Lettre n° 9638

Par la grâce de D.ieu,


25 Tévet 5729,
Brooklyn, New York,


Aux élèves du village des jeunes Béer Yaakov,
en notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée
et rebâtie, que D.ieu vous accorde longue vie,


Je vous salue et vous bénis,


J’ai reçu, avec plaisir, vos salutations, par l’intermédiaire de votre professeur, maître et directeur, monsieur ‘Haïm Its’hak Glaser. J’ai été particulièrement satisfait d’avoir connaissance de vos progrès, dans vos connaissances comme dans votre comportement. Tel est, en effet, le rôle de chacun et de chacune des enfants d’Israël adultes et, a fortiori, de la jeunesse et des jeunes, celui d’avancer, d’une prouesse vers l’autre(1), non seulement en grandissant et en se développant physiquement et matériellement, mais aussi et surtout en avançant et en s’élevant dans la vie spirituelle, celle de l’âme.


Monsieur Glaser m’a transmis vos questions qui sont les suivantes : quel est mon avis sur la montée de la jeunesse juive d’Amérique en Israël et sur la paix que l’on peut attendre avec les voisins arabes ? Sur la première question, je formulerai mon opinion après avoir introduit une notion préalable. De façon générale, l’existence de l’homme se répartit en deux périodes. Pendant la première, celui-ci reçoit essentiellement et il a donc un rôle passif. Lors de la seconde, en revanche, on peut espérer qu’il exerce une influence, la plupart du temps et qu’il soit actif, au sein de son entourage et de sa famille. C’est parmi son environnement, au sens le plus large, qu’il doit exercer ce rôle actif, allant dans le bon sens.


Bien entendu, on attend avant tout d’un homme qu’il agisse pour renforcer le bien, le raffermir et le développer, pour chasser le mal. Il peut ainsi, en quelque sorte, s’acquitter d’une dette, car il a acquis des forces et des connaissances permettant d’identifier le bien et il désire donc agir en ce sens, à la mesure de ce qu’il a lui-même reçu de son entourage, dans un premier temps. Il a donc le devoir, tout d’abord, d’exprimer sa reconnaissance, de s’acquitter de son obligation et d’agir positivement, dans tous les domaines en lesquels il a reçu une bonne influence et de convaincre les autres en les entraînant à leur tour dans cette direction, par la suite.


Une illustration permettra de comprendre tout cela. Si quelqu’un veut donner de la Tsédaka à celui qui n’en a pas besoin, il aura, certes, réalisé un accomplissement important, mais, pour autant, le remboursement d’une dette passe avant une telle Tsédaka. Par ailleurs, le remboursement de la dette peut aussi présenter un autre aspect, car il est possible que celui qui a consenti le prêt ait besoin d’aide, au point même d’être en danger. En pareil cas, ce remboursement est aussi le moyen de faire revivre l’homme qui a consenti le prêt et les membres de sa famille.


Ce qui vient d’être dit vous permettra de comprendre mon avis, sur la question que vous m’avez posée. La jeunesse possède une énergie qui n’a pas encore été entamée, car elle doit encore entrer dans la vie, devenir partie intégrante de la société et de l’entourage. Il est alors légitime de tout réserver pour le bien de cet entourage, au sein duquel on est né et l’on a reçu ses forces. C’est dans tous ces domaines que l’on sera actif, de la manière qui convient, même si la société n’a pas réellement besoin de l’aide qu’on peut lui apporter, que l’on peut uniquement ajouter ou renforcer l’existant. A fortiori en est-il ainsi quand la société a une situation chancelante, quand ceux qui se consacrent à son raffermissement sont numériquement peu nombreux. Il y a là, dès lors, une nécessité absolue et c’est uniquement après avoir remboursé sa dette que l’on peut imaginer d’aller agir ailleurs, dans un autre pays.


