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Samedi, 21 décembre 2019

  • Vayéchev
Editorial

 ‘Hanoucca : être soi-même

Tandis que le 19 Kislev, avec toute la vie qu’il incarne, projette son éclat sur l’ensemble de la semaine, c’est déjà une autre lumière qui monte peu à peu et transforme tout ce qu’elle touche : ‘Hanoucca éclaire notre horizon. Certes, la fête n’interviendra qu’au début de la semaine prochaine mais elle fait partie de ces célébrations qui ne peuvent être pleinement vécues que lorsqu’elles ont été ardemment préparées. Et la préparation dont il s’agit ne se limite pas à l’achat d’huile ou de bougies pour l’allumage rituel. Elle doit être d’abord spirituelle, intellectuelle et morale. C’est que ‘Hanoucca transmet une leçon sans doute plus précieuse en notre temps que jamais.

En cette époque lointaine où nos ancêtres affrontent les Grecs qui ont envahi leur terre, ce n’est pas simplement d’indépendance ou de souveraineté nationale qu’il est question. Toutes importantes soient ces notions, l’enjeu est alors beaucoup plus important : peut-on continuer de vivre et penser librement, peut-on rester fidèle à sa foi, sa culture, son mode de vie propres ou doit-on plier devant le puissant et adopter ses mœurs ? En d’autres termes, est-il encore possible de construire son bonheur ou faut-il faire semblant d’adopter celui conçu par et pour d’autres ? A ce niveau d’interrogation, les aspects politico-militaires de l’événement deviennent contingents. C’est véritablement de l’essentiel qu’il s’agit. Et ce n’est pas pour rien que la célébration est une affaire de lumière. Car, au-delà de l’héroïsme des combattants et de la victoire juive inespérée face à une grande puissance du temps, c’est au cœur des choses que cela nous entraîne.

Pour toutes ces raisons, cela résonne comme une histoire de notre temps. Rester fidèle à soi, à son histoire, refuser l’oubli que la culture dominante voudrait subtilement imposer, savoir d’où l’on vient pour décider où l’on va : à ‘Hanoucca, ce sont ces idées-là qui émergent. Et la puissance de la lumière leur donne la capacité d’action. Décidément, le temps en approche : que l’obscurité recule !

Etincelles de Machiah

 Au niveau de l’essence de l’âme

L’étude de la ‘Hassidout est une préparation au dévoilement des secrets de la Torah lors de la venue de Machia’h.

Ce dévoilement révèle l’essence de l’âme de chacun et cette révélation même amène celle de « l’âme générale » du peuple juif, Machia’h.

( D’après Séfer Hasi’hot 5750 vol. 1 p. 285)

Vivre avec la Paracha

 Vayéchev

Yaakov s’établit à ‘Hévron avec ses douze fils. Yaakov montre de la préférence pour Yossef, son fils de dix-sept ans, en lui réservant un traitement de faveur, comme le don d’un manteau multicolore, suscitant la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore leur jalousie et leur haine à son égard.

Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère de le jeter plutôt dans un puits. Il a l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs Ismaélites. Les frères font croire à leur père Yaakov que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.

Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et lui aussi est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda, se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand Yehouda apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du roi David) et Zéra’h.

En Egypte, Yossef est vendu à Potiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises chez Potiphar mais sa femme le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. En prison, il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon. Il interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Ce qu’il oubliera de faire.

Une naissance en trois étapes

« Le moment vint (pour Tamar) de donner naissance et voici qu’elle avait des jumeaux en son giron. Au moment de la naissance, l’un des deux avança la main. La sage-femme la prit et attacha sur sa main un fil écarlate pour indiquer : « celui-ci est né le premier ». Mais il retira sa main et voici que son frère naquit le premier. Et elle dit : « Avec quelle force tu te fais jour ». Et elle l’appela par le nom de Pérets. Après cela naquit son frère qui portait le fil écarlate sur sa main et elle l’appela Zéra’h. » (Beréchit 38 : 27-30)

L’union de Tamar et Yehouda engendra des frères jumeaux : Pérets et Zéra’h. Ce n’était pas une progéniture ordinaire : Pérets est l’ancêtre de la lignée des souverains et des dirigeants qui s’étend depuis David jusqu’au Machia’h.

