Lettre n° 4617

Par la grâce de D.ieu,
10 Mena’hem Av 5716,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
aux multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu le septième volume de l’Encyclopédie talmudique. Comme c’était le cas pour les précédents, celui-ci ne “ conclut pas le Hallel ”(2), du fait des nombreux points qui sont mentionnés dans chaque article et de leur agencement harmonieux. Autre point, tout aussi essentiel, on peut trouver, dans pratiquement chaque article, des idées nouvelles, y compris pour ceux qui se consacrent à ces sujets. Le seul problème est la longue période qui s’écoule entre la parution de chaque volume.

Il est certain qu’il ne faut pas tenir compte des dépenses et que l’on peut faire en sorte que vous-même vous consacriez uniquement à ce que nul autre ne peut faire, c’est-à-dire que vous soyez libéré de tout l’aspect technique.

On conseille l’empressement à ceux qui possèdent naturellement cette qualité et il est donc important que ces volumes paraissent plus souvent, comme je l’ai dit au Rav Hutner, quand il m’a rendu visite. En effet, les livres classés par ordre alphabétique ont une caractéristique particulière. Tant que le volume relatif au Tav n’est pas paru, on considère que celui du Aleph n’est pas complet.

Un billet du Rav Hutner est joint à ce volume et sans doute celui-ci reprend-il ce que vous avez vous-même écrit et c’est ce qui a été envoyé.

Je suis conduit à revenir encore une fois sur ce qui est douloureux et pénible, le problème des bateaux(3), pour mentionner deux points, l’un réjouissant, l’autre allant à l’encontre de ce sentiment.

A) La classe du Bneï Akiva qui devrait se rendre en Erets Israël a fait savoir qu’elle n’emprunterait pas, pour cela, un bateau israélien se déplaçant pendant le Chabbat.

Et, cette classe a fait connaître officiellement la raison pour laquelle elle a adopté cette position. Elle a écrit, sans ambiguïté, qu’un tel voyage est une profanation du Chabbat, d’après la Torah, basé sur la pratique en vigueur dans ces bateaux.

En outre, la classe a demandé qu’on lui réponde officiellement pour lui dire s’il existait un moyen d’organiser ce voyage sans cela(4).

B) Je viens de recevoir une coupure du Yediot A’haronot(5), semble-t-il du 2 Mena’hem Av. Il s’agit d’un article de Yermyahou Halpern, dont le titre est : “ Les représentants de Shoam(6) négocient avec les grands rabbins ”. Le compte-rendu de cette négociation est effroyable et je n’en reproduirai pas les termes car vous lirez vous-même cet article. Je voudrais seulement ajouter un point que Halpern a, semble-t-il, passé sous silence et il est difficile de savoir pourquoi il l’a fait, car, en tout état de cause, cela se saura. Mais, peut-être le compte-rendu ne correspond-il pas à la réalité et cette négociation s’est-elle, en réalité, passée d’une manière totalement différente.

Le point que je veux ajouter est le suivant. Il est clair que la discussion ne porte pas sur la flotte commerciale car, pour notre honte et face à toutes les nations, les bateaux commerciaux ne posent même pas la question(7) et, entre nous, on peut réellement se demander s’ils respecteraient une instruction qui leur serait donnée, en la matière. Il s’agit donc bien, en l’occurrence, de bateaux de passagers, ne transportant des marchandises qu’à titre accessoire. Bien plus, une grande partie de ces marchandises sont, en fait, les bagages des voyageurs, car il est clair que l’on ne peut pas faire payer, pour les marchandises, aussi cher que pour les passagers. On évite donc les premières et on ne les accepte qu’à un certain prix. Cela est bien connu.

Un argument surprenant est donc avancé. Il faudrait permettre, maintenant, une profanation du Chabbat d’après la Torah parce qu’à terme, ces paquebots pourraient devenir des bateaux de guerre. Cela serait risible, si le sujet n’était pas si douloureux.

De même, on propose de ne plus envoyer de marchandises par ces bateaux. Concrètement, il n’en est pas ainsi, car, pour la plupart, les passagers des paquebots israéliens, par exemple ceux de la compagnie Zim et les marchandises commerciales qu’ils transportent pourraient emprunter d’autres bateaux, plus confortables. C’est uniquement par amour d’Israël que ceux-ci sont préférés, même au prix d’un confort moins grand et d’un coût supérieur.