On peut en déduire, d’une manière concrète, que les jeunes de chaque pays, de chaque ville, quand ils doivent accéder à l’âge adulte, sont tenus, avant tout, d’investir leurs forces dans le pays en lequel ils se trouvent, surtout dans ces contrées en lesquelles la situation spirituelle et morale, la relation avec les valeurs éternelles du Judaïsme ne sont malheureusement pas fortes et solides. Chacun et chacune de ceux qui peuvent être actifs, en la matière, sauvent donc des vies, à proprement parler et les préservent de l’assimilation, ce qu’à D.ieu ne plaise. C’est après que la jeunesse se soit acquittée de sa dette dans l’endroit où elle a grandi et a reçu son éducation qu’elle peut se demander ce qu’elle peut faire pour ses frères juifs se trouvant dans un autre endroit.


Bien évidemment, ce qui vient d’être dit ne contredit pas le fait que, parfois, peut-être même souvent, les jeunes doivent visiter un environnement différent, un autre endroit, en l’occurrence se trouver, pendant un certain temps, en notre Terre Sainte, afin de se préparer, de se parfaire pour une activité accrue, plus efficace, dans leur environnement et dans leur pays, là où ils doivent mener leur action en priorité, afin de s’acquitter de leur dette morale et spirituelle, comme on l’a dit.


Il est clair aussi que, bien souvent, c’est l’environnement lui-même qui choisit l’un des jeunes pour l’envoyer dans un autre pays ou, en l’occurrence, en notre Terre Sainte, afin d’y agir pendant un certain temps ou même de s’y installer. En pareil cas, cela fait également partie de l’action menée pour le bien du milieu et du pays dans lesquels on a reçu son éducation et où l’on a grandi.


Pour synthétiser tout cela, je pense que la jeunesse, les jeunes doivent se servir de leurs forces et des possibilités qui s’offrent à eux avant tout en les endroits où ils résident, les mettre à contribution pour élargir le bien ou, plus précisément, pour diffuser le Judaïsme et ses valeurs au sein de la jeunesse, dont une grande partie doit encore être influencée, en la matière, recevoir une éducation permanente et non une fois par an ou de temps à autre. Les chances de réussite d’une telle éducation sont plus grandes, quand l’éducateur est né dans le même pays que ses élèves, qui doivent avoir recours à ses directives et à son influence. En pareil cas, il connaît leur tournure d’esprit, car il a grandi parmi eux et c’est là qu’il a reçu sa propre éducation. Il n’en est pas de même, en revanche, quand cet éducateur est originaire d’un autre pays, issu d’un milieu différent.


Il va sans dire que mon avis porte sur cette question, envisagée dans sa globalité, de la manière dont elle a été formulée. Quand il s’agit de personnes précises, en revanche, il est clair qu’il faut tenir compte de leur situation particulière, de celle des membres de leur famille, de leur état de santé, de leur situation économique et de tout le reste. Tout ceci pourrait être largement développé , mais j’espère que ces quelques lignes, relativement peu nombreuses, compte tenu de l’importance de l’enjeu, suffiront pour éclaircir mon opinion.


Votre seconde question portait sur la paix. Une paix véritable doit être basée sur la bonne volonté des deux parties. Or, je ne vois pas de raison justifiant que les voisins arabes de notre Terre Sainte acceptent le principe d’une paix véritable, ce qui inclut, de leur part, un renoncement définitif à plusieurs territoires qu’ils ont conquis il y a une vingtaine d’années, une reconnaissance du fait que le peuple d’Israël a tous les droits de résider en Erets Israël, sans être dépendant d’aucune autre cause. A l’opposé, l’absence de paix et la guerre n’ont que des avantages pour les arabes. Bien plus, ceux-ci peuvent, de la sorte, solliciter des subventions, de la part de différentes puissances, extérieures à la région. Ils suscitent ainsi une compétition entre ces puissances dans le but de déterminer laquelle est la plus importante pour les dirigeants de tel pays arabe. Ainsi, les aides, les subventions et les cadeaux s’en trouveront accrus. En revanche, tout cela disparaîtra si la tension décroît dans la région, si l’ordre est rétabli et que la vie prend son cours ordinaire.


