Lors de mes études en Israël, je m’étais progressivement intéressée à la ‘Hassidout et au Rabbi. Par la suite, je passai plusieurs mois à Brooklyn, New York à étudier intensément le judaïsme.
Il fallait cependant que je termine mes études universitaires. J’écrivais donc au Rabbi mais comme c’était la première fois, je m’imaginais que puisque le Rabbi me connaissait, je n’avais pas besoin d’écrire mon nom et mon adresse sur l’enveloppe.
Une semaine plus tard, je retournai au bureau de Rav Binyamin Klein (un des secrétaires du Rabbi) pour voir si j’avais reçu une réponse. Quand je lui dis que je n’avais pas mis mon nom sur le dos de l’enveloppe, il parut soulagé : il m’expliqua, pour s’excuser que, bien sûr le Rabbi savait qui j’étais mais que lui, Rav Klein ne le savait pas : cela faisait une semaine qu’il avait tenté de me retrouver !
C’était à l’époque où, après avoir subi une attaque cérébrale, le Rabbi ne pouvait plus répondre que par signes, oui ou non. Rav Klein me fit part de son étonnement quand le Rabbi avait répondu très clairement : il me conseillait de retourner immédiatement dans ma ville natale en Californie !
Je pris donc un billet pour la semaine suivante. J’avais prévu d’être hébergée dans le foyer d’une famille Loubavitch afin que je puisse pratiquer facilement le Chabbat, la cacherout etc… Mais, au dernier moment, on m’informa que ce n’était plus possible ! Il ne me restait plus qu’à vivre avec les autres étudiants dans le campus, ce qui serait très pénible pour moi, aussi bien dans ma pratique religieuse que dans mon stress émotionnel. Je retournai donc chez Rav Klein, le suppliai de redemander au Rabbi ce que je devais faire mais il refusa : le Rabbi avait déjà fait comprendre avec force que je devrais retourner en Californie. Ce détail n’affectait en rien la réponse du Rabbi.
Je retournai donc en Californie, anxieuse et gênée : après une année en Israël et quelques mois à Brooklyn, j’avais bien changé et j’aurais du mal à m’acclimater à nouveau. Heureusement je trouvai un logement non loin du centre communautaire Loubavitch. Il ne me restait plus qu’à acheter un peu de vaisselle, ce que je fis le week-end suivant qui, par chance, se poursuivait jusqu’au lundi.
Cependant, Chabbat, je découvris que le Mikvé local ne pouvait plus être utilisé pour tremper la vaisselle rituellement. Après mûre réflexion, je décidai d’utiliser les grands moyens : je tremperais directement ma vaisselle dans le plus grand Mikvé du monde, l’océan lui-même, sur ma route de retour vers l’université. Il me fallait donc expliquer à mes parents que je partirais un jour plus tôt. Bien sûr, ils voulurent savoir pourquoi. Quand je leur expliquai que la vaisselle neuve devait être trempée dans un Mikvé ou la mer, ils affirmèrent qu’ils avaient maintenant la preuve que j’étais complètement folle. Ils n’avaient pas apprécié mon strict respect du Chabbat et de la cacherout ainsi que ma nouvelle garde-robe, plus discrète et plus couverte : mais là, c’était trop. « Tes toutes nouvelles assiettes ? Les purifier ? Mais pourquoi ? »
Après plusieurs heures passées à se lamenter sur tout l’argent qu’ils avaient gâché pour m’assurer une bonne éducation, ils décidèrent de faire contre mauvaise fortune bon cœur et, tout simplement, de m’accompagner et passer ainsi un jour et une nuit de vacances.
Le lundi matin, j’avais prévu de me réveiller tôt, mais je n’arrêtai pas d’entendre à la radio le nom de ma ville natale : « Northridge ». C’était vraiment une toute petite ville et je ne comprenais pas pourquoi elle méritait tous ces honneurs. Je finis par reconnaître aussi les mots : tremblement de terre, épicentre. J’ouvris grand les yeux et allumai la télévision : non seulement l’épicentre du tremblement de terre se trouvait à Northridge mais dans ma rue. A l’arrière-plan, je pouvais même distinguer notre maison…
Pendant plusieurs jours, nous n’avons pas pu retourner à la maison car les routes aussi étaient très endommagées. Quand nous sommes arrivés, les dégâts étaient encore pires que nous n’avions pu l’imaginer. Toute la maison avait littéralement été transportée à quelques mètres de ses fondations… Avec précaution, nous sommes entrés, pour sauver ce qui pouvait l’être : des morceaux entiers de toitures s’étaient effondrés, les meubles étaient sens dessus dessous… J’entrai dans ce qui restait de ma chambre : une seule chose n’avait pas bougé, même d’un centimètre : la photo du Rabbi, accrochée au mur !
Ma mère était hystérique. Elle avait perdu sa maison et, de plus, elle venait de résilier son assurance contre les tremblements de terre ! Elle trouva la force de murmurer : « Si tu crois tellement en D.ieu, dis-moi pourquoi cela nous est arrivé ! »
Je regardai la photo du Rabbi puis répondis, après avoir respiré profondément : « Maman, je ne sais pas pourquoi cela nous est arrivé mais je sais pourquoi nous ne nous trouvions pas dans la maison quand cela est arrivé ».

Sara Esther Crispe
www.chabad.org
traduite par Feiga Lubecki