Lettre n° 4556

Par la grâce de D.ieu,
23 Tamouz 5716,
Brooklyn,

Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
se consacre aux besoins communautaires, a de
multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre de l’issue du Chabbat, de même que celle qui la précédait. Vous dites que vous avez été surpris par les télégrammes que j’ai envoyés(2). Je suis étonné de votre surprise. Vous savez sûrement que la question a été posée au rabbinat central, en express, par monsieur Shargaï(3), de Paris. En tout cas, c’est l’information qui est parvenue ici.

La raison de l’urgence est expliquée dans la copie de ma lettre aux grands rabbins(4), que je vous joins. Si ce n’est pas trop vous demander, vous voudrez bien lire cette copie, avec l’attention qui convient. Vous aurez sûrement l’occasion d’en parler avec les grands rabbins.

Concernant le point qui est évoqué dans votre lettre, c’est précisément par respect que j’ai contenu les mots et, a fortiori, les expressions. J’ai conscience que le surveillant rituel fait partie du voyage dans le but de le représenter(5) et ceci se sait, malheureusement, à l’extérieur. Il n’est pas une meilleure façon de donner une permission à cette pratique.

Ici, plusieurs Juifs naïfs se trompent et je n’ai pas de mots pour l’expliquer. A mon avis, il y a là une interdiction claire, sans l’ombre d’un doute. Bien plus, comme je l’ai dit dans cette lettre, la question elle-même porte sur les propriétaires du bateau, qui transgressent un interdit de la Torah. Il est difficile d’en dire plus, tant cela fait souffrir.

Vous demandez à quoi servira cette interdiction. Néanmoins, celle-ci est justifiée, même pour un seul Juif et, en l’occurrence, je suis certain que des centaines, des milliers de Juifs se préserveront de tout cela, si la décision du rabbinat central est exprimée d’une manière suffisamment claire. Bien plus, le représentant local de la Zim(6) a déclaré clairement qu’un voyage dans les bateaux, de cette façon, pendant le Chabbat ne pose, selon lui, aucun problème. En effet, il y en a chaque semaine et nul ne cherche à l’empêcher. S’il savait que le rabbinat central l’interdit, il aurait chercher à arranger les choses.

Le principe selon lequel “ il est préférable d’agir par inadvertance(7) ” s’applique uniquement aux préceptes de nos Sages(8) et lorsque nul ne pose des questions, à ce sujet. Ce n’est pas le cas, en l’occurrence. Pour un interdit de la Torah, ce principe ne s’applique pas. Bien plus, comme je le dis dans ma lettre, une partie, au moins, de ces bateaux pourrait organiser les voyages de la manière qui convient. Pour obtenir ce résultat, il est clair que la démarche est justifiée.

Vous faites remarquer qu’ils n’ont pas à accepter l’autorité(9). J’ai été prudent, dans toute la matière du possible, en rédigeant mon télégramme, afin que celui-ci ne puisse être interprété comme une marque d’autorité. J’ai mis en avant uniquement l’aspect technique des choses, car sans doute ne connaissent-ils(10) pas tout cela(11), puisqu’ils ne s’en sont jamais occupé. S’ils consultent des spécialistes, comme vous le dites dans votre lettre, j’ai peur que ceci ne parvienne ici de la façon dont les rumeurs se répandent. Ainsi, quelqu’un porta témoignage que des ‘Hassidim avaient dansé avec une femme, le jour de Tichea Be Av. Il avait uniquement omis de préciser que ce 9 Av était un Chabbat, que l’un des ‘Hassidim venait d’avoir une fille et que la ‘femme’ avec laquelle ils avaient dansé était, en fait, un bébé de quelques jours, posé sur un plateau.

Or, il en est bien ainsi, en l’occurrence. On prétend posséder un document d’un mécanicien, attestant que les machines sont automatiques. Comme je l’ai dit dans ma lettre, même si cela est difficile à croire, les partis, ici, font le plus grand cas de tout cela et précisément ceux qui se réclament de la religion, même s’il n’y a, en apparence, aucun rapport entre l’adhésion à un parti et une décision hala’hique. L’un des dirigeants du parti est précisément celui qui tranche la Hala’ha et l’on rapporte la teneur de sa décision. En l’occurrence, il n’a pas su interpréter le Choul’han Arou’h et il ne connaît pas la mécanique. Néanmoins, l’effronterie peut être payante face au ciel et, a fortiori, face à la terre et aux Etats-Unis.

Vous dites que, selon telle personne, il est important qu’un bateau se déplace pendant le Chabbat, qu’il ne peut pas s’immobiliser en pleine mer. Il y a là une méconnaissance totale de la mécanique, qui fera rire quiconque l’entendra.

Vous avancez également que rien ne ressort de tout cela. L’amère expérience des avions d’El Al partant d’ici nous a appris que l’un décolle dans la semaine et l’autre…(12). On peut se demander pourquoi il ne pourrait pas en être de même pour les bateaux(13).

