Je suis né à Detroit (Michigan) en 1945, dans une famille juive qui n’était pas pratiquante. A l’époque, tous les garçons juifs célébraient leur Bar Mitsva mais on affirmait en plaisantant que, pour des gens comme nous, c’était 99 % Bar et un pour cent Mitsva.

En 1963, j’entrai à l’Université, y étudiai la philosophie et obtins mes diplômes. Durant ces quatre ans, j’avais réussi à jeter au loin le dernier un pour cent de ma Bar Mitsva et usai les 99 pour cent restant littéralement : je devins chanteur dans un bar de l’université de Ann Arbor.

Puis arriva le jour où un professeur célèbre qui avait pris une quantité impressionnante de LSD fit une conférence. J’allai l’écouter, debout, avec des milliers d’autres étudiants car la salle était bondée. Il expliqua l’importance de consommer cette nouvelle drogue psychédélique qui vous permet, selon lui, de découvrir de nouveaux aspects de votre personnalité et de devenir ce que vous êtes vraiment. Il ajouta que quiconque mériterait d’être ainsi illuminé par cette substance ne ferait de mal à personne. Puis il ajouta qu’il n’existait qu’un seul mal absolu dans le monde…

J’attendais avec avidité le nom de ce mal absolu. J’avais déjà décidé en mon for intérieur que, dès qu’il aurait achevé sa conférence, j’essaierai cette nouvelle drogue qui devait - disait-il - apporter la réponse à tous les problèmes du monde.

Et il donna le nom de ce mal absolu : les Juifs et leur D.ieu jaloux…

A l’époque, mon identité juive était inexistante – j’étais à peine conscient que j’étais juif. Mais cet homme qu’on estimait très intelligent affirmait que les Juifs étaient mauvais : je voulais comprendre qu’est-ce qu’il trouvait dans les Juifs qui était si mal et comment il était parvenu à cette conclusion.

Pour comprendre, je lus la Bible et fus étonné, en lisant le Livre de la Genèse, que la Bible n’était pas du tout biblique. Je veux dire, Avraham n’accomplit aucun miracle ; Isaac et Jacob ne parlaient ni du ciel ni de l’enfer ; ils ne prononçaient aucun sermon, ils n’accomplissaient aucun rituel : toutes ces choses font partie des autres religions mais là, je n’en trouvais pas de traces.

Je devins obsédé pour comprendre Avraham, Isaac et Jacob. Toutes les autres religions, je pouvais les comprendre – j’avais étudié la théologie comparative à l’université, surtout les philosophies orientales et je savais que les religions vous promettent de nouveaux pouvoirs, des révélations, de nouveaux plaisirs ou des lumières éblouissantes. Mais ici, il n’y avait pas de promesses. Même les quelques promesses que D.ieu avait faites aux Patriarches, Il ne les avait pas tenues de leur vivant. Moïse n’était jamais entré en Terre Promise. Donc je ne comprenais pas du tout de quoi parlait le judaïsme.

Pour obtenir des réponses, je fréquentais différentes synagogues et contactais de nombreux rabbins. Mais je ne trouvai aucune réponse satisfaisante jusqu’à ce qu’en 1971, je rencontrai un ‘Hassid de Loubavitch, le regretté Rav Itche Meir Kogan qui me conseilla : « Tu dois poser tes questions à cet homme ! » en désignant une photo du Rabbi de Loubavitch. Cela signifiait douze heures de voiture depuis le Michigan jusqu’à New York mais je le fis.

J’arrivai pendant un Farbrenguen (réunion ‘hassidique) au Quartier Général du 770 Eastern Parkway : il y avait là quelque chose comme 500 ou 700 ‘Hassidim qui chantaient une très belle mélodie. J’adore la musique – je suis un musicien professionnel – mais je n’avais jamais entendu pareille musique. Celle-ci me transporta dans une toute autre perspective, ouverte et positive.

Puis le Rabbi se mit à parler. Il parla pendant deux heures en yiddish, une langue que je ne connaissais pas du tout mais je le regardai et j’observai les ‘Hassidim. J’ai constaté que le Rabbi ne parlait pas comme un gourou, il ne tentait pas de mettre les gens en transe. Au contraire, il s’adressait vraiment à son public et toute l’atmosphère était quelque chose que je n’avais jamais expérimenté auparavant. Ce n’était pas spirituel, ce n’était certainement pas physique. C’était quelque chose de très réel.

Je me suis demandé : qui est cet homme ? Ce ne peut pas être une personne normale. Mais ce n’est pas non plus un ange ou une sorte de mystique. Alors qui est-il ? Et soudain je réalisai : C’est un Juif comme Avraham, Isaac et Jacob. Et je me suis dit : « C’est un Juif et je suis juif ! Je reste ici ! ».

Je suis resté pour apprendre comment être comme Avraham, Isaac et Jacob, comment faire de ce monde en endroit meilleur. J’ai étudié dans une Yechiva – Hadar Hatorah - et je me suis vraiment investi dans l’étude, jour et nuit. Mais il me restait une question, une question qui me hantait vraiment.

Puis j’ai eu le privilège d’entrer en Ye’hidout, entrevue privée pour « être ensemble en unité avec le Rabbi ». Le but est d’éveiller un niveau de votre âme qui est cette part qui veut agir dans ce monde pour le réparer et en faire un endroit meilleur.

Quand je vis le Rabbi, je lui confiai mon grand problème ; je lui dis que les religions orientales ne m’avaient jamais intéressé. Leurs philosophies - révélations et nirvana - étaient séduisantes mais, à la base, c’était des religions égoïstes, concernées uniquement par le bien-être de l’individu et non celui des autres. Mais le christianisme était différent ; les chrétiens suivaient un homme qui déclarait : « Jetez tout, ne croyez qu’en D.ieu et, de cette manière, vous trouverez la sainteté ». Je n’avais jamais, même un instant, pensé que cet homme était un dieu mais j’estimai qu’il avait apporté un message nouveau et important. Je confiai au Rabbi : « Cette idée n’arrête pas de troubler mon esprit ! Que dois-je faire ? »

Le Rabbi répondit : « Votre mission actuellement est d’étudier la Torah et d’oublier complètement tout cela. Toute vérité qui pourrait se trouver dans cette religion a son origine dans la Torah ».

J’insistai : « Si j’étudie la Torah, pourrais-je prouver que le christianisme est faux ? »

Le Rabbi affirma : « Non, ce n’est pas votre travail ! Votre travail est de vous concentrer sur ce qui est bon. Vous devez étudier la Torah, le Talmud, les lois juives et les écrits ‘hassidiques ! »

Dès que le Rabbi acheva ces mots, je devins calme. C’était comme si j’étais devenu une autre personne, comme si – spirituellement – il avait renforcé quelque chose en moi et je réalisai que mon bonheur ne viendrait pas de cette direction. Avec ces quelques mots, le Rabbi avait enlevé de mes épaules un énorme fardeau et, à partir de cet instant, je pouvais me concentrer sur le fait d’être juif.

(JEM) - Rav Tuvia Bolton – Directeur de la Yechiva Ohr Tmimim – Israël

Traduit par Feiga Lubecki