Par la grâce de D.ieu,
10 Nissan 5717,
Brooklyn,
Au distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
aux multiples accomplissements et aux bons
comportements, le Rav Alexander Zisel(1),
Je vous salue et vous bénis,
Après une interruption particulièrement longue, j’ai reçu votre lettre de l’issue du Chabbat et j’y ai lu, avec plaisir, de quelle manière se passe le Chabbat, dans l’institution que vous dirigez. Des garçons et des filles le fréquentent et l’on prend donc, assurément toutes les précautions nécessaires, en la matière. Vous me dites qu’ils sont séparés pendant la prière. Il est bien clair que cela n’est pas suffisant.
J’en viens à ce qui fait l’objet de votre lettre. Vous me dites que vous établissez parfois le bilan moral de votre activité, consacrée à l’éducation des autres. En revanche, qu’en sera-t-il de votre propre personne, vous demandez-vous, de ce qui vous concerne, alors que “ un jour en poursuit un autre ” ?
Vous savez sans doute que cette question et cette déconvenue morale sont anciennes, qu’elles dérangent tous ceux qui se consacrent aux activités communautaires, en général et à celles qui concernent l’homme dans sa globalité, en particulier. Bien entendu, la réponse et la solution à cette question fondamentale ne sont pas les mêmes à chaque époque et pour chaque personne. Le temps de guerre n’est pas comparable à celui de la paix, le désordre à celui où tout va bien. Il est clair, en outre, que celui qui possède un don spécifique pour gérer les responsabilités communautaires n’est nullement comparable à celui qui les assume seulement par la force des choses.
Il faut donc raisonner en fonction de ces critères logiques et compréhensibles à celui qui médite, même sommairement, à la vision du monde qui est celle de notre Torah, Torah de vie, dont un grand principe est : “ Tu aimeras ton prochain comme toi-même ”. Et, “ quiconque préserve une âme juive est considéré comme s’il avait sauvé le monde entier ”.
Il est certain que notre génération est orpheline. Elle est aussi celle du talon du Machia’h, à la fin de l’exil, une proche préparation pour le début de la délivrance complète. Celle-ci sera effectivement complète, ce qui veut bien dire qu’aucun Juif ne restera en exil, l’exil au sens littéral, mais aussi dans sa portée morale. Pour cela, la participation de chacun est nécessaire, un effort doit être fait pour réunir les âmes juives, les rapprocher du Libérateur d’Israël, de D.ieu, Qui donne la Torah et les Mitsvot.
Nul n’est dispensé de cette mission, à laquelle on doit se consacrer au moins pendant un certain temps, chaque jour, chaque semaine, chaque mois. Plus un homme est doué pour cette activité, plus le temps qu’il y consacrera doit être important. Pour certains, cette mission est essentielle et toutes les autres actions ne font que la préparer. En d’autres termes, c’est la Mitsva qu’ils doivent respecter plus scrupuleusement, selon les termes d’Iguéret Ha Kodech, de l’Admour Hazaken, à la fin du chapitre 7 et du Séfer Ha Si’hot de l’été 5700, page 22 et dans les notes. Le reste de la Torah et des Mitsvot qu’ils accomplissent reçoivent l’élévation, du bas vers le haut, par l’intermédiaire de cette Mitsva, tout comme les révélations qu’ils obtiennent, du haut vers le bas, passent par elle.
Il est, toutefois, bien clair que pour réunir les étincelles et rapprocher les cœurs, il ne suffit pas de s’humecter soi-même. On doit le faire au point d’humecter les autres. Il appartient à chacun d’évaluer et d’attribuer à chaque jour, à chaque époque, le temps et l’ardeur nécessaires pour réaliser cet effort sur soi-même et en soi-même, y compris quand on recherche, presque en permanence, le bien de l’autre.
Pour ne pas se tromper dans cette évaluation, il faut se souvenir soigneusement du dicton(2) bien connu, que nous avons reçu de mon beau-père, le Rabbi, selon lequel, tout comme on ne doit pas sous-évaluer ces défauts, il ne faut pas non plus sous-évaluer ses qualités. Une autre fois, il dit que l’interdiction de la médisance ne s’applique pas uniquement envers les autres, mais aussi envers soi-même. Le Saint béni soit-Il ne demande qu’en fonction des forces qu’Il accorde et la Torah n’a pas été donnée aux anges. D.ieu veut que l’on assume cette mission et cela doit donc être possible.
Il ne faut donc pas s’affecter si, au début, on est confronté à des difficultés. Bien plus, parfois, on peut même trébucher. En effet, disent nos Sages, “ un homme acquiert les paroles de la Torah seulement après avoir achoppé sur elles ”. Et, il n’est pas d’enseignement plus clair que celui-là, puisqu’il est énoncé dans les lois relatives aux cas de danger.
Je formulerai tout cela, à la façon de l’Admour Hazaken, au chapitre 44 du Tanya.