Bien évidemment, toute affirmation doit être démontrée, prouvée, étayée. Aussi, si l’on pénètre dans un bureau de vente des billets de ces bateaux et que l’on demande les conditions qui existent dans ces bateaux et dans les autres, on pourra vérifier ce qui vient d’être dit, à condition, bien entendu, que ce bureau donne des informations conformes à la réalité.

Vous faites référence, dans votre compte-rendu, à l’automatisation. Dans mes deux lettres, je vous ai déjà écrit ce que j’en savais. Et, j’ai expliqué que, malgré cela, quelqu’un ne craint pas de dire que la conduite(8) peut être automatique. Ceci peut être assimilé à une tromperie, car s’il est vrai que le bateau est conduit automatiquement, on doit néanmoins, de temps à autre, effectuer des réglages et, bien souvent, les modifier plusieurs fois, pendant les vingt quatre heures(9).

Bien plus, il existe un usage international selon lequel, lors de la relève des équipes assurant le fonctionnement des machines, toutes les quatre heures, c’est-à-dire six fois en vingt quatre heures, le mécanicien de la nouvelle équipe doit vérifier toutes les machines en fonctionnement, en particulier celles qui dirigent le bateau et celles qui les contrôlent. Pour effectuer cette vérification, on doit actionner les roues et les manettes afin de constater que tout est en état de marche. Il en est de même pour le contrôle de la cuve d’eau, d’huile ou d’essence, des chaudières, de l’arrivée d’air dans ces chaudières. Cette vérification a pour effet d’augmenter ou de diminuer la chaleur, l’huile ou l’essence, c’est-à-dire d’éteindre ou d’allumer du feu.

J’ajouterai un autre point. On m’a demandé ici pourquoi cette question est posée précisément maintenant, alors que ces bateaux existent depuis plusieurs années déjà. J’ai répondu que cette question ne s’adressait pas à moi, mais au grand rabbinat ou bien aux rabbins qui, ici, se consacrent à ces sujets-là. En tout état de cause, cette objection ne change rien à la question qui est posée et à la décision qui doit être prise. Quelle que soit la raison pour laquelle la question a été posée seulement maintenant, la Torah et les Mitsvot n’en sont pas moins éternelles et elles ont, à l’heure actuelle, la même valeur qu’il y a quelques années.

De même, on m’a demandé pourquoi je suis intervenu, en la matière, précisément maintenant. J’ai répondu en décrivant la réalité. Il y a quelques semaines, on s’est adressé à moi et l’on m’a demandé une bénédiction, à l’occasion d’un départ pour s’installer en Erets Israël. On m’a également interrogé sur la manière d’effectuer ce voyage. Bien entendu, ma réponse a été conforme au Choul’han Arou’h, selon lequel il est une interdiction tranchée de voyager par ces bateaux et une interdiction encore plus claire, basée sur la Torah, de les faire fonctionner pendant le Chabbat. Il est clair que la première interdiction concerne les voyageurs et la seconde, les propriétaires du bateau, comme je l’ai longuement précisé dans mes deux lettres aux grands rabbins.

Cette réponse a été diffusée à plusieurs groupes de voyageurs et l’on ma demandé pourquoi je n’avais pas fait part de mon avis au grand rabbinat, puisque celui-ci autorise de tels voyages. Je me suis donc adressé au grand rabbinat, afin de clarifier tout cela.

D’après ce que j’observe maintenant, et vous m’excuserez de le dire, la position adoptée jusqu’à ce jour(10) s’explique par un manque de connaissance de l’aspect technique de la situation.

Un autre point, tout aussi essentiel, doit être ajouté. Mon propos n’est pas de prédire l’avenir, mais, compte tenu de la situation qui prévaut ici, si les grands rabbins émettent une interdiction certaine, on pourra organiser le voyage de ces bateaux, à partir d’ici, en sorte qu’au moins quelques uns d’entre eux se déplacent d’une manière permise par le Choul’han Arou’h, c’est-à-dire en faisant escale dans un port pour le Chabbat. Si j’en avais la possibilité, je dirais même qu’il s’agit là d’une certitude à cent pour cent, à la condition que cette position ne soit pas présentée comme une action destinée à vaincre les partis de gauche, en Terre Sainte.

