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Samedi, 1er mai 2021

  • Emor
Editorial

 Quand la nuit éclaire comme le jour…

Il existe des semaines brillantes, de ces semaines qui présentent un tel éclat que rien ne peut les assombrir. Et même si nous pouvons être aussi les témoins d’événements que nous aurions souhaité ne jamais voir, nous sentons la lumière du temps toujours présente. Mieux, nous la voyons disperser les miasmes de l’obscurité. Cette semaine, Lag Baomer nous éclaire. C’est le 33ème jour de l’Omer, la Hilloula de Rabbi Chimon Bar Yo’haï, à qui le monde doit le Zohar. Ce jour est littéralement une lumière. Il brille dans la nuit de l’exil et étend sa protection à tous ceux dont le quotidien fragilise la spiritualité. Rabbi Chimon est celui dont les Sages ont dit qu’on « peut se fier à lui en période difficile » car son mérite entraîne le monde entier et tous les hommes qui l’habitent.

Le jour de Lag Baomer, en quelque jour de la semaine qu’il tombe, des centaines de milliers d’enfants se réunissent partout dans le monde, de New York à Paris et de Jérusalem à Moscou, pour clamer bien haut, avec leur bonheur d’être juifs, leur attachement au judaïsme et à ses valeurs, leur amour du prochain, leur espoir d’un monde enfin en paix, en harmonie avec son Créateur. Cela est d’abord une véritable joie et cela suffirait pour qu’on le souligne mais, au-delà de ce simple constat, c’est aussi l’affirmation d’une attente et d’une espérance. Rabbi Chimon fut, a-t-on dit, celui qui donna au monde le Zohar, la lumière éternelle de la Sagesse Divine. Les enfants en sont aujourd’hui les porteurs. Cette lumière est celle du sens profond de la Torah dont il revient à chacun de faire tout à la fois son compagnon et son guide.

Est-ce là une trop grande ambition ? Ce sens profond de la Torah est cependant une clé. Il est ainsi enseigné que c’est par le mérite de cette étude que « le peuple juif sera libéré d’exil avec miséricorde. » Sommes-nous dignes de cette étude ? En sommes-nous seulement capables ? L ‘enseignement de Rabbi Chimon est parvenu jusqu’à nous. Bien des siècles plus tard, le Baal Chem Tov et ses successeurs le développèrent pour qu’il puisse devenir nôtre. Aujourd’hui il est à la portée de chacun dans toutes les langues du monde. Faut-il y voir un signe ? En une semaine de lumière, n’y a-t-il pas ici comme une lumière encore plus grande qui montre ses contours ? Celle de la venue de Machia’h. Voici donc arrivé le moment où, par ses actes, chacun peut contribuer à cet avènement. Lag Baomer est venu nous le rappeler, gardons précieusement ce message. Pour le mettre en œuvre.

Etincelles de Machiah

 Toujours se préparer au Chabbat

« Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier. » (Chemot 20:8). A propos de ce verset, Rachi commente : « Prenez garde à vous souvenir toujours du jour du Chabbat : si quelque chose de beau se présente à toi, garde-le pour le Chabbat. »

Il en est de même pour la Délivrance future. Même lorsqu’on se trouve dans les jours profanes du temps d’exil, il faut se souvenir toujours de la Délivrance et s’y préparer. Elle est « le jour qui est entièrement Chabbat et repos pour l’éternité. »

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 11 Sivan 5744)

Vivre avec la Paracha

 Emor

La Paracha Emor (« Dis ») commence avec les lois particulières relatives aux Cohanim (« les prêtres »), au Cohen Gadol (« le Grand Prêtre ») et au service du Temple. Un Cohen n’a pas le droit de se rendre rituellement impur par le contact d’un mort, sauf si c’est un parent proche. Un Cohen ne peut épouser une femme divorcée ou une femme au passé léger. Un Cohen Gadol ne peut se marier qu’avec une jeune-fille qui n’a jamais été mariée. Un Cohen atteint d’un défaut ne peut servir dans le Saint Temple, pas plus qu’un animal présentant un défaut ne peut être apporté en offrande.

Un veau, un chevreau ou un agneau nouveaux-nés doivent être laissés auprès de leur mère pendant sept jours avant de pouvoir servir d’offrande. On n’a pas le droit d’abattre le même jour un animal et ses petits.

