Par la grâce de D.ieu,
10 Tamouz 5716,
Brooklyn,
Je vous salue et vous bénis,
J’ai reçu, avec surprise, ta lettre de la veille du Chabbat, dans laquelle, après avoir fait le récit de ta vie, tu parviens à la conclusion, présentée comme une évidence, que le seul moyen dont tu disposes pour t’installer dans la vie est d’étudier l’anglais, puis la chimie. C’est uniquement dans ce cas que tu pourras placer ta confiance en D.ieu et trouver ta place.
Tout ceci montre à quel point le mauvais penchant est capable de tromper l’homme, alors que, dans tout ton entourage, il n’est pas une seule personne qui ait suivi ce chemin. Comment peux-tu donc imaginer qu’il en soit ainsi, bien plus prendre la ferme décision que tous les autres chemins ne sont pas pour toi, que seule cette nouvelle voie t’assurera une bonne situation ? Et, tu précises que ce sera le cas également dans le domaine spirituel !
Bien sûr, tu dis aussi que, si un miracle particulier se produit, tu pourras t’installer d’une autre manière. Il est bien évident que ce que tu écris à propos de cet élève de la Yechiva ne confirme nullement tes paroles. Ce jeune homme provient d’un tout autre milieu et, même s’il consacre quelques heures par jour aux études séculaires, puisse D.ieu faire que ton enthousiasme pour ces études ne soit pas plus grand que le sien et que ton ardeur à l’étude de la ‘Hassidout soit aussi grande que la sienne, que tu avances sur le droit chemin, comme il le fait lui-même, d’année en année.
Concrètement, il est dit, de toi comme de tous les autres Juifs, que “ celui qui dit ne pas avoir fait des efforts et avoir connu le succès, ne le crois pas ”. Il est dit aussi, de toi comme de tous les autres Juifs, que “ nul ne sait comment il gagnera sa vie ”, comme l’explique Iguéret Ha Kodech, au chapitre 22. Ceci permet d’écarter tous les calculs, d’autant que tu veux suivre une voie que nul n’a empruntée, dans le milieu où tu évolues. Tu n’imagines même pas les épreuves que tu devras affronter, les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes gens comme toi pour trouver une place.
Tu dis n’éprouver aucun plaisir à telle chose et à telle autre chose. Ceci évoque quelqu’un qui dirait avoir plaisir à jeûner et éprouver du dégoût pour les plats succulents. La volonté entêtée, contre toute logique, peut aussi, à terme, aboutir à cela.
Je ne sais pas qui t’a suggéré cette idée étonnante et douloureuse, ni pourquoi tu ne vois pas à quoi elle aboutit. Si tu veux te fier à mon avis et à mon conseil, abandonne donc toutes ces idées de carrière, étudie uniquement la partie révélée de la Torah et la ‘Hassidout, avec constance et ardeur, pendant encore trois ou quatre ans. Si tu le fais, je suis convaincu que tu t’installeras comme il convient, que tu gagneras ta vie, matériellement et spirituellement. Bien évidemment, il ne faut t’abuser, te convaincre toi-même que tous les autres te veulent du mal et ne recherchent pas ton bien.
Avec ma bénédiction,
Pour le Rabbi Chlita,
le secrétaire,