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Samedi, 9 septembre 2017

  • Ki Tavo
Editorial

 Et la vie dans tout cela !

A présent, nous le savons : la période que nous vivons est déterminante. Elle est bien plus que l’antichambre du mois de Tichri et de ses grands rendez-vous spirituels, Roch Hachana et Yom Kippour. Elle est ce temps essentiel de préparation pour l’avenir. Car comment vivre pleinement ce qui arrive sans qu’on s’y attende, quand la surprise impose de courir après la réalité du temps qui passe sans jamais parvenir à l’atteindre ? Le mois d’Elloul n’est donc pas simplement un mois utile, il présente un caractère littéralement vital. Sans lui, c’est l’ensemble du mouvement spirituel qui risquerait de nous échapper. Autant dire que chacun ne sera à la hauteur requise par les grandes fêtes si proches que s’il a mené cette œuvre d’élévation préalable. En d’autres termes, c’est aujourd’hui que Roch Hachana et Yom Kippour se façonnent. Allons plus loin : quand on se souvient que ces premières fêtes contiennent d’ores et déjà toute la nouvelle année, cela signifie que tout ce qui va suivre est en germe dans ces jours d’Elloul.

Le lien avec D.ieu, aspiration constante du judaïsme, doit donc prendre une nouvelle puissance. Il doit acquérir une qualité particulière de vie, une de ces qualités qui resplendissent et rayonnent sur tout ce qu’elles touchent. Une date en détient le secret : le 18 Elloul, anniversaire de la naissance du Baal Chem Tov et de l’Admour Hazakène, Rabbi Chnéor Zalman, fondateur du ‘hassidisme ‘Habad. C’est certes là une grande date car elle est liée à deux grands maîtres qui surent ouvrir une voie renouvelée du service Divin et revitalisèrent ainsi des pans entiers du peuple juif. Mais elle ne constitue pas que rappel historique. Elle porte en elle une force que rien ne peut contraindre. Elle est ce qu’est la vie même, vectrice d’infini.

Le 18 Elloul se dit, en hébreu, « ‘Haï Elloul » ou « Elloul vivant » et ce n’est pas un  hasard. Mettre de la vie dans l’œuvre spirituelle du mois est son rôle. Mais les dates, aussi propices soient-elles, ne font pas tout. Il y va aussi de notre décision et de notre action tant il est vrai que le potentiel ne se concrétise que par l’effort de l’homme. La nouvelle année et ses bénédictions sont à notre porte, faisons que la vie y entre !

Etincelles de Machiah

 Le pouvoir de la joie

La ‘Hassidout pose un principe essentiel : «La joie brise les barrières». A cette idée, il faut ajouter qu’elle brise aussi les limites de l’exil et hâte la venue de Machia’h. C’est dans le même sens qu’il est écrit à son propos (Berechit Rabba 85 : 14 sur Miché 2 : 13) : «Celui qui brise (les limites) montera devant eux».

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parchat Toledot 5741)

Vivre avec la Paracha

 Ki Tavo & 18 Elloul

Moché ordonne aux les Enfants d’Israël d’apporter au Temple, une fois qu’ils se seront installés en Israël, les bikourim, prémices des fruits, pour déclarer ainsi leur gratitude à l’égard de D.ieu.

On lit également les lois de la dîme donnée aux Lévites et aux pauvres.

Moché rappelle au peuple qu’il est « le Peuple choisi » de D.ieu et que ce peuple a choisi D.ieu.

Après avoir énoncé les bénédictions que D.ieu enverra au peuple quand ils suivront les lois de la Torah, la dernière partie de la Paracha consiste en une To’ha’ha (« réprimande »), le récit de ce qui arriverait si les Juifs en venaient à abandonner les commandements.

En conclusion, Moché déclare que maintenant seulement, après quarante ans depuis leur naissance en tant que peuple, les Juifs ont atteint « un cœur pour savoir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ».

Le Chabbat Ki Tavo tombe cette année le 18 Elloul, ‘Haï Elloul. Ce jour de fête chez les ‘Hassidim est l’anniversaire des deux grands luminaires que furent le Baal Chem Tov, né en 5458 (1698) et Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, le Baal haTanya, né en 5505 (1745).

Puisque tout se produit par Providence Divine, le fait que ‘Haï Elloul coïncide avec Chabbat renferme un enseignement tout particulier.

Le Chabbat est un jour de repos. Mais cela ne signifie pas simplement se reposer de son labeur et paresser. Il s’agit plutôt du fait que la sainteté de ce jour permet d’accomplir un service Divin d’un type plus élevé. Toutefois, ce service ne doit pas être ressenti comme demandant un effort mais comme étant une réelle source de plaisir.