La seconde partie d’Emor fait la liste des célébrations de sainteté annuelles : les fêtes du calendrier juif, le Chabbat hebdomadaire, l’offrande de l’agneau pascal, le 14 Nissan, la fête des sept jours de Pessa’h commençant le 15 Nissan, l’offrande du Omer de la première récolte d’orge, à partir du deuxième jour de Pessa’h, et le commencement, en ce même jour, des 49 jours du décompte du Omer, culminant avec la fête de Chavouot, le cinquantième jour ; un « rappel du son du Choffar », le premier Tichri ; un jeûne solennel, le 10 Tichri ; la fête de Souccot durant laquelle nous devons résider sept jours dans des Cabanes et prendre les « Quatre Espèces », à partir du 15 Tichri et la fête qui suit immédiatement, « le huitième jour » de Souccot (Chemini Atsérèt).

La Torah évoque ensuite l’allumage de la Menorah dans le Temple et les « pains de proposition » (Lé’hèm Hapanim), placés chaque semaine sur une table qui s’y trouvait.

Emor se conclut avec l’incident d’un homme exécuté pour blasphème et les punitions relatives au meurtre et aux blessures infligées à quelqu’un ou à la destruction de sa propriété (compensation pécuniaire).

Nos Sages enseignent que le premier verset de la Paracha nous enjoint : Lehazhir Guedolim Al Haktanim, ce qui signifie littéralement : « prévenir les anciens concernant les enfants. » Cela implique que les parents doivent assumer la responsabilité de l’éducation de leurs enfants. Nous ne pouvons rester passifs et attendre que leur éducation se déroule naturellement. Cela n’arrivera pas. A moins d’investir des efforts personnels, sans s’en remettre exclusivement aux enseignants et aux écoles, le caractère de l’enfant n’évoluera pas. C’est dans cette perspective que le Rabbi Chalom Dov Ber enseignait que tout comme la Torah requiert que nous mettions les Tefilines tous les jours, elle attend également de nous que nous consacrions une demi-heure par jour à réfléchir à l’éducation de nos enfants.

Le terme Lehazhir contient une autre allusion. Zohar, sa racine, signifie « briller » ou « splendeur. » Nous pouvons en déduire qu’en œuvrant à l’éducation de nos enfants, nos propres âmes brilleront dans la splendeur. En effet, le moyen le plus efficace d’élever son enfant est de lui donner le bon exemple. Quand un parent manifeste, continuellement et systématiquement, des valeurs dans son comportement, il est peu probable qu’il ne les transmette pas à ses enfants. Nos actes en disent plus que nos paroles. Ainsi, pour marquer nos enfants, il nous faut faire briller dans notre propre personnalité les qualités et les traits de caractère que nous désirons développer en eux.

Et par un effet de réciprocité, tout ce que nous leur communiquons et leur enseignons nous permet, à nous-mêmes, de grandir. Les traits positifs que nous jugeons importants, et que donc nous voulons leur transmettre, se renforcent en nous quand nous les partageons.

Un jour, Rabbi Sim’ha Bounim de Pesischitza envoya ses ‘hassidim rendre visite à un aubergiste d’un village distant. « Vous apprendrez de lui quelque chose de très important », leur promit Rabbi Sim’ha Bounim.

Quand les ‘hassidim arrivèrent à l’auberge, leur hôte, tout réjoui, leur prépara un festin. Mais ils hésitèrent à prendre part au repas. Ils avaient des critères très élevés dans leur Cacherout. L’aubergiste avait-il les mêmes critères ?

L’arôme appétissant du repas commença à se répandre dans l’air et la question devint encore plus insoutenable. Pouvaient-ils pendre part au repas ? Ils discutèrent du sujet en chuchotant. L’aubergiste leur paraissait être un homme simple. Quel était son niveau d’étude ? Pouvait-il connaître toutes les lois ? Il parlait avec beaucoup de naturel à ses employés non Juifs. Peut-être que cela impliquait qu’il fraternisait avec eux, à d’autres moments également.

L’aubergiste était parfaitement conscient de ce qui se murmurait.

« ‘Hassidim, leur dit-il, vous faites très attention à ce que vous mettez dans votre bouche mais exercez-vous la même vigilance sur ce qui sort de votre bouche ? »

Le nom de cette Paracha, Emor, signifie « parle », soulignant le pouvoir de nos mots. Nos Sages statuent : « Lachone Hara (la médisance) tue trois individus : celui qui parle, celui qui écoute et celui dont on parle. » Nous pouvons aisément comprendre pourquoi celui qui parle et celui qui écoute sont coupables. Ils ont commis une grave transgression. Mais pourquoi celui dont on parle devrait-il être affecté ?

Les maîtres de la Kabbala expliquent que le fait de parler des défauts d’une personne permet l’expression de ces mêmes défauts. Bien qu’il soit possible que la personne ne soit même pas consciente que l’on ait parlé d’elle, le fait que l’on discute de ses manquements en rend possible la révélation.

