Un vendredi soir, le dernier Chabbat du mois d’Adar 1999, dans une maison du quartier juif de la vieille ville de Jérusalem. Les convives étaient nombreux et entouraient Eyal, un jeune homme issu d’un Kibboutz du nord d’Israël. Celui-ci s’intéressait maintenant sérieusement à l’étude de la Torah et étudiait à la Yechiva Or Saméa’h.
D’habitude Eyal passait Chabbat chez son frère aîné qui, lui, était déjà revenu à une pratique rigoureuse du judaïsme et qui habitait dans un village religieux au centre du pays. Mais ce Chabbat, il avait décidé de le passer à Jérusalem. Pourquoi ? On devait le comprendre plus tard.
La famille qui avait ouvert généreusement sa porte à Eyal avait l’habitude de recevoir des invités le Chabbat. En prévision de la venue d’Eyal, elle avait également invité des jeunes étudiants de la Yechiva Loubavitch «Torat Emet» afin d’assurer une ambiance joyeuse et ‘hassidique.
Effectivement, entre le poisson et la viande, entre les chants traditionnels et les mélodies, entre les paroles de Torah et les histoires de Rebbéim, l’enthousiasme était palpable. Après un ou deux verres de vodka, Eyal s’ouvrit et raconta son problème, ce qui expliquait aussi pourquoi il avait tenu à passer Chabbat dans la vieille ville. De fait, à près de quarante ans, il n’avait pas encore trouvé l’âme sœur. De nombreuses personnes bien intentionnées lui avaient donné divers conseils pour faire avancer les choses, en particulier on l’avait assuré que le fait de prier quarante jours de suite auprès du Kotel, le Mur Occidental, dernier vestige du Temple, l’aiderait certainement à résoudre son problème. L’idée avait plu à Eyal qui était donc obligé de rester plusieurs Chabattot dans la ville Sainte.
Puisqu’on parlait de mariage, le maître de maison prit un livre d’histoires du Baal Chem Tov et lut à haute voix un récit bien connu : une fois, le Baal Chem Tov avait procédé lui-même à la cérémonie de mariage de deux orphelins qui avaient donné à une famille nécessiteuse, menacée de prison, tout l’argent qu’ils avaient reçu en cadeau. Durant le repas qui avait suivi, le Baal Chem Tov et ses disciples avaient joyeusement distribué toutes sortes de «cadeaux» au jeune couple : l’un avait «donné» le château du seigneur local, l’autre le moulin du seigneur, le troisième ses vergers et ainsi de suite.
Tous les convives avaient ri aux éclats à l’énoncé de ces plaisanteries ; or, quelques jours plus tard, à la suite d’un extraordinaire concours de circonstances, toutes ces promesses s’étaient réalisées !
«Si c’est ainsi, dit alors le maître de maison, puisque nous sommes ici réunis en Minyane (dix hommes et plus), nous allons souhaiter à Eyal de trouver encore ce mois-ci une épouse digne de lui !»
Tous répondirent «Amen» puis l’un des jeunes gens suggéra de prendre exemple sur l’histoire du Baal Chem Tov et de proposer aussi des cadeaux : Avraham se leva et promit de chanter au mariage d’Eyal. Son ami Yehochoua promit de danser au mariage avec une bouteille de vodka sur la tête. Quant à Eytan qui était assez fort, il promit de porter Eyan sur ses épaules et ainsi de suite. Puis toute cette joyeuse compagnie entonna des chansons de mariage qui réjouirent la maisonnée. A la fin du repas – très tard ce soir-là – Eyal eut l’honneur de réciter le «Zimoun» avant le Birkat Hamazone, la prière après le repas. Chacun rentra chez lui, se promettant dans son for intérieur de se tenir au courant de la suite des événements.
Une semaine passa, une autre et une troisième, toujours pas de nouvelles d’Eyal. Le printemps arriva avec les préparatifs de la fête de Pessa’h et plus personne n’eut le temps d’y penser.
Durant ‘Hol Hamoëd (les jours intermédiaires de la fête), Eyal téléphona pour inviter le maître de maison à son mariage ! De fait, à Pourim, soit deux semaines après ce Chabbat mémorable, Eyal avait été invité dans une famille et c’est là qu’on lui avait présenté une jeune fille qui correspondait exactement à ce qu’il attendait.
Cette jeune fille avait également toute une histoire derrière elle : l’année précédente, la veille de Pourim 1998, elle avait entendu parler d’un certain Rav qui avait l’habitude, chaque Pourim, de bénir chacun des convives présents à sa table pour que son souhait le plus cher se réalise dans l’année. Afin d’augmenter l’impact de cette bénédiction, le Rav se faisait accompagner de deux autres invités, constituant ainsi une sorte de Beth-Din, de tribunal rabbinique dont les décisions ont force de loi.
La jeune fille s’était donc présentée au repas de Pourim de ce Rav qui, avec ses deux compagnons, l’avaient bénie pour qu’elle trouve dans l’année son futur mari.
Effectivement, exactement un an plus tard, elle avait rencontré Eyal… La bénédiction du Rav d’une part et celle des invités dans la famille ‘hassidique de la vieille ville de Jérusalem s’étaient réalisées !
Lors de leur mariage, le soir de Lag Baomer de la même année, Avraham chanta de tout son cœur, Yehochoua dansa avec une bouteille de vodka sur la tête et Eytan porta Eyal sur ses épaules… Celui qui n’a pas assisté à ce mariage n’a pas vu de véritable joie dans sa vie !

Yonathan Zigman
Sichat Hachavoua