Par la grâce de D.ieu,
2 Adar Chéni 5717,
Brooklyn, New York,
A l’attention de monsieur Its’hak Korn(1),
Je vous salue et vous bénis,
J’ai bien reçu votre lettre du 23 Chevat, de même que celle qui la précédait et je vous en remercie. Vous m’excuserez pour le retard apporté à ma réponse. En effet, j’attends celle des habitants de Kfar ‘Habad, qui doit être formulée en fonction de la situation sur place.
Je réponds au contenu de votre lettre, en vous remerciant, au préalable, de l’intérêt que vous manifestez pour Kfar ‘Habad. Sans doute continuerez-vous à le faire, à l’avenir. J’ai bon espoir que ceci sera utile pour assurer le développement du Kfar, de la manière qui convient.
J’en viens aux questions que vous abordez :
A) A propos des prêts consentis aux membres agriculteurs, vous écrivez qu’il sera possible de faire en sorte que la responsabilité en incombe uniquement à ceux qui ont effectivement adopté cette occupation, à la condition que le conseil municipal du Kfar autorise différentes activités qui sont nécessaires au développement agricole.
Vous ne précisez pas de quelles activités il s’agit et il m’est donc difficile d’exprimer mon avis, à ce sujet. Néanmoins, s’il est possible que la responsabilité des prêts repose uniquement sur les agriculteurs, je suis sûr que le conseil municipal collaborera avec vous pour les contracter. Du reste, il y a des agriculteurs, au sein de ce comité. Quant à ceux qui ne sont pas agriculteurs, ils ne seront pas lésés. Il en résulte que l’un en profite sans que l’autre ne perde rien et, à terme, ce dernier en sera également bénéficiaire.
B) Concernant le moniteur(2), j’ai, malheureusement appris que celui-ci intervient non seulement auprès des agriculteurs, mais aussi dans les écoles, se trouvant sur place. Autre point très négatif, le concernant, il accorde et répartit plusieurs aides et subventions. Ceci lui confère le pouvoir d’imposer son avis à une partie des habitants du Kfar.
Vous savez à quel point on s’efforce de répartir les pouvoirs, afin qu’ils ne soient pas concentrés en un seul point. J’ai bon espoir que vous trouverez le moyen de faire répartir les aides par une autre personne que cet homme qui exprime son avis également dans d’autres domaines.
C) Certes, il est difficile de trouver un homme honnête au point d’exprimer son avis uniquement sur les questions qui relèvent de sa compétence, ne disant rien de tous les autres problèmes surgissant dans l’endroit où il se trouve, bien que ceux-ci le concernent également.
Du reste, il y aura toujours des personnes qui voudront se servir de son influence pour imposer leurs propres conceptions. Toutefois, dans la situation actuelle du Kfar, il me semble nécessaire que le moniteur se limite uniquement à l’activité agricole, sans intervenir pour tout ce qui s’écarte de ses fonctions.
Néanmoins, s’il est impossible de trouver une telle personne, je me demande vraiment si l’intérêt d’avoir un moniteur n’est pas contrebalancé par tous les inconvénients qui en résultent, d’autant que, parmi ces inconvénients, il y a également les désaccords se faisant jour entre les habitants du Kfar, dans lequel un élément extérieur intervient et impose sa solution du fait des subventions qu’il accorde, le conduisant à avoir de la mansuétude pour certains habitants du Kfar, plutôt que pour d’autres.
D) S’agissant de l’édification d’une institution centrale, qui achèterait, revendrait et stockerait la production agricole(3), on peut, bien entendu, envisager plusieurs catégories, plusieurs façons. Cette structure peut avoir des prérogatives très réduites ou, au contraire, très larges.
En tout état de cause, ceci présente, à mon avis, plusieurs inconvénients, en particulier le fait de réduire les initiatives personnelles que les habitants pourraient prendre. Il faut, en outre, prendre en compte également l’aspect psychologique de la situation, pour ce qui les concerne. En effet, ceux-ci viennent d’un pays(4) dans lequel ils ont beaucoup souffert d’institutions centralisées, qui ont pris leur vie en charge et les ont contraint à lutter en cachette.
Je suis convaincu que l’institution que vous proposez n’aura pas tous ces inconvénients. Malgré cela, on peut craindre la mauvaise impression qu’en auront plusieurs habitants du Kfar.
Peut-être ce projet peut-il être lié au magasin coopératif qui existe déjà au Kfar, auquel on s’est déjà habitué. De la sorte, on l’acceptera plus facilement et l’on ne craindra pas la contrainte et l’astreinte.
E) Il me semble que, dans notre discussion, lorsque vous m’avez rendu visite ici, j’ai exprimé mon espoir que le Kfar se développerait par l’apport de nouveaux habitants, et non seulement parmi les immigrants du pays dans lequel nous étions auparavant(4).
Ceci est une raison supplémentaire, faisant que, dans le cadre du Kfar, il ne doit pas y avoir de contrainte ou de trop grandes concentrations de pouvoir. De la sorte, on pourra offrir la possibilité au cercle le plus large de candidats de s’y installer. En effet, plusieurs de ces candidats seraient effrayés par une concentration de pouvoirs à laquelle ils ne sont pas habitués.
F) Il est bien évident, comme vous l’écrivez, que la situation de l’agriculture doit, non seulement se renforcer, mais aussi se développer, afin qu’il y ait de plus en plus d’agriculteurs. J’espère donc que la partie non agricole ne dérangera pas, bien plus qu’elle apportera son concours.
Au final, tous ont bien la même conception du monde. Ils ont vécu, ensemble, les mêmes difficultés et les mêmes malheurs, ce qui les a considérablement rapprochés. Pour autant, il est clair que l’on ne peut pas imposer à ceux qui ne sont pas agriculteurs certains renoncements au profit du développement agricole.
Je dois préciser que le programme du Kfar ne se limite pas à être une implantation agricole. On y développera également l’artisanat et ce sera, en outre, un centre culturel de ‘Habad, pour toute notre Terre Sainte. Pour cela, il faut avoir des institutions éducatives adaptées, des écoles professionnelles, des écoles pour les garçons et les filles. Vous les avez sûrement visitées, quand vous vous êtes rendus à Kfar ‘Habad.
J’exprime encore une fois mon espoir que, de votre côté, vous faites tout ce qui est en votre pouvoir pour développer Kfar ‘Habad, afin de satisfaire l’objectif de sa création, non seulement en lui permettant maintenant d’obtenir ces prêts, mais aussi en le faisant encore une fois à l’avenir, si cela s’avère nécessaire, comme nous en avons parlé ici, sans que cela modifie, même partiellement, la physionomie et l’aspect de Kfar ‘Habad(5).
Avec mes respects et ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles,
Notes
(1) Voir, à son sujet, la lettre n°4222.
(2) Des agriculteurs, nommé par l’état.
(3) Voir, à ce sujet, la lettre n°4837.
(4) La Russie.
(5) Les subventions ne lui seront pas accordées à la condition d’introduire des compromis avec la Hala’ha.