L’inverse est également vrai. Mentionner constamment tout le bien que la personne possède, et chacun possède en lui d’immenses réservoirs inexploités de bien, facilitera l’expression de ce bien dans la conduite de la personne.

Ces concepts s’appliquent à tous les sujets positifs et en particulier au but ultime de notre service divin, l’Ère de la Rédemption. Parler sans cesse du Machia’h et de la Rédemption en faire une réalité dans notre esprit et dans l’esprit de ceux que nous rencontrons en permettra la réalisation dans le monde.

Outre le fait de générer le processus d’une conversation spirituelle, parler de la venue du Machia’h peut avoir un effet plus tangible.

Pour beaucoup, la Rédemption n’est pas un sujet qui fait partie de leur vie. Certains l’acceptent comme un concept spirituel mais ils ne l’anticipent pas comme ils attendent les vacances. Cela ne leur paraît pas réel. Et donc, ils n’en parlent pas.

En revanche, quand Machia’h et la Rédemption jouent un rôle moteur dans la vie d’un individu, il en parlera autour de lui. Ses interlocuteurs répondront avec intérêt car qui n’espère pas un monde meilleur ? Et nous avons tous confiance que D.ieu peut nous envoyer les bénédictions matérielles et spirituelles pour faire de ce monde un monde meilleur. C’est ce que nous désirons réellement. Ainsi lorsque quelqu’un parle de la Rédemption avec conviction, nous devons l’écouter.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce qu’un Cho’het ?

Le Cho’het (abatteur rituel) doit étudier de nombreuses lois concernant l’abattage rituel et, de plus, doit obtenir une maîtrise de la pratique concrète au contact d’autres personnes formées à ce métier. Ce n’est qu’une fois que sont acquises les connaissances et l’habileté qu’un Cho’het sera admis par les autorités rabbiniques compétentes. De plus, sa pratique religieuse générale fait également l’objet d’un examen approfondi.

Même après l’obtention de ce permis d’exercer, le Cho’het est tenu de réviser ses connaissances et d’étudier la Torah régulièrement.

Un Rav est chargé de surveiller attentivement toutes les procédures, en particulier l’aiguisage du couteau qui prend du temps et qui doit être parfait afin de ne pas faire souffrir l’animal.

« La position d’un Cho’het et Bodek (celui qui vérifie la cacherout de l’animal après l’abattage) est considérée comme une haute fonction dans le peuple juif : le Rav est la tête de l’assemblée tandis que le Cho’het en est le cœur… Il doit aussi veiller à la bonne santé spirituelle de sa communauté et fixer des temps d’étude en groupes » (Rabbi Yossef Yits’hak Schneerson, le Rabbi précédent).

(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1779)

Le Recit de la Semaine

 « Le maître de maison »

Les Juifs de ‘Harson (en Belarusse) écrivirent dans une lettre adressée au Rabbi : « Moché et Meir (les deux jeunes gens envoyés au début des années 90 par le Rabbi) ont organisé la fête pour les enfants, Lag Baomer et ce n’était pas simple ! C’était difficile, mais nous avons ressenti - aussi bien nous qu’eux - votre aide (du Rabbi). D.ieu nous a aidés et tous s’est passé avec une facilité surprenante… ».

De quelles difficultés s’agissait-il ?

Nous avions pris très au sérieux l’organisation de Lag Baomer. Tout de suite après Pourim, avant même d’avoir achevé les préparatifs de Pessa’h, nous avons réalisé que ce serait la première fois que les Juifs de la ville assisteraient à un défilé d’enfants et se réuniraient en l’honneur de Rabbi Chimon Bar Yo’haï. Nous étions jeunes et entreprenants et avons loué l’endroit le plus grand de la ville, dans un terrain ouvert : le grand stade. Puis nous avons contacté une société de location d’avions : les enfants qui auraient gagné à un concours pourraient monter avec le pilote dans l’appareil loué et éparpilleraient des flyers à propos de la fête sur les gens rassemblés en bas. Pour le rendez-vous avec le directeur de la société, nous étions un peu nerveux et nous avons même mis une cravate. L’homme était bardé de toutes sortes de médailles militaires, il nous écouta et, très sérieusement, nous fit comprendre que cela coûterait cher. « Combien ? » avons-nous demandé craintivement. « 600 roubles. Pour deux heures ». A l’époque, le dollar valait 40 roubles ; donc 600 roubles équivalaient à 15 dollars… Nous avons fait mine de réaliser que c’était effectivement très cher mais nous n’avons pas marchandé (et pour cause…). Nous avons posé les 600 roubles sur la table et l’affaire fut conclue. En guise de pourboire, nous lui avons glissé encore 400 roubles pour nous assurer de la fiabilité du projet.

