« Je dois comprendre ce que signifient ces voix que j’ai entendues ! » soupira la dame.
C’était une femme riche et respectée à Boston. Quelques temps auparavant, elle avait perdu sa fille Esther à la fleur de l’âge. Maintenant elle se tenait devant Rav David Meïr Rabinovitz, un proéminent ‘Hassid de Loubavitch et lui demandait son aide.
- Je sais ce que vous pensez, que je me laisse entraîner par mon imagination mais il n’en est rien. Je suis très réaliste, j’ai les pieds sur terre et je n’ai jamais été sujette à des visions ou des hallucinations. Mais cette voix était bien réelle, j’ai clairement entendu la voix de ma fille défunte. Je n’ai pas réussi à comprendre les mots mais c’était des cris de détresse. Je suis persuadée que ma fille cherche à me faire percevoir son angoisse…
- Avez-vous une idée de ce qui pourrait se passer ? Pourquoi son âme ne trouverait-elle pas le repos ? demanda prudemment Rav Rabinovitz.
- Non ! Vraiment-je l’ignore ! J’y ai beaucoup réfléchi et j’ai même un peu honte d’en parler car on me prendra pour une folle. Mais cela me ronge et je dois trouver une solution.
- Moi je ne peux pas vous donner de réponse ! répliqua Rav Rabinovitz mais je peux écrire à Rabbi Yossef Yts’hak Schneersohn de Loubavitch et lui demander conseil.
Ceci se passait trois ans après que Rabbi Yossef Yts’hak ait réussi à fuir l’Europe à feu et à sang et à arriver aux Etats-Unis. Dès son installation à New York, il avait entrepris de rebâtir les structures nécessaires à la vie juive : le monde libre n’était pas différent et le judaïsme devait s’y épanouir.
Quelques jours après l’envoi de sa lettre, Rav Rabinovitz trouva dans sa boîte aux lettres une réponse datée du 25 Tévet 1943. En la lisant, il sentit une sueur froide couler dans son dos : le Rabbi considérait très sérieusement le dilemme de cette dame et précisait qu’il ne s’agissait pas de « visions » ou d’hallucinations : « Il ne faut pas attribuer cela à une trop forte émotion mais ceci est très simple : pour moi, il est clair que l’âme de sa fille – de mémoire bénie – ressent de l’amertume ! A quel sujet ? » Et le Rabbi de préciser que la dame avait décidé de donner plusieurs sommes d’argent à des œuvres caritatives, à la mémoire de sa fille ; mais elle avait confié cet argent à des institutions qui détournaient les gens du judaïsme et à des écoles qui donnaient de la nourriture non-cachère à leurs élèves. Le Rabbi continuait : « Notre monde est celui du mensonge mais dans l’au-delà, la vérité est perçue clairement. Chaque action apparaît dans sa véritable dimension. C’est pourquoi une âme, pour l’élévation de laquelle on donne de l’argent, ressent que l’intention est louable mais si l’argent arrive à des destinations non recommandables, l’âme en souffre énormément ! »
Le Rabbi proposait à la dame de dresser une liste de toutes les institutions auxquelles elle avait contribué pour le mérite de sa fille et de la transmettre à une personnalité neutre et pratiquante qui saurait distinguer les institutions susceptibles d’être aidées. De plus, le Rabbi recommandait qu’un homme digne de confiance se rende auprès de la tombe de la jeune fille pour y préciser que, dorénavant, l’argent n’irait qu’à des institutions « cachères ». Le Rabbi avertissait la mère de ne pas se rendre elle-même au cimetière.
Après avoir lu cette lettre, Rav Rabinovitz en tremblait : jamais il n’avait rien lu d’aussi clair sur ce qui se passait dans « Le Monde de Vérité » !
Il transmit le message à la dame qui, elle aussi très émue, s’empressa de préparer la liste que lui avait demandé le Rabbi. Rav Rabinovitz l’envoya au Rabbi qui répondit quelques jours plus tard, le 6 Chevat 1943 : « Ce qui est passé est passé ; à partir de maintenant, tout doit être exécuté de façon méthodique, avec l’aide d’un homme droit et compétent qui décidera comment répartir les sommes envers les diverses institutions ».
La femme se conforma strictement aux instructions du Rabbi mais ressentait maintenant des regrets : à cause d’elle, l’âme de sa fille avait souffert. Rav Rabinovitz en fit part au Rabbi qui répondit dans une lettre datée du 14 Chevat qu’il avait lui-même écrit à cette dame en précisant qu’il n’y avait pas lieu de ressentir de la peine, que D.ieu nous en préserve, mais qu’il fallait être persuadé que l’âme de sa fille s’élevait considérablement, de niveau en niveau !
Rav Rabinovitz était stupéfait : le Rabbi démontrait ainsi que, pour lui, les voies du Ciel étaient aussi familières que celles de son village natal ! Il transmit donc la réponse du Rabbi enjoignant à la dame de cesser de se torturer puisqu’elle avait maintenant l’assurance que l’âme de sa fille s’élevait considérablement !

Sichat Hachavoua n°1224
traduit par Feiga Lubecki