« Au moment du Don de la Torah, tous les secrets de la Torah et tous les secrets inférieurs et supérieurs ne leur furent pas cachés car ils virent, les yeux dans les yeux, le rayonnement de la Gloire de leur Maître. Il n'y eut pas comme ce jour depuis la création du monde où D.ieu Se révéla dans Sa gloire sur le mont Sinaï. » (Zohar II, p. 93)

La fête de Chavouot célèbre le Don de la Torah. Pourtant, comme le soulignent le Talmud et de nombreux commentaires, les Patriarches connaissaient la Torah par inspiration divine et la pratiquèrent scrupuleusement. Ils la transmirent ensuite à leurs descendants au point que « en Egypte, la Torah ne les quitta jamais ». S'il en est ainsi, en quoi le Don de la Torah le 6 Sivan fut-il un événement remarquable ? L'étude n'existait-elle pas déjà ? Plus encore, les Dix Commandements eux-mêmes, qui furent donnés avec la plus grande solennité, ne contiennent que des idées très simples et élémentaires !

La nouveauté du 6 Sivan est qu'alors les hommes reçurent la Torah de D.ieu. Certes, ils l'étudiaient déjà auparavant mais ce n'était que de leur seule initiative. A présent, c'est D.ieu Qui intervient, c'est Lui Qui donne et enseigne et cela change tout. En effet, jusque-là, l'attachement à la Torah et à ses commandements dépendait du bon vouloir du Juif. Doté de qualités spirituelles puissantes, conscient de l'importance de ses actes, il choisissait d'accomplir la volonté divine. A présent, chacun a pu voir que c'est D.ieu Qui a parlé. Dès lors, chacun atteint un degré d'assurance et d'enthousiasme inégalé. Son lien avec la Torah en est radicalement renouvelé.

Pénétré de cette évidence, chacun sent la joie l'emplir. Il sait que, au-delà même de la compréhension qu'il peut en avoir, son étude de la Torah et sa pratique des commandements l'unissent à D.ieu. C'est un si grand privilège que rien ne peut porter ombrage à son bonheur.

Nous ferons et nous comprendrons !

Le Maguid de Mézéritch dit : « Entends-tu, Elimélè'h, ce que l'on dit dans la Yéchiva d'En-Haut ? Que l'amour du prochain signifie aimer le méchant le plus bas comme le Juste le plus accompli. » (Rabbi Elimélè'h de Lyzensk)

C'est le 5 Sivan, la veille du Don de la Torah, que les Juifs, réunis au pied du mont Sinai, proclamèrent cette phrase devenue comme la proclamation d'une vision du monde : « Nous ferons et nous comprendrons ». Dans ces quelques mots se cachent trois idées :

- « nous ferons » c'est-à-dire que nous nous engageons à accomplir concrètement, physiquement, - « nous comprendrons » c'est-à-dire que nous étudions la Torah avec toutes les forces de l'âme,

- la jonction des deux avec la priorité donnée à « nous ferons ».

L'enseignement est d'importance. En effet, il est possible d'imaginer que l'on accomplisse les commandements de D.ieu en restant au degré du « nous ferons », sans même chercher à les comprendre et en se fondant sur la pure foi, fondement du service divin. Le fait que lui soit lié « et nous comprendrons » souligne que cette démarche, réellement positive, doit être considéré comme un début et non comme une fin en soi. Car il faut servir D.ieu de toutes ses forces, avec sa foi, sa soumission mais aussi avec ses capacités intellectuelles.
 Cela souligne aussi l'unité du peuple juif. Lorsque l'on affirme que l'on se dévouera à D.ieu et à Sa volonté, que cela sera le préalable de toute chose, nous manifestons que rien ne sépare les hommes les uns des autres car, dans cette résolution, il n'y a aucune différence entre eux. Les Sages soulignent que, quand les Juifs arrivèrent devant le mont Sinaï, ils s'y tinrent « comme un seul homme avec un seul coeur ». Par la proclamation du « nous ferons et nous comprendrons », l'unité ne se limite pas au coeur ; elle se révèle dans l'homme tout entier.

La voix sans écho

« La fête de Chavouot est la plus grande de toutes. C'est pour cela qu'elle se trouve au milieu, entre celles de Pessa'h et de Souccot. Car elle est le centre de tout. La Torah est le point central de toutes choses. » (Zohar III, p. 96)

Lors du Don de la Torah, la Voix de D.ieu retentit. Elle proclama les Dix Commandements et chacun put l'entendre. Commentant l'événement, le Midrach apporte de nombreuses précisions. Il nous dit qu'en cet instant solennel, le monde entier fit silence, que cette Voix vint des quatre points cardinaux, du haut et du bas, attestant ainsi de l'omniprésence de D.ieu. Il est inutile de souligner sa puissance : n'est-ce pas D.ieu Lui-même Qui s'adressait au monde ? Pourtant, le Midrach ajoute : « La Voix n'eut pas d'écho ». L'idée est surprenante. L'écho est un phénomène physique parfaitement analysé : si un son assez puissant rencontre une paroi dure, celle-ci le renvoie produisant cet effet. Lors du Don de la Torah, fait sur une montagne, la paroi dure existait. De plus, le son fut la Voix de D.ieu, évidemment forte. Pourquoi n'y aurait-il pas eu d'écho ? Pour qu'il n'y en ait pas eu, il fallut donc un miracle. Pourtant, on sait que « D.ieu ne fait pas de miracle en vain » ?

Le changement introduit par le Don de la Torah fut, à proprement parler, essentiel. Auparavant, tout se passait comme si un roi avait promulgué un décret, dans les mots du Midrach : « Les gens de Syrie ne peuvent monter à Rome et ceux de Rome ne peuvent descendre en Syrie ». En d'autres termes, le spirituel et le matériel sont hermétiquement séparés ; le spirituel ne peut descendre jusqu'au monde matériel pour le pénétrer ; ce dernier ne peut s'élever au-dessus de sa condition première. Le Don de la Torah change tout cela. Le « décret » est aboli et D.ieu le manifeste en « descendant sur le mont Sinaï ».

Pour susciter cette transformation, la Voix de D.ieu qui donne la Torah ne fut pas repoussée par la roche, elle la pénétra. Il ne put donc y avoir d'écho, non du fait d'un miracle particulier mais parce que les conditions naturelles pour cela n'étaient pas réunies. A présent, D.ieu l'ayant fait en premier, le spirituel peut pénétrer la matière et l'élever. A présent peut commencer le travail des hommes qui spiritualisent le monde.