La décision hala’hique des grands rabbins ne doit laisser la place à aucune prétendue permission, comme celle figurant dans le compte-rendu de l’article précédemment cité, selon lequel on peut permettre ce voyage à la condition que Shoam prenne l’engagement écrit qu’un non Juif rallumera les chaudières, si celles-ci s’éteignent pendant le Chabbat. On peut penser que nul ne sera gêné du fait de prendre un tel engagement. Bien entendu, rien ne sera arrangé, même si cet engagement est tenu, comme je l’ai longuement montré dans mes courriers précédents. En effet, même si les chaudières ne s’éteignent pas, il y a des dizaines de travaux interdits par la Torah qui sont effectués dans un bateau et pour lesquels un spécialiste est nécessaire.

Vous faites référence, à la fin, à la réponse pouvant être apportée à une autre question que l’on m’a posée. Ai-je réellement bon espoir que l’on prononcera une telle interdiction ? De façon générale, je ne suis pas réellement optimiste, en particulier pour ce qui concerne les domaines d’intervention des partis, en Terre Sainte, surtout des partis religieux. Malgré cela, je suis convaincu qu’en l’occurrence, on connaîtra la réussite sans difficulté. On obtiendra qu’au moins quelques bateaux voyagent d’une manière permise.

Ici, les tenants des partis de gauche disent eux-mêmes que, si le grand rabbinat avait émis une interdiction, en la matière, une autre organisation aurait été adoptée. Certes, on peut les suspecter de ne pas tenir parole. Néanmoins, tout cela a été dit sous la pression de l’opinion publique orthodoxe, ici. Il pourrait donc en être ainsi, au moins pour quelques bateaux.

Je n’ai pas écrit tout cela directement au grand rabbinat, car le compte-rendu de ce journal est si effroyable que, pour l’heure, je ne veux pas croire qu’il(11) ait pu penser à accorder une telle permission, selon les conditions qui y sont énoncées.

Si toutefois cela est vrai, ce qu’à D.ieu ne plaise, il me sera, certes, difficile de vous déranger encore une fois(12), pour un sujet qui n’est pas très “ populaire ”. Toutefois, en fonction de ce que l’on constate ici, il est clair que si une interdiction claire est émise et que l’on aménage le voyage d’au moins un bateau, il en résultera une immense sanctification du Nom de D.ieu. Et, l’on peut, bien sûr, en déduire l’inverse, dans le cas contraire.

Sans exagérer, on sauvera ainsi de nombreux Juifs d’une transgression publique du Chabbat. Il suffit, pour cela, d’émettre une interdiction conforme au Choul’han Arou’h. Je vous envoie donc cette lettre en express et vous trouverez sûrement l’occasion de faire avancer les choses, pendant qu’il en est encore temps. Le mérite de tous dépend de vous.

A ce propos, il convient de noter le point suivant. La ruse est si importante, dans ce domaine, qu’une question nouvelle a été posée ici(13). Y a-t-il un port, sur le chemin d’ici à l’Europe, dans lequel un bateau pourrait être amarré pour la journée ?

Comme je l’ai déjà écrit, il y en a plusieurs. Je n’en citerai que deux, en précisant qu’il y a, entre New York et le Portugal, vers l’est, environ trois mille deux cents miles. En s’écartant légèrement de l’itinéraire habituel de ces bateaux, on passe par les îles des Bermudes, dont le port principal est Hamilton, à sept cent miles de New York. De même, à huit cent miles à l’ouest du Portugal, il y a les îles des Açores, où il y a le port de Ponta Delgado. Entre ces deux ports, la distance est environ la moitié de celle qui sépare New York du Portugal. Tous s’accordent pour dire que l’on peut parcourir une telle distance en moins de six jours.

Avec ma bénédiction et dans l’attente de vos bonnes nouvelles,

Notes

(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin, de Jérusalem. Voir, à son sujet, la lettre n°4310.
(2) Il est difficile d’en achever l’étude.
(3) Voir, à ce sujet, la lettre n°4555.
(4) Sans qu’il se déroule également le Chabbat.
(5) Voir, à ce sujet, la lettre n°4634.
(6) Vraisemblablement un organisme assurant la gestion de ces bateaux.
(7) Du respect du Chabbat.
(8) Du bateau, pendant le Chabbat.
(9) En l’occurrence du Chabbat.
(10) Par le grand rabbinat d’Israël.
(11) Le grand rabbinat.
(12) Afin d’intervenir auprès des grands rabbins d’Israël pour leur expliquer tout cela.
(13) En Amérique.