Rav Kasriel Kastel est une des figures marquantes de la communauté ’hassidique de Crown Heights à Brooklyn. Connu de tous, il ne perd pas une occasion pour faire le bien autour de lui ; un de ses «protégés» allait se marier et, bien entendu, Rav Kastel se devait d’assister à la célébration. 

Le marié avait une cinquantaine d’années ; la mariée était veuve. Tous deux retournaient à un mode de vie juive authentique et commençaient maintenant un nouveau chapitre de leur vie.
Bien que joyeux, un mariage juif est aussi une expérience sérieuse et parfois compliquée. De nombreux détails, s’ils ne sont pas étudiés attentivement, peuvent partiellement ou entièrement annuler toute la procédure, surtout s’il s’agit des témoins ou de la Ketouba (le contrat de mariage rédigé en araméen).
 Les mariés étaient prêts, le rabbin qui devait présider aux festivités aussi ; les témoins se préparaient. Rav Kastel bavardait avec les invités quand un des témoins pressentis le tira par la manche pour lui parler en privé. Rav Kastel le suivit dans un coin plus silencieux et l’homme âgé d’une quarantaine d’années rajusta sa Kippa blanche, se racla la gorge et murmura : « Vous savez, Monsieur le rabbin, je ne connais pas grand-chose au judaïsme bien que j’aie étudié il y a très longtemps dans une école juive. Je voudrais vous dire… je ne sais pas très bien comment interpréter ce qui m’arrive mais, l’autre nuit, j’ai rêvé du Rabbi de Loubavitch. Je ne suis pas superstitieux ou porté sur la mystique et d’habitude je ne fais pas attention à cela ; bref j’ai rêvé que le Rabbi de Loubavitch m’avertissait tout simplement : « Ne signez pas la Ketouba ! ». J’ai voulu oublier ce rêve mais quand le marié m’a demandé d’accepter le grand honneur d’être témoin, j’ai pris peur et… enfin vous me comprenez, je ne sais pas si je dois accepter ou non ! »
Rav Kastel l’écoutait attentivement. Il lui demanda avec tact s’il avait un quelconque lien familial avec les mariés (ce qui le disqualifierait pour ce rôle) et d’autres questions semblables. Non, ce n’était pas le cas.
- Si le Rabbi apparaît en rêve à quelqu’un, cela doit être pris au sérieux. Ne vous inquiétez pas, je vais parler au marié et lui proposerai d’être moi-même son témoin ! Nous sommes de bons amis et il ne refusera pas.
Effectivement, le marié accepta avec empressement. Le rabbin qui présidait à la cérémonie rédigea le document, le premier témoin signa le papier, les flashs des photographes crépitèrent. On passa le stylo à Rav Kastel qui se pencha pour examiner le texte et, étonné, demanda au marié : « Comment vous appelez-vous au juste ? »
- Moi ? Vous le savez bien ! Je m’appelle Its’hak !
- C’est bien ce que je pensais ! Alors pourquoi est-il écrit ici Naftali ?
- Naftali ? Mais non ! C’est le nom du père de ma fiancée !
Gêné, le rabbin tenta de sourire en expliquant qu’il avait mal compris ce que lui disait le fiancé etc. et se mit à rechercher dans sa mallette un autre exemplaire de Ketouba. Mais il n’en trouva pas.
- Pas de problème ! déclara Rav Kastel. Il y a une librairie juive à dix minutes d’ici, je vais y aller en voiture, j’arrive !
Mais le rabbin ne l‘entendait pas ainsi. Il avait un programme chargé pour la journée et n’était pas prêt à attendre vingt minutes supplémentaires. Il décida de barrer le nom litigieux et d’inscrire à la place le vrai nom du marié ; les témoins signeraient et tout serait en ordre selon lui. Rav Kastel n’était vraiment pas content de cette solution mais l’autre rabbin n’en démordait pas. Il procéda aux corrections et présida la cérémonie ; après les bénédictions d’usage, le marié brisa le verre à ses pieds, tout le monde s’écria Mazal Tov ! Et l’orchestre se mit à jouer les airs joyeux de circonstance. Mais Rav Kastel était inquiet : oui, le mariage était valide mais mari et femme n’ont pas le droit de vivre ensemble si la Ketouba n’est pas cachère à 100 % ; or celle-ci était loin d’être satisfaisante ! On entend souvent des récits de couples souffrant de manque d’harmonie simplement parce que la Ketouba contient des erreurs… Durant le festin qui suivit, un Rabbi ‘hassidique – qui connaissait bien le marié – entra avec quelques-uns de ses fidèles. Rav Kastel en profita pour lui demander son avis à propos de la Ketouba : ce Rabbi examina attentivement la Ketouba et déclara qu’il fallait absolument en rédiger une autre. C’était un homme d’action : il envoya un de ses ‘Hassidim à la librairie juive la plus proche et, vingt minutes plus tard, celui-ci revint avec le précieux document.
- Oh… s’exclama le Rabbi ! Cette Ketouba aussi n’est pas valable, elle est destinée à un premier mariage et non à une seconde union ! expliqua-t-il en pointant une ligne problématique sur le texte en araméen. Sans hésiter une seconde, le ‘Hassid reprit sa voiture et, vingt minutes plus tard, revint avec un troisième document qu’il avait obtenu juste avant la fermeture du magasin !
Entre-temps, le jeune couple suivait avec angoisse les détails de cette aventure mais Rav Kastel les rassura : « Tout ceci prouve qu’au ciel, ce mariage est considéré comme très important ! Sinon, il n’y aurait pas eu tant de péripéties ! » La « Ketouba » fut alors réécrite et signée comme il convenait.
Après le repas et les danses, on prononça les bénédictions d’usage et les invités quittèrent un à un la salle. L’homme qui avait presque signé la Ketouba s’approcha à nouveau de Rav Kastel avec des larmes de gratitude dans les yeux : « Avez-vous réalisé ce qui est arrivé ? Si le Rabbi de Loubavitch ne m’était pas apparu en rêve, j’aurais signé et jamais personne n’aurait mis en doute la validité du document ! Ce mariage aurait pu être une catastrophe pour toute leur vie ! Qui sait combien de disputes auraient pu être imputables à cette Ketouba mal rédigée ? Le Rabbi a protégé ces mariés ! Leur union est maintenant vraiment bénie ! »
« Qu’il en soit de même pour tout le peuple juif ! » murmura, pensif, Rav Kastel.

Rav Tuvia Bolton Traduit par Feiga Lubecki