[5702-5705(1)]
Je fais réponse à votre lettre, dans laquelle vous me relatez que l’une de vos connaissances, se trouvant dans un environnement non-juif, voyage pour se rendre, pendant le Chabbat, dans une ville où il y a des Juifs, afin de consommer, au moins pendant le saint Chabbat, de la viande cachère et de passer quelques heures en compagnie de nos frères, les enfants d’Israël. Vous me demandez si cet homme fait bien de transgresser le Chabbat afin de disposer d’un aliment cacher et de renforcer son attachement à un environnement juif.
Nos Sages, qui ont une connaissance profonde des hommes, bien que chacun d’eux ait une personnalité différente, énoncent les principes suivants : “ Ne soupèse pas les Mitsvot de la Torah ”(2) et “ Observe scrupuleusement une Mitsva légère, au même titre que celle qui est fondamentale ”, même si une Mitsva est ainsi définie comme “ légère ” et l’autre, comme “ fondamentale ”. Combien plus est-ce le cas pour votre ami, puisqu’il s’agit, en l’occurrence, de deux domaines particulièrement fondamentaux(3).
On sait, en effet, que celui qui consomme des aliments interdits encourt une terrible punition, dans le monde futur. En outre, ces aliments ont également une propriété dans ce monde, même si l’on ne peut pas toujours le justifier rationnellement. Ils obturent le cœur et le cerveau de celui qui les consomme. Dès lors, tout ce qui concerne la Torah et les Mitsvot devient étranger et lointain, grossier et fruste. Puis, du fait des caractères que l’on acquiert physiquement en les consommant, on est naturellement attiré par des actes interdits desquels on n’a jamais eu que faire et qui sont méprisables, d’un point de vue humain et éthique.
Quant à la grande importance de la sainteté du Chabbat, il est inutile de décrire longuement ce qui est clairement exprimé dans le Tana’h et dans les propos de nos Sages. Ce jour est un signe entre D.ieu et nous. En le respectant, on annonce et l’on proclame que l’Eternel a créé le monde et ce qu’il contient, qu’Il le fait exister, le dirige en tout temps et à tout moment, encore à l’heure actuelle. De ce fait, disent nos Sages, la transgression du Chabbat et l’idolâtrie sont, l’une et l’autre, considérées comme la remise en cause de toutes les Mitsvot de la Torah.
Une image permettra de comprendre l’attitude de votre ami. Quelqu’un qui a un terrible incendie dans sa maison, au point de mettre sa vie en danger “ éteint ” le feu avec de l’essence et du pétrole(4). Il faut donc lui ouvrir les yeux, lui décrire sa situation telle qu’elle est, de même que celle de l’ensemble du peuple juif, car tous endossent une responsabilité collective. La situation de nos frères, les enfants d’Israël, sur l’autre continent, est dramatique. Que D.ieu, dans Son immense miséricorde, mette un terme à nos épreuves, qu’Il ne permette pas que le mal se propage, ce qu’à D.ieu ne plaise. Mais, en tout état de cause, nous devons avoir conscience de notre devoir envers D.ieu, envers nous-mêmes, envers les membres de notre famille et envers tous les enfants d’Israël. Il nous faut maintenir fermement notre pratique de la Torah et des Mitsvot, surmonter tout obstacle, toute barrière qui se dresse devant cette pratique.
Il peut sembler à votre ami que le respect de telle ou de telle autre Mitsva est impossible, dans sa situation actuelle. Néanmoins, s’il médite à tout cela comme un homme qui s’approfondit sur ce qui est à la base de son existence, il est sûr qu’il trouvera un moyen et une façon de mettre en pratique la Mitsva, de préserver la pureté de son âme et de son corps, pendant les sept jours de la semaine, sans instaurer, d’une manière systématique, une transgression hebdomadaire du Chabbat. “ Une Mitsva en attire une autre ” et, de la sorte, il sera effectivement lié à son peuple, à sa foi et à sa Torah. En effet, “ la Torah, le Saint béni soit-Il et Israël ne font qu’un ”.
Notes
(1) 1942-1945. Cette lettre dit : “ La situation de nos frères, les enfants d’Israël, sur l’autre continent, est dramatique ”. On peut en déduire qu’elle a été écrite pendant la guerre mondiale.
(2) Pour déterminer laquelle est la plus importante.
(3) Le Chabbat et la Cacherout.
(4) Voir, à ce propos, la lettre n°3834.