Pérets était l’aîné, quoique pas tout à fait. Comme le relate la Torah, tout d’abord surgit la main de Zéra’h puis elle se rétracta pour permettre la naissance de Pérets et enfin eut lieu la « seconde » et complète naissance de Zéra’h.

Quel est le sens profond de cette naissance étrange ?

Ce qui est à moi ou plus ?

La nature humaine veut que l’on communique plus profondément avec quelque chose que nous avons créé nous-mêmes. Quelque chose que l’on a gagné est plus gratifiant que le cadeau le plus précieux et nos propres idées sont quelque part plus significatives que celles, érudites, d’un grand maître. Selon les mots du Talmud : « Une personne préfère un boisseau de ses propres grains que les neuf de son prochain. » (Bava Metsia 38a).

Mais parallèlement, nous reconnaissons nos limites et notre subjectivité. Nous admettons que si nous voulons atteindre quelque chose qui dépasse le fini et le mortel, il nous faut faire appel à une source supérieure. De là, naît un dilemme : choisir ce qui fait du sens pour moi ou ce qui est magnifique ? Ce qui est à moi ou plus ?

La Torah nous enjoint d’atteindre les deux objectifs : atteindre ce qui nous dépasse tout en nous appropriant ce qui nous appartient.

C’est l’idéal exprimé dans le second verset du Chema : « Tu aimeras l’Éternel ton D.ieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton Méod » (« Méodé’ha »).

Le mot hébreu Méod se traduit usuellement par « force ». Mais « force » n’est qu’une traduction approximative du mot. En outre, cette traduction ne correspond pas avec la logique du verset. En effet, il nous y est enjoint de sacrifier, par amour de D.ieu, tous nos désirs (« de tout ton cœur ») et notre vie même (« de toute ton âme »).

Que vient alors ajouter « de toute ta force » ? Que peut-on ajouter après les deux premières expressions ?

Le sens précis du mot Méod est « beaucoup » ou « excessivement ». Ainsi, la ‘Hassidout comprend ce verset comme nous ordonnant d’aimer D.ieu « excessivement », c’est-à-dire « avec tout ce qui nous dépasse », tout ce qui est au-dessus et au-delà de notre personne. La Torah nous dit : « après que tu as atteint tes limites personnelles (« avec tout ton cœur » et « avec toute ton âme »), dans ton amour pour D.ieu, il te faut encore arriver plus haut. Communique avec D.ieu dans Ses propres termes, surmontant les limites de ton être fini. »

L’être humain possède cette aptitude. En fait, la quête du dépassement de soi est la quintessence de notre humanité. C’est à cela qu’il est fait allusion dans le nom que donne la Torah à l‘être humain : « Adam ». En effet, il se compose de trois lettres (Alèf, Dalèt, Mèm) comme Méod. En fait, la Torah se réfère à cette aptitude que nous possédons par les termes « ta force de transcendance », « ton aptitude à aller au-delà ». Il ne s’agit pas ici d’annuler sa propre personne dans la quête d’une existence supérieure, supra humaine, mais d’une dimension de notre propre personne, précédemment obstruée par les limites que nous nous donnons. Ce nouveau moi est en réalité notre véritable moi.

Le reflet avant l’illumination

C’est ainsi que nous pouvons comprendre l’étrange naissance des jumeaux de Tamar : l’émergence de la main de Zéra’h, la naissance péremptoire de Pérets et finalement la naissance complète de Zéra’h.

Le nom Zéra’h signifie « irradiant de la lumière », en référence au fil écarlate que plaça la sage-femme autour de sa main pour qu’on le reconnaisse comme premier-né « initial ».