Certes, qui peut prétendre atteindre même un millième du niveau qui fut celui du berger d’Israël(3) ? Pour autant, une infime partie se trouve bien chez chaque Juif, en particulier ceux qui s’investissent dans le domaine de l’éducation, au moins de manière potentielle et virtuelle. En conséquence, c’est l’occasion de méditer à l’enseignement du Baal Chem Tov que nous avons reçu de mon beau-père, le Rabbi, le Chabbat Parchat Béréchit 5697(4), à propos du verset : “ Lève-toi, ma lumière ”. En voici les termes, notés par l’un des présents : “ Les propos du Baal Chem Tov s’adressaient aux chefs d’Israël. Il leur dit : Vous, chefs d’Israël, qui enseignez la Torah aux Juifs et agissez pour le bien du plus grand nombre, qu’en est-il de vous-même ? La réponse est la suivante : Lève-toi, ma lumière, d’une lumière spécifique et générale à la fois, car ta lumière est venue ”. La fin de son enseignement ne nous est pas parvenu.
Certes, la fin de cet enseignement manque et l’explication n’est donc pas claire. La question posée, en revanche, l’est et il est bien évident que de telles personnes sacrifient leur étude de la Torah, leur service de D.ieu pour le bien des autres. Or, non seulement on admet leur comportement, mais, bien plus, on les bénit en leur promettant la lumière spécifique et générale à la fois.
Pour comprendre la profondeur de cette idée, il faudrait développer très largement cette analyse et, même en pareil cas, on ne parviendrait pas encore à l’intégralité. Néanmoins, nous faisons référence à l’action concrète et l’on sait quel critère s’applique à l’action, selon les termes du Rabbi Rachab, reproduits dans la Hayom Yom, à la date du 23 Sivan 5703 : “ Retiens bien ce principe et garde-le en permanence à l’esprit. Tout obstacle à ce qui est efficace ou utile pour le service de D.ieu, aussi élevé qu’il puisse être, n’est qu’un stratagème de l’âme animale ”.
Si vous voulez m’écouter, redoublez d’ardeur en votre mission pour l’éducation des enfants juifs, sur lesquels vous exercez votre influence, dans l’école et à l’extérieur de celle-ci. Observez la situation telle qu’elle est réellement et profondément. De chacun de ceux à qui vous vous consacrez, il est dit : “ Vous êtes des enfants pour l’Eternel votre D.ieu ”. Tout ce qui les rapproche de notre Père Qui se trouve dans les cieux, toute action en ce sens, est immuable et éternelle, là-haut. Elle procure une satisfaction sans limite. Néanmoins, pour que cette mission soit assumée de la manière qui convient, vous devez, avec votre famille, donner l’exemple à vos élèves de ce que vous leur enseignez, l’exemple d’un Juif et d’une Juive basant leur comportement sur notre sainte Torah et pénétrés du luminaire de la Torah, la ‘Hassidout.
Pour cela, il faut fixer, en son esprit et dans le temps, une étude de la ‘Hassidout, respecter ses usages et ses pratiques. Alors, à n’en pas douter, s’accomplira la promesse selon laquelle “ son cerveau et son cœur seront mille fois plus affinés ”. Et, différents textes soulignent que le chiffre mille, dans cette affirmation, n’est pas une exagération, ce qui veut dire qu’une heure d’étude vous sera aussi profitable, quantitativement et qualitativement, que mille heures. De la sorte, dans votre vie privée, vous connaîtrez effectivement l’élévation, d’une étape vers l’autre.
Bien entendu, tout cela n’est pas simple, mais pourquoi imaginer qu’un Juif doive rechercher la simplicité, en particulier à notre époque, alors que la Présence divine est en exil, l’obscurité est intense et profonde, tout conduit à l’épuisement ? Et, entre les lignes de cette lettre, est exprimé beaucoup plus que ce qui y est dit en toutes lettres. J’espère que ces explications seront suffisantes pour alimenter votre réflexion.
Puisse D.ieu faire que nous retenions, l’un et l’autre, la même interprétation de tout cela, parce que nous avons, l’un et l’autre, le même objectif, en l’occurrence la diffusion des sources de la ‘Hassidout, en sorte que la conquête soit de plus en plus large, qu’elle s’étende à tout notre peuple, les enfants d’Israël. Alors, “ l’un n’enseignera plus à l’autre et la terre s’emplira de connaissance de D.ieu ”.
Bien entendu, tout ceci ne contredit pas ce qu’il me semble vous avoir écrit plusieurs fois, à propos de l’aide que vous devez apporter à Kfar ‘Habad et à ce qui le concerne. Bien au contraire, cette démarche vous viendra en aide pour le faire, conformément à la promesse de la Michna selon laquelle “ une Mitsva en attire une autre ”.
A l’occasion de la fête des Matsot, temps de notre liberté, qui approche, pour nous et pour tout Israël, pour le bien, je vous adresse ma bénédiction pour une fête cachère et joyeuse, pour une liberté véritable, pour vous défaire des tracas matériels et spirituels, de tout ce qui empêche de servir D.ieu avec joie et enthousiasme, pour conserver cette liberté et cette joie tout au long de l’année. De fait, le service de D.ieu, comme nous l’ordonne notre Torah, Torah de vie, s’applique à tout ce qui concerne l’homme, pendant toute la durée de la journée et de la nuit, ainsi qu’il est dit : “ En toutes tes voies, reconnais-Le ”.
Avec ma bénédiction pour la fête et pour donner de bonnes nouvelles,
Notes
(1) Le Rav A. Z. Bunin, de Raanana. Voir à son sujet, la lettre n°4468.
(2) Voir, à ce sujet, les lettres n°46, 5422 et 5468.
(3) Moché, notre maître.
(4) 1936. Voir le Séfer Ha Si’hot 5697, page 207, note 7.