Je vous remercie beaucoup de m’avoir fait part de vos réserves, sur l’envoi de ces télégrammes(14). Sans doute continuerez-vous à le faire, à l’avenir. J’ai écrit à plusieurs personnes que je préfère recevoir les nouvelles sans fard, plutôt que des informations falsifiées, même pour leur donner une apparence positive. Bien plus, au final, les nouvelles parviennent, généralement exagérées.

Pour dire vrai, je n’avais pas l’intention, dans un premier temps, d’écrire aux grands rabbins, à ce sujet, car, de deux choses l’une, ou bien ils veulent trancher la Hala’ha après une enquête minutieuse, auquel cas il est inutile de leur signifier cette interdiction, ou bien il n’en est pas ainsi et ma lettre est donc inutile ou peut même être interprétée comme une ingérence dans la compétence du Rav(15). C’est, en fait, votre courrier qui m’a conduit à rédiger cette lettre. A l’avenir, vous voudrez bien me dire comment la situation évolue. Je vous en remercie d’avance.

Je vous sais gré, en particulier, de poursuivre la négociation avec notre ami(16), à propos du voyage des élèves(17). Je vous joins une copie de la lettre que je lui adresse(18). Les élèves sont déjà en route. D’après le programme, ils parviendront en Terre Sainte au début de Mena’hem Av. Puisse D.ieu faire qu’ils connaissent la réussite, en particulier dans le domaine essentiel, la diffusion des sources(19) à l’extérieur.

Bien évidemment, leur voyage a été organisé en sorte qu’en tout endroit, ils voyagent par El Al, conformément à l’explication que donnent nos Sages, à propos du verset “ Achète auprès de ton ami ”.

Dans l’attente de vos bonnes nouvelles, qui seront détaillées, je conclus en vous adressant ma bénédiction.

M. Schneerson,

N. B. : J’ai eu connaissance de “ l’incident ”, selon le terme qui a été employé, survenu lors de la fête de la libération(20), à Jérusalem. Comme je l’ai dit, je ne sais pas s’il s’agit d’une déformation ou d’une exagération. A l’occasion, vous me préciserez tout cela.

J’ai peur de donner une permission, dans le cas où un non Juif se trouve sur le bateau. Puisse D.ieu faire que l’on ne se laisse pas séduire par l’idée ridicule selon laquelle une ou deux personnes pourraient faire fonctionner toutes les machines du bateau pendant vingt quatre heures. Je n’ai pas voulu envisager cette possibilité dans ma lettre aux grands rabbins. En effet, le fait de craindre qu’il en soit ainsi pourrait être interprété comme un manque de respect envers eux.

Je n’ai pas précisé, dans les télégrammes et dans la lettre dont je vous joins une copie, pourquoi il n’est pas dangereux d’immobiliser le bateau en pleine mer. Je n’ai pas cité non plus tous les travaux définis par la Torah qui sont effectués sur un bateau, à notre époque. Pour la plupart, ceux-ci n’existaient pas dans les bateaux, les barques et les embarcations, à l’époque du Talmud.

D’une part, tout cela est bien évident. Ainsi, celui qui lit le Chevitat Ha Yam, lequel s’est efforcé de recueillir des informations de tous les côtés, s’apercevra qu’il n’a pas constaté le moindre risque d’un tel danger. D’autre part, tout cela est connu de chaque mécanicien, même débutant, même travaillant sur la terre ferme, dans une usine, par exemple et ayant recours à la même technologie, si ce n’est pour le gouvernail. Tout cela est expliqué, au moins partiellement, dans le Chevitat Ha Yam.

De fait, l’aveuglement provoqué par la corruption de la volonté du parti est si fort que l’on demande des preuves de l’impossibilité de conduire automatiquement un bateau pendant vingt quatre heures, alors que tous savent qu’on a recours à un gouvernail et que la direction du bateau est modifiée à chaque heure. Il est donc impossible que la direction soit toujours la même pendant vingt quatre heures et que l’on s’en remette à l’automate programmé des dizaines d’heures avant cela.

Notes

(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin, de Jérusalem. Voir, à son propos, la lettre n°4310.
(2) A propos du voyage dans les bateaux israéliens. Voir, à ce sujet, la lettre n°4519*.
(3) Voir, à son propos, la lettre n°4531.
(4) Il s’agit de la lettre n°4555.
(5) Le rabbinat central d’Israël.
(6) La compagnie maritime israélienne.
(7) Plutôt que de contrevenir délibérément à un interdit.
(8) Et, non à ceux de la Torah.
(9) Du Rabbi, leur demandant de prononcer cet interdit.
(10) Les deux grands rabbins d’Israël.
(11) Le fonctionnement d’un bateau.
(12) Le Chabbat.
(13) Plutôt que de les faire tous voyager pendant le Chabbat.
(14) D’avoir été franc.
(15) Textuellement “ du maître de l’endroit ”.
(16) Chnéor Zalman Chazar. Voir la lettre n°4554.
(17) Envoyés en Terre Sainte à la suite de l’attentat perpétré à Kfar ‘Habad. Voir l’avant-propos et la lettre n°4546.
(18) Il s’agit de la lettre n°4554.
(19) De la ‘Hassidout.
(20) Du précédent Rabbi des prisons soviétiques, le 12 Tamouz.