Torah où ils pourront passer plusieurs heures par jour et augmenter leur connaissance et leur productivité. Ouvrons de tels centres dans chaque communauté et établissons des cours et des ateliers dans chaque maison de retraite. Si les difficultés et les occupations professionnelles ont empêché bon nombre d'entre eux d'acquérir les merveilleuses perspectives de la Torah quand ils étaient plus jeunes, la retraite leur procure une opportunité en or pour apprendre et grandir, l'éducation comme la productivité est une entreprise qui dure toute la vie.

La Torah leur donnera un nouveau mode de vie. Elle les éclairera sur leur véritable valeur et leur potentiel et les transformera en véritables luminaires pour leur famille et leur communauté. La retraite, bien utilisée, peut devenir la force la plus puissante pour l'éradiquer de l'esprit et de la vie de l'homme.


Note: cet essai s'appuie sur des discours du Rabbi lors de son 70e anniversaire, le 11 Nissan 5732 (26 mars 1972) et dix ans plus tard, lors de son 80e anniversaire. À ces deux occasions, le Rabbi reçut des dizaines de milliers de lettres de souhaits provenant de tous les coins du monde; parmi elles plusieurs suggéraient que peut-être était-il temps qu il envisage de "ralentir" et d "aller doucement" après tant d'années comme dirigeant et activiste. La réponse du Rabbi fut une attaque cinglante sur le véritable concept de la "retraite".
Le Coin de la Halacha
Comment surveiller les enfants à la synagogue ?

Il est conseillé d'amener les enfants, dès leur plus jeune âge, à la synagogue afin qu'ils s'imprègnent de la sainteté du lieu et des prières, ce qui est essentiel en particulier dans notre génération.
Cependant il convient d'être attentif à ce que leur comportement ne dérange pas les fidèles. Les parents leur montreront donc, par leur comportement personnel, qu'on entre dans une synagogue avec respect et sérieux.
Les parents veilleront à être habillés comme il se doit et à habiller correctement leurs enfants en fonction de la sainteté du lieu. Ils éviteront de bavarder, surtout pendant la lecture de la Torah et s'efforceront de prier avec un livre tout en surveillant leurs enfants.
Si ceux-ci pleurent ou s'agitent, ou courent dans tous les sens, les parents s'efforceront de les rappeler à l'ordre d'un froncement de sourcils ou d'un geste de reproche. Si cela ne suffit pas, ils interrompront leur propre prière et feront sortir l'enfant récalcitrant. Si aucun des deux parents n'est présent, le fidèle qui fera sortir l'enfant et permettra ainsi aux autres participants de suivre la prière, sera considéré comme ayant accompli une plus grande Mitsva que s'il avait lui-même prié.
Dans certaines synagogues, des jeunes gens ou des jeunes filles prennent les enfants à part dans une autre salle pour leur apprendre à prier et leur faire réintégrer progressivement le " Minyane " des adultes.

