Par la grâce de D.ieu,
7 Elloul 5716,
Brooklyn,
Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
aux multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),
Je vous salue et vous bénis,
Voici ce qui fait essentiellement l’objet de la présente. J’ai eu, hier, la visite du Rav Hollander(2). Il m’a dit, entre autres, qu’étant à Kiev, il s’est rendu, avec ses amis, chez le rabbin de la ville, le Rav Panitch. Quelqu’un y était présent qui s’est présenté comme le mari de la sœur de l’épouse, en premières noces, du Rav Zevin Chlita. Je ne possède aucun autre détail. Il semble qu’il s’agisse d’un vieil homme, devant avoir quatre vingt ans. Il a ajouté discrètement que, pendant la nuit, il éteint la lumière et écoute les émissions radiophoniques de Terre Sainte(3).
J’ai compris que le Rav Hollander ne vous avait pas encore prévenu de tout cela. Il est très occupé et je me demande même s’il le fera. C’est la raison pour laquelle je vous adresse ces quelques lignes.
Vous avez sûrement reçu mes télégrammes. J’y ajouterai ce que m’a dit le Rav Valgelernter. Lui-même s’adressera, peut-être même par télégramme, aux grands rabbins, à propos de la question des bateaux(4), en général, de celui-ci qui doit voyager le 22/8, en particulier.
A l’issue d’une longue discussion que nous avons eue à ce sujet, il(5) n’a pas été capable de me donner une seule raison, même la plus faible, en la matière. J’ai, pourtant, cité, dans notre discussion, ce que disent les journaux de Terre Sainte sur la prétendue “ situation de force majeure ”. En effet, “ si les dépenses augmentent, il y aura de moins en moins de voyageurs et, à terme, ces voyages disparaîtront complètement ”.
De même, on m’a cité hier une curieuse explication : “ Si le bateau s’immobilise, pendant un jour ou deux, au milieu de son voyage, les frais de sécurité qui en découleront seront très élevés. Les prix augmenteront et il y aura moins de voyageurs ”. Il est, bien entendu, risible d’envisager qu’il en soit ainsi.
A ce propos, on peut vérifier à quel point il est exact de dire que “ à force de vouloir approfondir ta compréhension(6)… ”. En effet, la volonté dénature la compréhension, parfois même de manière effroyable. Quelqu’un, ici, veut donner une autorisation(7) et ne trouve aucune raison logique, permettant de le faire. Il justifie donc sa position en avançant le raisonnement typique suivant, que connaissent ceux qui fréquentent la Yechiva et qui est formulé avec un profond sérieux :
“ Si l’on prétend que ce voyage est interdit parce que le bateau pourrait s’arrêter dans un port, pourquoi les derniers Sages discutent-ils de la possibilité de voyager quand les marins sont juifs ? Il faut bien en conclure que ce voyage est permis ”.
Bien évidemment, il a aussitôt ajouté que, d’après ce “ raisonnement ”, les propriétaires des bateaux ont le droit de les faire voyager pendant le Chabbat. En effet, les premiers et les derniers Sages traitant de cette question, d’un bateau appartenant à des Juifs, ne précisent pas que ces propriétaires s’écartent de la pratique juive.
En fait, je n’aurais même pas fait mention de tout cela si je ne craignais qu’en Terre Sainte, on se serve de tous ces arguments, bien plus, on mette en avant la situation de force majeure, l’éventuelle disparition de ces bateaux, dans quelques années, comme on l’a dit.
J’expliquerai également le contenu du télégramme. D’après la description de la situation, en fonction d’informations que j’ai obtenues d’une manière officieuse, il est bien clair que s’il n’y avait pas de pressions exercées par le rabbinat et les voyageurs, la direction de Zim n’accepterait pas l’interdiction(8). De plus, on a dernièrement introduit un nouvel argument, selon lequel “ ces voyages sont un fait accompli, depuis des années déjà ”.
A l’inverse, si le rabbinat et les groupes de voyageurs réclament avec fermeté, en disant que s’ils n’obtiennent pas gain de cause, ils n’emprunteront plus ces bateaux, il est certain que la direction de Zim recherchera un arrangement, au moins pour quelques bateaux.
