La structure de l’année juive – à treize mois – fait que nous vivons une sorte de répétition générale des grands événements spirituels à venir. Certes, le mois de Adar a bien commencé mais il porte le nom de Adar I, pour bien signifier qu’il y en aura évidemment un second, comme pour nous dire que nous ne sommes pas encore réellement dans le vif du sujet. Du reste, ce premier Adar, tout joyeux qu’il soit, ne contient la fête de Pourim qu’au titre du rappel. Du moins, c’est ce qu’on pourrait croire... De fait, le jour du 14 Adar I (cette année le mardi 15 février 2022) – juste un mois avant la fête qui nous verra racontant l’histoire d’Esther et célébrant le miracle – porte un nom dans la tradition juive. On l’appelle Pourim Katan ou petit Pourim. Une telle dénomination a de quoi soulever quelques questions. Est-ce à dire qu’il s’agirait ici d’un jour en réduction, à la signification indéterminée, peut-être sans importance autre que celle du signe avant-coureur ? Ce serait alors presque une marque de mépris envers un jour qui passe et ce n’est pas là une attitude juive...

Ouvrons donc une autre réflexion. Et si ce jour, qui arrive cette semaine, était d’abord celui d’une préparation ? Et si le jour de Pourim lui-même était trop élevé pour qu’on puisse l’atteindre en un seul saut et que l’occasion de l’élan était ici bien rare et précieuse ? Voilà qui donnerait au « petit Pourim » un nouveau caractère de grandeur. Car, s’il constitue préparation aux solennités prochaines, c’est qu’il est capable de leur apporter un élément qu’elles ne possèdent pas. C’est qu’il leur permet de prendre leur plein sens. D’une certaine manière, il leur est donc comme supérieur. Un « petit » qui donne à plus grand que lui et donc le dépasse ? C’est bien de cela qu’il s’agit. Et c’est comme à une sorte d’éloge de la « petitesse » qu’il faut se livrer à présent.

Avec ce jour particulier, tout se met en place. Les forces sont accumulés et le sens profond mieux intégré. La vie de Adar prend alors un nouveau tour. Prenons-en la pleine mesure : tout est né d’un « petit » jour. Lorsqu’on pense au destin historique comparé des « grands » empires et des « petits » peuples, il y a comme une structure récurrente qui apparaît. La vraie puissance n’est pas toujours celle que l’on croit. Et elle tient plus dans la force et la fermeté d’âme que dans les qualificatifs ambitieux. Petit Pourim donc... et grande vie !