Le nom Pérets signifie « jaillir » évoquant la manière dont il naquit, en défiant l’ordre naturel des naissances prévu chez Tamar.

Zéra’h représente notre « illumination », le champ du travail de notre vie qui consiste à « transformer l’obscurité en lumière et l’amertume en douceur ».

Pérets est notre qualité de pouvoir « jaillir », la caractéristique exclusivement humaine de surmonter ses propres limites intérieures (ou qui lui paraissent comme telles).

Dans un sens, Zéra’h est né deux fois : il eut une naissance partielle avant la naissance de Pérets mais sa naissance complète et véritable suivit celle de son frère.

Par le même biais, il y a deux niveaux dans notre Zéra’h. Nous « illuminons » et accomplissons de nombreuses choses en utilisant nos talents et nos aptitudes naturelles (la main de Zéra’h). Mais cela ne représente qu’une fraction de notre véritable potentiel. Nous devons alors jaillir en nous libérant des limites de nos inclinations, de nos habitudes et de notre environnement (naissance de Pérets), à la suite de quoi peut naître notre véritable brillance (véritable naissance de Zéra’h).

Le Coin de la Halacha

 Les femmes et jeunes filles ont-elles l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?

Réponse : Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation gréco syrienne.

Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou garçon de plus de treize ans) pour les rendre quitte, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.

Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah ?

Normalement on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à « publier le miracle », donc quand les gens sont réveillés.

On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.

Cependant celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.

Comment agissent les élèves d’un internat ?

Selon certaines opinions, ils sont considérés comme membres d’une même famille et doivent donc allumer chacun leur ‘Hanoukia dans le réfectoire ; s’ils le désirent, ils peuvent avoir la « Kavana », l’intention de ne pas se rendre quitte et allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher qui est considérée comme leur véritable demeure.

D’autres décisionnaires tranchent qu’ils doivent à priori allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher.

Enfin, certains décisionnaires séfarades estiment que les pensionnaires d’un internat sont rendus quitte de leur obligation d’allumer du fait que leur père allume chez lui à la maison en pensant à eux.

Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?

De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit dans une fête, un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public.

Même si on assiste à un allumage public, on doit allumer sa ‘Hanoukia avec les bénédictions une fois qu’on est rentré chez soi.

F.L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)

Le Recit de la Semaine

 Antiquités ?

Il s’appelait Avroumele Greenbaum et avait perdu toute sa famille pendant la Shoah. Lui-même n’avait survécu que miraculeusement et, après la guerre, s’était installé en Amérique. Pour lui, le judaïsme était un poids dont il fallait se débarrasser et qui ne devait plus intervenir dans sa vie. Il changea même de nom, se fit appeler Aaron Green, déménagea le plus loin possible de tout centre juif, précisément en Alabama et se maria, sans le faire exprès, avec une femme juive.

Le jour où son fils Jeffrey atteignit l’âge de treize ans, pour marquer l’événement, Aaron ne voulait pas entendre parler de célébration à la synagogue pour la Bar Mitsva. Par contre, il décida d’emmener son fils dans un immense centre commercial où il pourrait acheter ce qui lui plairait.

Ils entrèrent dans un grand magasin où on proposait toutes sortes de gadgets électroniques, plus sophistiqués les uns que les autres. Mais au lieu d’admirer toutes ces merveilles de la modernité, l’œil de Jeffrey fut attiré inexplicablement par un autre magasin, situé en face, un magasin d’antiquités ! Il semblait fasciné, incapable de s’intéresser à autre chose qu’à l’objet insolite dans la vitrine : « Je le veux ! Je ne veux aucun de ces appareils modernes qui seront démodés l’année prochaine ! Je veux cela ! » insista-t-il en pointant du doigt une simple Menorah en bois. C’est cela que je veux pour ma Bar Mitsva ! ».

