Le verset Vayéchev 37, 7 dit : «Et, voici que nous formions des gerbes, dans le champ(1). Et, voici que ma gerbe se dresse et se tient debout. Et, voici que vos gerbes l'entourent et qu'elles se prosternent devant ma gerbe». Puis, le verset 9 poursuit : «Il fit un autre rêve et il le raconta à ses frères. Il dit : voici que j'ai fait un autre rêve et voici que le soleil, la lune et onze étoile(2) se prosternent devant moi».

Les deux rêves de Yossef expriment, en l'occurrence, la même idée(3). Quel est donc le sens de la répétition, dès lors que les deux rêves sont identiques(4) ?

Tout d'abord, on peut observer que le premier rêve décrit une situation du monde matériel, la confection de gerbes, dans un champ, alors que le second fait référence à un stade plus haut et décrit ce qui se passe dans le ciel et concerne le soleil, la lune, les étoiles(5).

On peut déduire de cette première constatation, un principe, d'ordre général, qui s'applique au service de D.ieu de chacun : un Juif doit être animé, en permanence, du désir de connaître l'élévation, d'aller de l'avant, de gravir, en permanence, les échelons de la sainteté(6). Car, c'est précisément de cette façon que l'on peut s'élever du matériel vers le spirituel(7).

Ces deux rêves délivrent donc un message unique, afin de souligner la nécessité de transformer la matérialité, de mettre en évidence qu'en sa dimension profonde, celle-ci est en parfaite harmonie avec la vérité morale(8).

Le détail de ces rêves(9) délivre l'enseignement suivant. L'avancement sur un parcours spirituel exige un effort de la part de l'homme, un travail, impliquant la peine. C'est pour cette raison que le premier rêve décrit le travail du champ(10).

L'âme est envoyée sur un champ de bataille(11). Elle descend d'une cime élevée, connaît la chute et s'introduit dans un corps grossier. Dès lors, il lui faut travailler dur, afin de réunir les épis parsemés(12) pour en faire une botte unique, de ressembler et d'unir les forces de l'âme animale pour les investir dans le service du D.ieu unique(13).

Puis, par la suite, lorsque ce premier résultat est d'ores et déjà obtenu, il reste encore nécessaire de se prosterner, de se soumettre et de s'attacher à Yossef le Tsaddik, au Juste qui est le chef de la génération(14).

Le second rêve, qui se passe dans le ciel, figure l'étape en laquelle l'âme rejoint le stade élevé dans lequel elle se trouvait, avant de descendre dans ce monde inférieur (15). Celui qui obtient une telle élévation(16) et qui a le mérite de se consacrer aux préoccupations célestes doit, lui aussi, se prosterner devant Yossef, le Tsaddik, chef des enfants d'Israël et se soumettre à lui(17).

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 3, page 805)

Notes :
(1) Yossef décrit ici son rêve, qui conduisit ses frères à le vendre.
(2) Son père, l'épouse de son père et ses onze frères.
(3) Sa suprématie, par rapport à ses frères et même par rapport à ses parents.
(4) La Torah n'introduit pas une répétition uniquement pour insister sur une certaine idée.
(5) Il y a donc bien ascension, entre les deux rêves.
(6) De sorte que l'élévation morale obtenue la veille n'est plus suffisante pour le lendemain.
(7) Au moyen d'une ascension permanente.
(8) C'est grâce à cela que l'élévation du matériel vers le spirituel peut être une réalité.
(9) S'ajoutant à leur formulation globale, au fait qu'ils vont dans le sens de l'ascension.
(10) Illustrant cette notion d'effort.
(11) Le monde matériel, au sein duquel elle doit se battre contre les forces du mal.
(12) Parmi les biens matériels avec lesquels elle entre en contact.
(13) Grâce à la transformation en sainteté de cette âme animale.
(14) Par l'intermédiaire duquel il est possible de s'attacher à D.ieu.
(15) Tout en continuant à vivre dans ce monde matériel.
(16) Qui vit dans le monde sans en subir les limites.
(17) En effet, disent nos Sages, dont la mémoire est une bénédiction, «il y a un chef par génération et il n'y pas deux choses par génération».