L’on peut imaginer, par exemple, une personne employée pour dépierrer un champ, afin de le préparer à la semaison. Bien que la personne désire travailler, pour pouvoir gagner de l’argent et nourrir sa famille, elle ne ressent pas de plaisir dans l’accomplissement de sa tâche. Cela, parce qu’elle n’investit pas d’intérêt dans son travail et ne l’accomplit que pour le salaire qui en résultera.

Cependant, quand elle enlève les pierres de son propre champ, elle ne ressent pas de la même façon la dureté du labeur. Puisqu’elle se soucie de ses possessions, toutes ses pensées sont concentrées sur le résultat et non sur ses efforts.

On peut apporter un exemple encore plus simple. On dit à quelqu’un que toutes les pierres précieuses et toutes les perles qu’il pourra porter lui appartiendront. Non seulement il ne se souciera pas du poids mais bien plus, plus la charge sera lourde, plus il sera content !

Il en va de même pour le Juif dans son service du Chabbat. Il ne se « repose » pas de la Torah et des Mitsvot mais il en ajoute plutôt. Pourtant, il le ressent comme du repos, puisque c’est une source de plaisir extrême.

Cette leçon peut s’appliquer à ‘Haï Elloul qui tombe Chabbat : il faut observer le service de ‘Haï Elloul de façon encore plus élevée, d’une façon qui sera ressentie comme procurant du plaisir.

On peut tirer un enseignement supplémentaire de la Paracha hebdomadaire, Ki Tavo. Le premier verset déclare : « Quand tu viendras sur la terre que l’Eternel ton D.ieu te donne… ». Cette accent sur le fait d’entrer sur la terre (d’Israël) indique au Juif que sa création et son existence dans le monde (« la terre ») ne sont pas seulement destinées à lui-même mais ont pour but d’améliorer le monde.

Plus encore, le tout premier mot : Vehaya, « et ce sera », est expliqué par le Sifré comme impliquant l’immédiateté. En fait, il existe deux opinions divergentes : celle du Sifré, selon laquelle les prémices des fruits (dont parle la Paracha) devaient être apportées immédiatement, dès l’entrée en Érets Israël, et celle de la Guemara qui déclare que la Mitsva ne devrait être accomplie qu’après que la terre aurait été conquise et partagée.

Bien que la Hala’ha (la loi juive) ne puisse trancher que selon l’une de ces deux opinions, les deux peuvent s’accomplir au sens spirituel, en en tirant une leçon sur notre manière de servir D.ieu.

L’opinion de la Guemara correspond à un service réfléchi, mesuré et ordonné. D’un autre côté, l’opinion du Sifré « saute » par-dessus le service régulier, se dirigeant immédiatement vers un niveau plus élevé. Le Juif doit intégrer ces deux types de service : sauter par-dessus ses limites personnelles mais également accomplir la Torah et les Mitsvot de façon rigoureuse.

La partie des Psaumes que l’on lit est la même tous les ‘Haï Elloul. Elle se conclut par le Psaume 89 qui s’achève en mentionnant les ennemis de D.ieu qui seront présents à l’époque précédant immédiatement la venue du Machia’h.

La leçon est claire : quand on voit des gens s’opposer à la diffusion de la ‘Hassidout, il ne faut aucunement en être affecté. Leur présence est compréhensible. Puisque nous sommes dans une période précédant l’arrivée du Machia’h, bien sûr, certains sont des opposants à la Divinité. Leur présence doit nous inspirer à répandre, encore plus, la ‘Hassidout, à travers le monde.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que Erouv Tavchiline ?

On n’a pas le droit, un jour de fête juive, de préparer de la nourriture pour le soir suivant ou le lendemain. Cependant, lorsqu’un jour de fête tombe le vendredi, on prépare avant la fête deux aliments cuits pour montrer qu’on a pensé, avant la fête, à préparer Chabbat.

Cette année, mercredi 20 septembre 2017 ainsi que mercredi 4 et 11 octobre 2017, on procédera au Erouv Tavchiline : on prépare une ‘Halla ou une Matsa ainsi qu’un mets cuit (viande, poisson ou œuf). On récitera la bénédiction : Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Al Mitsvat Erouv. (« Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi de l’univers, Qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné le commandement du Erouv »). Puis on les mettra soigneusement de côté et on les consommera au cours d’un des repas de Chabbat.