Puis nous nous sommes assurés de la location du grand stade à ciel ouvert qui répondrait à toutes nos exigences et avons entamé une grande campagne de publicité pour cette journée de Lag Baomer avec de nombreuses attractions - une fête dont tous se souviendraient, la première après 70 ans de communisme !

Cinq ou six jours avant la fête, on frappa à notre porte à l’hôtel : le président de la communauté, M. Zeev Spound entra, angoissé : « Il faut tout annuler ! Pas le choix ! ».

Il s’avérait que la météo annonçait qu’il allait pleuvoir à ‘Harson : « Pas seulement de la pluie, un véritable déluge ! » se lamenta-t-il. En ce qui me concerne, j’étais très fatigué et ma réaction ne fut pas à la hauteur :

- Velvel, ne vous inquiétez pas, nous allons parler avec le « maître de maison », tout va bien se passer, laissez-moi continuer de dormir !

Velvel n’était pas d’humeur à plaisanter. Il se tourna vers mon camarade, Meïr, espérant trouver auprès de lui davantage de bon sens. Mais celui-ci répliqua d’un ton ferme :

- Nous allons en parler au Rabbi et tout se passera bien !

Sans nous être concertés, nous étions d’accord qu’il ne fallait rien annuler.

- Moché, Meïr, ce n’est pas un jeu ! C’est très sérieux ! Il faut annoncer dans les journaux et à la radio que tout est annulé à cause de la météo ! Il faut annuler tout le personnel que nous avons engagé etc. Nous n’avons pas le temps de nous amuser !

- Ne vous inquiétez pas, (j’étais maintenant bien réveillé). Nous allons parler au « maître de maison » et nous n’annulerons rien !

Velvel était persuadé que nous ne l’avions pas compris : il alla réveiller notre traductrice mais en vain, nous étions déterminés. Nous sommes descendus à la réception de l’hôtel et avons demandé à pouvoir téléphoner à l’étranger (c’est ainsi que fonctionnaient les communications dans ce pays). Parfois, il fallait attendre deux jours pour parvenir à téléphoner mais cette fois, nous avons réussi à joindre immédiatement le secrétariat du Rabbi à New York : nous avons expliqué la situation au regretté Rav Binyamin Klein qui demanda tous les détails. Nous lui avons demandé de transmettre au Rabbi que nous avions besoin de beau temps au moins de 13h30 à 16h le jour de Lag Baomer. Le lendemain, le secrétaire nous téléphona, assura qu’il avait transmis notre requête au Rabbi mais n’avait pas reçu de réponse. Quant à nous, nous étions déterminés : tout se passerait du mieux possible. Autour de nous, tous étaient plus que pessimistes, personne ne comprenait notre entêtement. Mais nous étions calmes et décidés ; quelques personnes finirent par se demander si nous n’avions pas raison après tout, peut-être étions-nous au courant de ce que d’autres ne savaient pas, peut-être existe-t-il vraiment un « maître de maison » ?!

Nous nous sommes levés tôt ce jour de Lag Baomer : la tension normale avant un grand événement ou le bruit assourdissant de la pluie ? Nous avions déjà vu l’hiver et la pluie à ‘Harson mais une pluie aussi forte… ? Sous cette pluie battante, nous sommes allés à la synagogue, M. Zeev ne nous adressa même pas un regard tant il était furieux (à juste titre…) et les autres fidèles aussi ne nous adressèrent pas la parole.

A 13h20, la pluie perdit un peu de son intensité. A 13h30, la pluie s’arrêta, le soleil brilla de toutes ses forces sur la ville. Les autobus arrivèrent de partout, chargés d’enfants souriants et heureux qui avaient été récupérés dans toute la ville. A 14h15, le stade était rempli. Toute l’après-midi se déroula comme prévu, aucun des acteurs nécessaires pour l’animation ne manquait à l’appel et les enfants profitèrent de chaque minute. A 15h55, cinq minutes avant la fin de la fête, quelques gouttes apparurent puis, quinze minutes plus tard, la pluie reprit des forces et ne s’arrêta plus jusqu’au lendemain.

Tout le monde comprit alors ce que nous avions expliqué : il y a un « maître de maison ». Depuis cet événement, Zeev est monté en Israël et est devenu lui-même Chalia’h (émissaire) du Rabbi à Yaffo…

Kfar Chabad N° 1878

Traduit par Feiga Lubecki