C’est pour cela que j’ai souligné, dans mon télégramme, que, même s’il était possible de trouver une permission pour les voyageurs, à condition de ne pas boire l’eau douce qui se trouve à bord, de ne pas l’utiliser pour se laver, de renoncer au confort, autant de conditions que, bien entendu, la plupart ne respecterait pas, une telle autorisation serait, de fait, supprimée par l’interdiction faite aux propriétaires des bateaux(9).
De plus, j’ai appris, à ma grande surprise, par le Rav Valgelernter, que l’on recherche quelqu’un, possédant peut être des notions de mécanique, qui inspecterait le bateau pendant qu’il est en marche, afin de voir comment il est dirigé et comment fonctionnent les machines. Bien évidemment, des difficultés surgissent et j’en suis profondément surpris. Mais, pour l’heure, personne n’a demandé le journal de bord des dernières semaines, qui recense les actions et les travaux menés sur le bateau, d’une manière claire et détaillée. J’ai fait valoir que c’était la vérification la plus aisée et il n’a pas pu me répondre.
A ce propos, les jeunes émissaires(10), auxquels D.ieu accordera longue vie ont rapporté ici que le Rav Franck s’était plaint, en leur présence, de ne pas connaître le contenu de mes lettres. Néanmoins, d’après ce qu’il en a entendu, il serait du même avis. Ceci m’a conduit à demander, par télégramme, qu’on lui montre mes lettres.
Pour l’instant, je conserve ici l’analyse, faite pour les journaux, du problème des bateaux. On a imprimé ici uniquement ce qui a été rédigé en Terre Sainte. Néanmoins, si cette situation perdure, je crains que toute l’affaire soit diffusée auprès du large public. C’est une raison de plus établissant la nécessité de régler cette situation au plus vite.
Il faut également apprendre une leçon de tout cela. Le verset dit : “ Ah, ils tirent la faute par des cordes futiles ”. Au début, les bateaux partaient d’ici quelques jours avant le Chabbat. Puis, l’on a vraisemblablement vu que tout allait bien et que tout était calme. On a donc commencé à les faire partir également à la veille du Chabbat.
Bien évidemment, ils ne partent pas exactement au lever du jour, ce qui est, du reste, impossible, car plusieurs démarches administratives sont nécessaires avant qu’un bateau quitte le port. Or, les bureaux maintiennent leurs heures de fermeture, si ce n’est dans des cas très exceptionnels. Ils ne font pas d’heures supplémentaires et ne commencent pas leur journée plus tôt. En général, les bateaux partent donc vers midi et parfois même plus tard.
Cela s’est également bien passé, sans réaction. Un fait nouveau a donc été introduit, cette année. D’après le programme, un bateau part d’ici à la veille de Yom Kippour. Et, entre parenthèses, en fonction de ce qui vient d’être dit, tous les marins savent qu’en plus des démarches administratives, il faut aussi, pour quitter les ports importants, ayant une grande activité, que les paquebots soient remorqués jusqu’au large. C’est ensuite seulement que les manœuvres commencent, à proprement parler, sur le bateau, que ses machines se mettent en marche, alors que la remorque rentre au port. Cela aussi prend beaucoup de temps et, parfois même, plusieurs heures.
En plus de cela, quand les passagers embarquent, plusieurs heures sont également nécessaires, en particulier pour mettre à jour les listes, les carnets, les reçus relatifs à tout ce qui a été mis en dépôt, les modifications, d’une cabine à l’autre, par rapport à ce qui est inscrit dans les livres de bord. De façon générale, ces travaux durent de nombreuses heures. Bien évidemment, si le voyage commence dans l’après-midi, à la veille du Chabbat, ils s’achèvent longtemps après le coucher du soleil et l’apparition des étoiles.
Mais, pour ma part, je pense que toutes ces précisions sont inutiles, puisqu’il y a là un point bien plus grave(11). Mon but(12) est uniquement de vous montrer à quel point les propriétaires des bateaux et tous ceux qui ont voyagé à la veille du Chabbat abusent l’opinion publique. En effet, il est impossible qu’ils ne sachent pas tout cela, puisqu’ils l’ont eux-mêmes vécu. Malgré cela, ils affirment, haut et fort, que l’on n’effectue aucun travail, qu’il n’y a pas le moindre risque d’interdiction, en la matière. Or, c’est précisément leurs paroles qui sont entendues.