J’ajouterai un autre point, qui est peut-être même encore plus important. Plusieurs puissances extérieures à la région, en particulier les plus grandes, ont, semble-t-il, intérêt à maintenir la tension en cet endroit, qui sera ainsi découpé entre plusieurs peuples, plusieurs régimes et plusieurs pays. Une telle situation ouvre la porte à l’influence et même à l’autorité d’une puissance ou d’une autre sur la région, en apportant de l’aide à l’une des parties. Il n’en serait pas de même si la paix régnait entre les peuples de la région, si tous collaboraient. Une puissance étrangère aurait alors moins de chance d’imposer son autorité et son influence s’en trouverait réduite.


Malgré tout cela, il est clair qu’un Juif et une Juive ne doivent pas désespérer de la paix, ce qu’à D.ieu ne plaise. En effet, l’existence du peuple d’Israël, en toutes les générations, y compris à l’heure actuelle, en notre Terre Sainte, est complètement surnaturelle. D’après, toutes les théories économiques et politiques, un petit peuple, aux moyens limités, n’avait aucune chance de subsister et surtout de se maintenir en sa situation actuelle, dans une région qui se trouve être le point de contact des intérêts de pays dominants, à la croisée des chemins entre plusieurs continents, plusieurs blocs particulièrement puissants, à l’échelle internationale.


Il est surprenant de constater que, tout au long de l’histoire, jusqu’aux périodes les plus reculées, la région d’Erets Israël a été un endroit de mouvement et de conflit entre les peuples et les régimes qui, en leur temps, ont régné sur le monde, l’Egypte, l’Assyrie, Babylone, la Grèce, Rome. Elle n’a pas connu la paix et la tranquillité, si ce n’est pendant quelques années, durant des périodes relativement courtes, en lesquelles le peuple des enfants d’Israël était fidèle à D.ieu et suivait Sa voie, celle de la Torah et des Mitsvot, par exemple à l’époque de David et de Chlomo.


Erets Israël est : “le pays vers lequel sont tournés les yeux de D.ieu, du début de l’année à la fin de l’année”(2). Il est donc certain que : “Il ne somnole pas et ne dort pas, le Protecteur d’Israël”(3). Comme cela a été le cas jusqu’à maintenant, Il continuera à protéger Son peuple, Israël, de tout malheur et de toute détresse. Plus se raffermira le fondement(4) de la pérennité du peuple d’Israël, “nation unique(4) sur la terre”(5), le mode de vie basé, au quotidien, sur les enseignements de la Torah, qui est une Torah unique(4) pour nous tous, donnée par le D.ieu unique(4), plus se renforcera la sécurité en notre Terre Sainte et s’accomplira la promesse selon laquelle : “Vous résiderez dans la sécurité sur votre terre. Je donnerai la paix dans le pays. Vous reposerez et nul ne vous effrayera”(6).


Là encore, une mission spécifique incombe aux jeunes, qui n’ont pas peur d’affronter la vérité telle qu’elle est, ne recherchent pas les compromis, sont en possession de toute leur force, n’ont pas honte des moqueurs ou de ce que diront les non-Juifs. Le rôle qui leur incombe consiste à être les pionniers, sortant devant le peuple des enfants d’Israël, en tout endroit où ils se trouvent, en Terre Sainte et à l’extérieur de celle-ci, poursuivant la voie de D.ieu, comme Il l’a enseignée dans Sa Torah, afin d’avancer dans la sûreté. Avec ma bénédiction de réussite pour avancer, d’une prouesse vers l’autre(1), sur la voie de la Torah, Torah de vie et des Mitsvot, desquelles il est dit : “On vivra par elles”(7),


Notes


(1) Tehilim 84, 8. Voir la conclusion des traités Bera’hot et Moéd Katan, de même que le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, Ora’h ‘Haïm, chapitre 155, au paragraphe 1.
(2) Ekev 11, 12.
(3) Tehilim 121, 4.
(4) Le Rabbi souligne les mots : “fondement”, “unique”, “unique” et “unique”.
(5) Chmouel 2, 7, 23.
(6) Be’houkotaï 26, 5 et versets suivants.
(7) A’hareï 18, 5.