Grâce à cet Erouv, tous les membres de la famille (et les invités) pourront cuire, porter, allumer les bougies et, en général, procéder vendredi à tous les préparatifs pour Chabbat.

On veillera à achever les préparatifs au moins une heure avant l’entrée de Chabbat ; on allumera les bougies un peu avant l’heure (à partir d’une flamme déjà existante), de façon à « profiter » de ces préparatifs encore pendant la fête.

Le Recit de la Semaine

 Du bois… de chauffe

Un vendredi soir, un homme « bizarre » entra dans le Beth ‘Habad d’Amherst (Connecticut). Oui bizarre : les cheveux hirsutes, une longue barbe, des habits en loques… Il s’assit, assista à la prière plutôt que d’y participer et, de l’expression ahurie de son visage, on pouvait déduire que c’était sans doute la première fois qu’il mettait les pieds dans une synagogue.

Après la prière, il descendit – comme tous les autres fidèles – pour participer au repas de Chabbat. Il ne chercha à parler à personne et Rav Israël Deren – l’émissaire du Rabbi pour le Massachussetts – n’eut pas vraiment l’occasion de lui adresser plus que quelques mots de courtoisie. L’homme passa la nuit au Beth ‘Habad, assista aux offices et repas du Chabbat puis, dès la nuit tombée, repartit sans un mot.

Le même scénario se reproduisit le Chabbat suivant : prière, repas, nuit sur place puis retour chez lui – toujours sans échanger une parole avec quiconque.

Le 3ème Chabbat, il demanda à parler en privé avec Rav Deren et raconta sa vie et ses tourments : encore quelques années auparavant, il avait été professeur de philosophie à l’université d’Amherst. Un beau jour, d’étranges pensées lui avaient trotté dans la tête et l’avaient bouleversé : « Si ce que j’enseigne n’est que mensonge, comment puis-je éduquer mes étudiants au mensonge ? Et si c’est vrai, de quel droit profiterais-je d’un salaire pour transmettre la vérité ? ».

La réflexion le mena à l’action : il quitta l’université et « s’enfuit du monde ». Il se construisit une baraque dans les bois et se suffit de l’œuvre de ses mains.

Environ un an plus tard, un couvent s’établit non loin de lui. Notre professeur y entrait de temps en temps, écoutait les pensionnaires et étudiait avec eux. Lui leur enseignait la philosophie et eux lui enseignaient le christianisme. Ce bon élève envisagea même - D.ieu préserve – de se convertir. Comme de toute manière, il ne connaissait rien du judaïsme, il était impressionné de voir des gens prêts à vivre selon leur croyance, des gens dévoués en qui il voyait des exemples de vérité.

Cette même semaine, il dut se rendre à New York. Dans une des rues de Manhattan, un jeune Loubavitch l’arrêta gentiment et lui posa la question traditionnelle : « Excusez-moi, êtes-vous Juif ? Oui ? Alors venez mettre les Téfilines ! ». Il accepta avec un haussement d’épaules – après tout, il avait accompli tellement d’autres actes bizarres dans sa vie… Le moment d’après, il avait déjà oublié tout cela mais, inconsciemment, cela avait fait bouger quelque chose en lui, déclara-t-il par la suite.

Il rentra « chez lui », dans sa tanière au fond de la forêt et ne pensa plus à tout cela.

Quelques jours plus tard, un ami lui apporta du bois pour se chauffer. Ces fagots étaient enveloppés dans un vieux papier journal. Cet ancien professeur ne pouvait résister à l’appel de l’écriture et, machinalement, se mit à lire ce qui était écrit sur ce papier d’emballage. Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas lu un journal ! Outre quelques vieilles informations, il lut un article à propos de Rav Israël Deren qui venait d’inaugurer un Beth ‘Habad dans son fief de l’université d’Amherst…

« C’est déjà trop ! se dit-il. Jamais de ma vie, je n’avais entendu parler de Loubavitch et soudain, deux fois en l’espace de quelques jours, je « tombe » sur eux… Cela vaut la peine de creuser un peu plus… ».

- Voilà tout, conclut-il. Maintenant je suis ici, j’ai déjà passé trois Chabbat avec vous et je souhaite en connaitre davantage…

Il avait enfin trouvé la vérité…

Actuellement, le professeur Yerachmiel Elinson a repris une vie normale et, avec son épouse, ils mènent une vie en tous points ‘hassidique, avec leurs six enfants.

Aharon Dov Halperin – Moussaf Pessa’h de Kfar Chabad

Traduit par Feiga Lubecki