Le Rav Hanzin(13) m’a demandé, y compris en votre nom, s’il fallait reproduire ou photocopier mes lettres et les adresser à différents Rabbanim de Terre Sainte. Intrinsèquement, il est très judicieux qu’eux-mêmes(14) sachent comment fonctionnent ces bateaux. Il semble, en effet, que l’on ne connaisse rien de tout cela. Néanmoins, faut-il les envoyer par la poste ? Pour différentes raisons, on peut craindre des réactions négatives.
A mon sens, il serait donc plus facile de trouver un ‘Hassid, en chaque endroit où se trouvent des membres du grand rabbinat, qui prenne l’initiative de leur rendre une visite personnelle et, au cours de celle-ci, de leur montrer mes lettres ou bien de leur en laisser une copie. On expliquera à ce ‘Hassid les réponses qu’il devra donner aux questions qu’on pourra lui poser.
S’il est exact, comme je l’ai déduit des propos du Rav Valgelernter, qu’il faille convaincre tous les membres du rabbinat, il faut, avant tout, voir comment l’on peut mettre tout cela concrètement en pratique. Il est clair que, s’il en résulte des dépenses, par exemple pour les photocopies, je serais heureux de les prendre en charge. Bien évidemment, vous pouvez, en mon nom, engager à l’action tous les ‘Hassidim qui peuvent agir, en la matière. Néanmoins, il faut se demander s’il est bon de faire une grande publicité de tout cela.
J’espère que vous avez parlé, de la manière qui convient, avec monsieur Chazar(15), des dépenses occasionnées par le voyage des émissaires, auxquels D.ieu accordera longue vie. Bien entendu, il n’est p as bon que ceci devienne une dette en souffrance. Pour lui-même, il est sans doute plus aisé d’accorder une subvention de sa caisse, peu de temps après leur visite, plutôt que de nombreuses semaines après celle-ci.
Je ne connais pas encore, avec précision, le coût de ce voyage et des frais de séjour en Terre Sainte. Il semble, néanmoins, que le montant en soit supérieur à ce que je pensais. Puisse D.ieu faire que l’apport de leur visite justifie cette dépense, même si l’on tient compte de la limite des possibilités financières, bien plus qu’il lui soit largement supérieur.
Je vous joins les dernières parutions. Sans doute en mettrez-vous le contenu à la disposition du plus grand nombre. Le mérite de tous dépend de vous.
En vous remerciant et avec ma bénédiction afin que vous soyez inscrit et scellé pour une bonne année,
M. Schneerson,
Je viens d’avoir connaissance d’une curieuse rumeur, selon laquelle un Rav a exclu de sa Yechiva deux jeunes gens parce qu’ils étudiaient la ‘Hassidout. Cette nouvelle est-elle fondée ?
Je viens d’apprendre que, ces prochains mois, à partir de Tichri, et bien que les journées raccourcissent, on a décidé que tous les bateaux israéliens partiraient d’ici à la veille du Chabbat.
Notes
(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin, de Jérusalem. Voir, à son sujet, la lettre n°4310.
(2) Voir, à son sujet, les lettres n°4310 et 4414.
(3) Dont certaines sont animées par le Rav Zevin.
(4) Israéliens voyageant le Chabbat. Voir, à ce sujet, la lettre n°4555.
(5) Le Rav Valgelernter qui défend le voyage de ces bateaux pendant le Chabbat.
(6) Tu t’es trompé.
(7) Ces voyages.
(8) De tels voyages.
(9) De les faire voyager pendant le Chabbat, ce qui a pour conséquence d’interdire aux voyageurs de profiter de la profanation du Chabbat, de la part de ces propriétaires.
(10) Envoyés par le Rabbi en Terre Sainte, à la suite de l’attentat perpétré à Kfar ‘Habad. Voir, à ce sujet, l’avant-propos et la lettre n°4546.
(11) La profanation du Chabbat que constitue un tel voyage, indépendamment de tout ce qui vient d’être cité.
(12) En mentionnant ces précisions.
(13) Le Rav David Hanzin, de Peta’h Tikva.
(14) Ces Rabbanim.
(15) Voir, à ce sujet, la lettre n°4310.