Par la grâce de D.ieu,
28 Mar ‘Hechvan 5717,
Brooklyn,
Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Menaché(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 24 Mar ‘Hechvan(2), dans laquelle vous faites preuve d’une grande profondeur et d’un sens de l’analyse. Cette lettre faisait suite à vos précédents courriers. Et, vous m’excuserez de vous dire que je ne sais qu’y répondre, car vous détaillez ce dont il n’était pas question dans les courriers précédents. Je préciserai maintenant mon propos, en trois paragraphes :
A) Concernant l’obligation(3) de nourrir ses enfants et la relation avec l’obligation de nourrir l’épouse.
Comme vous le dites dans cette lettre, la question qui se pose, à ce propos, est la suivante. Ceux qui considèrent que la Torah lui fait obligation de nourrir cette femme pensent que le mari lui-même est tenu, par la Torah, de nourrir son épouse, ce qui veut dire que, toujours d’après la Torah, le père doit nourrir ses enfants. Tel est sûrement l’avis du ‘Ho’hmat Chlomo.
On peut en déduire ce qui est, de toute façon, une évidence. Ceux qui parviennent, d’une autre façon, à la conclusion que le mari doit nourrir son épouse, ne doivent pas faire intervenir leur position, quant à l’obligation du père envers ses enfants, dans la discussion qui fait l’objet de notre propos.
Or, il s’agit, en l’occurrence, du Rambam, au chapitre 12 de ses lois du mariage, du Tour, du Séfer Mitsvot Gadol, qui reproduisent ses propos. Et, c’est d’eux que vous parlez dans votre lettre !
Notes : Ceci n’est pas lié à ce qui vient d’être dit. Vous faites beaucoup d’efforts pour démontrer que, d’après le Rambam, l’obligation de nourrir les enfants, même les plus petits, est instituée par les Sages, ce qui va totalement à l’encontre du sens simple de ses paroles, que vous reproduisez dans votre lettre.
Je ne sais pas pourquoi vous devez avancer une explication aussi difficile à accepter en affirmant que le Rambam et tous ceux que vous citez, quand ils font référence aux plus petits enfants, introduisent plusieurs nuances à propos de l’expression “ comme une décision des Sages ” et non “ par une décision des Sages ”.
Vous consulterez, à ce propos, les commentaires du Gaon de Vilna, qui s’interroge, mais ne précise pas le sens de son interrogation. Et, au début de cette explication, on cite des mots, “ comme… ”, signifiant, bien au contraire, que la nécessité de nourrir les enfants est instaurée par la Torah.
B) Je disais qu’un comportement que l’on constate dans la Torah n’est pas nécessairement une décision hala’hique. Peut-être ne s’agit-il que d’un récit. Bien entendu, il n’y a pas de différence, de ce point de vue, entre un récit rapporté dans les cinq livres de Moché ou bien dans les autres livres de la Torah.
Vous posez, à ce sujet, la question suivante. Différentes pratiques instaurées par nos Sages sont basées sur les versets de la Torah. Je ne comprends pas en quoi cette objection contredit mon affirmation, qui concernait la manière d’étudier la Torah, par exemple, ce qui fait effectivement l’objet de notre propos.
En effet, la Torah demande au maître d’assurer la subsistance de l’épouse(4). Ceci découle d’une coutume de la Torah, qui n’est nullement une obligation, celle que le mari nourrisse son épouse. A ce propos, je disais qu’il n’est pas du tout logique de faire une distinction, en définissant une autre règle qui s’appliquerait aux lois que l’on déduit de récits et de comportements mentionnés dans les autres livres de la Torah.
De plus, on peut penser qu’une telle pratique est une coutume et non une obligation. Bien entendu, on ne peut pas avancer que le devoir d’assurer la subsistance de la femme, incombant au mari, comme l’imposent les Sages, découle de l’obligation faite, au maître, par la Torah, de nourrir l’épouse de son serviteur.
En l’occurrence, il ne s’agit donc pas d’un simple appui du verset. Bien entendu, les lois des Sages n’apparaissent pas dans les cinq livres de la Torah et un appui d’un verset ne permet pas d’introduire une loi nouvelle. Il sert uniquement de rappel pour une loi déjà connue.
En la matière, il n’y a pas de différence entre un principe de la Torah, des Sages ou une Hala’ha transmise à Moché sur le mont Sinaï, si l’on s’appuie sur un verset. Vous consulterez les traités Pessa’him 96b, Kiddouchin 57b, avec le commentaire de Rachi, Erouvin 4b et d’autres références encore, qui sont citées dans l’Encyclopédie talmudique, à l’article “ appui ”.
C) J’ai dit que la prière pouvait ne pas être obligatoire et, malgré cela, devoir répondre à plusieurs principes de la Torah, afin qu’elle suscite l’amour et la crainte de D.ieu.
Vous objectez, à ce sujet, que l’amour et la crainte de D.ieu sont des obligations permanentes, ne se limitant pas à la prière. Là encore, je ne comprends pas le sens de cette question. Car, on ne se trouve pas en permanence devant D.ieu, ce qui est le cas, en revanche, pendant la prière. Ce qui est vrai de l’âme l’est également pour le lieu(5). Il n’est pas une obligation de s’y rendre et de voir(6), sauf, bien sûr, pendant les trois fêtes de pèlerinage(7). Pour autant, celui qui y va et voit, doit mettre en pratique les règles liées à la crainte du Temple.
Il en est de même pour la prière. Il existe de fortes Hala’hot, par exemple l’interdiction de prier faite à celui qui est ivre. On ne voit pas que ce principe soit instauré par la Torah(8), mais, pour autant, il est bien clair que l’on ne peut pas adopter un comportement qui irait à l’encontre de l’honneur de D.ieu, si l’on est ivre, que c’est l’heure de prier et qu’on désire le faire. Si l’on aboutit, de cette façon, à formuler ce qui serait une vexation ou une insulte, ce serait bien le contraire de la crainte de D.ieu, principe instauré par la Torah.
Il est un nombre incalculable d’actes permis qui, dans leur accomplissement, impliquent des obligations et des interdictions de la Torah, comme je viens de l’écrire à quelqu’un, dans un courrier. Ainsi, même d’après l’avis qui dit que le principe de l’enterrement ne découle pas de la Torah, il reste clair que l’interdiction d’enterrer l’impie à côté du Juste est introduite par la Torah.
Ce que vous dites du temps de la prière et de son rituel est indépendant de l’amour et de la crainte de D.ieu. En effet, tous les rituels ont un point commun. Ils proclament la louange de D.ieu.
Avec mes respects et ma bénédiction,
Notes
(1) Le Rav M. Klein, de Brooklyn. Voir, à son sujet, la lettre n°4826.
(2) Imprimé dans Nessieï ‘Habad Ou Bneï Doram, page 169.
(3) Du maître envers les enfants et l’épouse de son serviteur.
(4) De son serviteur.
(5) En l’occurrence celui du Temple.
(6) La révélation divine dans le Temple.
(7) Pessa’h, Chavouot et Soukkot.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ D’après la conclusion du Talmud, au traité Bera’hot 31b, on est alors considéré comme ayant servi les idoles. Le traité Erouvin 64a ajoute que sa prière est une abomination. On aurait pu dire qu’il y a là une Interdiction de la Torah, mais ce que dit le traité Bera’hot de l’homme ivre montre que ce n’est pas le cas. Vous consulterez le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, partie Ora’h ‘Haïm, fin du chapitre 185 ”.