Son père était incrédule et même catastrophé. Il était prêt à laisser son fils acheter n’importe quoi dans ce gigantesque centre commercial mais c’était cela qu’il choisissait justement ? Il tenta de le raisonner. En vain. De guerre lasse, ils entrèrent dans le magasin d’antiquités et demandèrent combien coûtait la Menorah dans la vitrine – certainement beaucoup moins cher que les objets proposés dans le magasin en face, après tout ce n’était qu’un peu de bois…

Mais le propriétaire du magasin s’excusa :

- Je suis désolé mais cet objet n’est pas à vendre !

- Comment ? Nous sommes bien dans un magasin ici, n’est-ce pas ? Je suis prêt à payer très cher s’il le faut !

- J’ai découvert l’origine de cette Menorah, expliqua patiemment le propriétaire. C’est un déporté qui la confectionna pendant la guerre. Il lui fallut beaucoup de temps pour ramasser le bois, trouver les outils et les clous pour assembler ces morceaux… La Menorah subsista mais celui qui l’avait construite malgré toutes les difficultés ne survécut pas. C’est un objet de collection, ce n’est pas un objet utilitaire.

- Mais je la veux, s’obstina Jeffrey qui, en bon enfant américain savait comment obtenir ce qu’il voulait. Il trépigna, se roula par terre, hurla tant et si bien que son père, dépité, proposa une très grosse somme pour acquérir l’objet tant convoité.

Finalement, le propriétaire ne pouvait plus refuser une offre aussi alléchante et accepta de se séparer de la Menorah.

Jeffrey était si heureux que son père ne regretta pas d’avoir cédé à son caprice. Il prit la Menorah dans sa chambre et jouait avec tous les jours.

Un jour, ses parents entendirent un grand bruit et accoururent : la Menorah s’était brisée et gisait sur le sol en morceaux. Jeffrey était paniqué et malheureux tandis que son père ne put s’empêcher de le gronder pour sa maladresse : un objet si cher et d’une si grande valeur historique… Puis il se reprit et proposa de recoller les morceaux un à un.

Alors qu’il manipulait un des débris, Aaron remarqua un papier qui était inséré à l’intérieur : il le retira délicatement et se mit à lire l’écriture très fine et déjà pâlie par le temps, une écriture qui lui était familière… Il sentit que ses yeux se gonflaient, que les larmes l’assaillaient et il s’évanouit.

Affolés, sa femme et son fils le ranimèrent avec un verre d’eau :

- Qu’est-ce qui t’arrive ?

- Je vais vous lire la lettre, elle est en yiddish et je vais vous la traduire :

« A quiconque trouvera cette Menorah. Je veux que vous sachiez que je l’ai confectionnée sans savoir si je pourrais m’en servir. Qui sait si je serai encore vivant d’ici ‘Hanouccah ? Cette guerre est si féroce que je n’ai pratiquement aucune chance de survivre. Mais si la Providence amène cette Menorah entre vos mains, vous qui lisez cette lettre, promettez-moi de l’allumer pour moi, pour ma famille et pour tous ceux qui auront péri dans cette guerre simplement parce qu’ils sont juifs » !

Aaron Green essuya encore ses larmes et ajouta d’une voix tremblante :

- Cette lettre… Cette lettre est signée par mon père !

Toute la famille était sous le choc. Comment la Divine Providence avait-elle pu dévoiler l’existence de cette lettre précisément en Alabama, comment Jeffrey avait-il pu être attiré particulièrement par cette Menorah si simple ? Aaron réalisa combien son père de mémoire bénie aurait voulu qu’il continue la tradition familiale et qu’il éduque ses propres enfants dans le respect du judaïsme. Petit à petit, toute la famille se réappropria son héritage spirituel et revint à la pratique d’un judaïsme fier et apaisé.

Oui la fête de ‘Hanouccah, de l’inauguration renouvelée du Temple peut et doit s’accompagner d’une dédication renouvelée de tout notre être aux valeurs éternelles de la Torah.

Yerachmiel Tilles (d’après ‘Haïm Berkowitz) - Ascent

Traduit par Feiga Lubecki