F. L. (d'après Rav Yossef Ginzburg)
De Recit de la Semaine
Un entretien par la pensée

Durant la seconde guerre mondiale, des milliers de Juifs abandonnèrent précipitamment la Pologne et le centre de l'Union Soviétique pour se réfugier provisoirement en Asie Centrale, à Tachkent et Samarkand. Là, avec ses compagnons d'infortune, Reb Mendel Futerfass (alors âgé de 35 ans environ) parvint à établir un réseau d'écoles clandestines afin d'assurer aux enfants une éducation juive 'hassidique sans compromissions.
Son propre père était mort avant sa naissance et Reb Mendel portait donc son prénom. D'un naturel dynamique, il était imprégné d'un profond amour du prochain et tentait de trouver des solutions aux nombreux problèmes auxquels devait faire face cette communauté récomposée au bout du monde. Grâce à son sens du commerce et de l'organisation, il établit un réseau qui procura du travail à de nombreux 'Hassidim. Il investissait immédiatement tous les bénéfices pour l'éducation juive d'enfants de familles démunies.
Une fois la guerre terminée, les autorités russes permirent aux réfugiés polonais de retourner dans leur pays. Les Juifs russes décidèrent de profiter de cette occasion pour quitter ce pays totalitaire dans lequel la pratique du judaïsme était pratiquement impossible.
Certains d'entre eux s'inventèrent ainsi des liens de parenté fictifs avec de vrais réfugiés, d'autres n'hésitèrent pas à profiter des papiers des défunts ou à utiliser des faux-papiers. Tous ces réfugiés transitaient par Lvov (Lemberg) : là aussi, Reb Mendel se prouva très efficace car il parvenait à se procurer de nombreux faux-papiers.
Le 1er Tevet 1946, le dernier convoi quitta Lvov, emportant dans ses wagons quelques 200 familles juives. La police secrète se mit alors à rechercher activement les 'Hassidim encore sur place ainsi que ceux qui avaient réussi à s'enfuir dans d'autres villes soviétiques.
Reb Mendel tout en restant à Lvov avait réussi à échapper aux autorités et à se procurer un faux passeport polonais. Durant la seconde quinzaine du mois de Chevat, il prit lui aussi le train pour la Pologne avec une famille de 'Hassidim accompagnée de leurs trois fils - de fait des étudiants de Yechiva qui s'étaient joints à eux.
A mi-chemin, non loin de la ville frontière de Prémichlane, deux hommes habillés en civil s'installèrent dans leur compartiment. L'un d'entre eux murmura entre ses dents : " Ils font de beaux rêves ! ", tout en regardant de travers la " famille " 'hassidique. L'un des " enfants " avait entendu ces paroles mais n'y avait attaché aucune importance. Malheureusement, à la gare suivante, leur pire crainte se concrétisa : le wagon fut encerclé de toutes parts par des soldats lourdement armés qui ordonnèrent à la " famille polonaise " de descendre et de les suivre.
L'interrogatoire de Reb Mendel dura trois mois et comprit toutes sortes de tortures morales et physiques. Loin d'être brisé, il conserva un courage surhumain et une fierté 'hassidique peu commune durant toute cette période. L'un des fonctionnaires eut, à un moment, un sourire sardonique : " Enfin ! Maintenant tu es entre nos mains ! " Reb Mendel lui jeta un regard méprisant : " Ce n'est pas grâce à votre puissance que j'ai été emprisonné et ce n'est pas avec votre accord que je serai libéré ! "
Durant tout l'interrogatoire, Reb Mendel s'en tint à une ligne de conduite : " Je ne peux pas vive sans mon Rabbi. Tout ce que j'ai fait, ce n'était que pour me rapprocher de lui. Le Rabbi a été expulsé par vous d'Union Soviétique et se trouve maintenant aux Etats-Unis. C'est pourquoi je considère que je suis obligé de partir le rejoindre. Si moi je m'étais trouvé aux Etats-Unis et lui ici, j'aurais pris le chemin inverse ! "
Mais les interrogateurs ne se laissèrent pas émouvoir par cet argument…
La veille de Lag Baomer 1947, une " troïka " de trois " juges " condamna Reb Mendel à huit ans d'emprisonnement avec exil en Sibérie dans un camp de " redressement ".
La famille de Reb Mendel avait réussi à s'enfuir d'Union Soviétique quelques semaines auparavant et fut terriblement angoissée en apprenant la nouvelle de son arrestation et de la terrible sentence. Quant à lui, alors que durant toute la période de l'interrogatoire, il n'avait eu qu'une obsession : ne rien révéler qui puisse mettre en danger d'autres Juifs - il avait maintenant tout le temps nécessaire pour considérer sa propre situation.
Combien le Rabbi lui manquait ! Il ressentait profondément le besoin d'entrer en " Ye'hidout ", d'avoir un entretien privé avec le Rabbi. Mais que pouvait-il faire : lui était ici, et le Rabbi était là-bas…
Soudain il se souvint d'un mot qu'il avait entendu du Rabbi lui-même : " Tous ceux-là - qui se trouvent en Union Soviétique et en particulier, en prison - doivent concentrer leur pensée sur moi et je concentrerai ma pensée sur eux ! " C'est ce qu'il fit. Reb Mendel se tint debout dans un coin de sa sombre cellule : il ferma les yeux et, en pensée, se tenait devant le Rabbi en Ye'hidout. Et c'est ainsi, les yeux fermés, la tête baissée et la pensée entièrement dirigée vers le Rabbi que Reb Mendel " raconta " au Rabbi tout ce qui lui arrivait maintenant.
Ce même jour, - la veille de Lag Baomer 1947 - la famille de Reb Mendel qui était à présent établie à Londres, recevait un télégramme adressé à Reb Mendel depuis New York. Il ne contenait que ces mots : " Le télégramme a bien été reçu ". la surprise était totale : à quel télégramme le Rabbi faisait-il allusion ? Etait-il possible que malgré toutes les difficultés Reb Mendel aurait réussi à s'enfuir d'Union Soviétique et aurait ainsi pu envoyer un télégramme au Rabbi ? Cependant, quelque temps plus tard, sa famille reçut la triste confirmation que Reb Mendel était toujours prisonnier au Goulag. Le télégramme du Rabbi gardait donc tout son mystère.
Ce n'est que bien plus tard, en 1964, après avoir purgé sa peine de huit ans de travaux forcés en Sibérie que Reb Mendel retrouva la liberté et obtint la permission de quitter l'Union Soviétique. Quand il retrouva sa femme et ses enfants, il leur raconta sa " Ye'hidout " si particulière. C'est alors qu'on comprit ce qu'avait voulu dire le Rabbi : " Le télégramme a bien été reçu ! " L'énigme était enfin résolue…

" Si'hat Hachavoua "
traduit par Feiga Lubecki