Par la grâce de D.ieu,
2 Tamouz 5716,
Brooklyn,
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 29 Sivan, avec la demande de bénédiction qu’elle contenait et qui sera lue, en un moment propice, près du saint tombeau de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera.
Je suis très surpris par l’esprit dans lequel votre lettre est rédigée, qui n’est pas du tout conforme à l’Injonction perpétuelle, s’imposant à chaque Juif et peut-être même à chaque créature, “ Servez D.ieu (le Créateur du monde) dans la joie ”.
Combien plus en est-il ainsi lorsque cela provient d’un éducateur. Pendant des décennies, en effet, vous avez vu les petits devenir grands, les chevreaux devenir des boucs, ceux qui sont immatures devenir mûrs, parfois même sans aucun effort de leur part. Car, telle est bien la définition que donne notre Torah, Torah de vie. Un enfant, dans un premier temps, n’est pas mûr. Puis, il le devient à treize ans et un jour, ou bien à douze ans et un jour s’il s’agit d’une femme.
Sans doute avez-vous une réponse toute prête à cette question. Vous me direz que l’on ne s’est pas suffisamment servi de cette maturité, que certains l’ont totalement écarté ou même en ont fait un usage négatif. Or, le Créateur du cœur de l’homme nous a donné l’assurance que “ aucun d’entre nous ne sera repoussé ”. Le simple fait que D.ieu ait créé le monde en sorte que l’homme atteignant treize ans, ou bien douze ans, accède à la maturité, sans effort de sa part, qu’il devienne capable de distinguer le bien du mal, fait la preuve éclatante que le bien est dominant, au sein de la création.
Si l’homme n’observe que partiellement la réalité, étant subjectif de différents points de vue, il ne fera pas toujours une bonne évaluation de la situation, mais l’observera uniquement selon son sentiment. Pourtant, au moment de l’action, avec la réflexion qui convient, on comprendra que “ rien de mal ne peut émaner du Très Haut ”.
S’il en est ainsi pour chaque homme, combien plus est-ce le cas pour celui qui se trouve dans une synagogue appartenant à ‘Habad, qui a eu le mérite de recevoir l’enseignement de mon beau-père, le Rabbi, avec bienveillance. Vous comprendrez donc tout cela plus aisément et plus profondément.
De même, il est à peu près certain qu’après avoir lu ces quelques lignes, vous vous poserez la question suivante. Tout ce qui vient d’être dit ne répond pas à une seule question que vous me posez dans votre lettre.
Le rapport entre ce qui vient d’être dit et votre lettre est le suivant. La manière de répondre à une question dépend de la conception que l’on se fait de la solution pouvant lui être apportée. Si vous considérez comme une certitude qu’au final, vous trouverez une réponse positive, vous la rechercherez avec ardeur. Vous serez convaincu que le trésor final existe et que tout dépend de votre ardeur. Il n’en est pas de même si vous n’êtes pas sûr que cette réponse existe. Tout cela est une évidence.
Concernant, plus spécifiquement, les points que vous soulevez, il est bien clair, pour moi, que l’idée de quitter votre synagogue est exclue et inconcevable. Elle doit l’être également pour vous. Et elle était mentionnée, dans votre lettre, uniquement comme une vue de l’esprit, pour préciser la situation en en repoussant certains aspects.
Comment prévenir une diminution du nombre des élèves à la prochaine rentrée ? A mon avis, il faut faire la campagne la plus large afin de les multiplier dans les deux endroits, l’ancien et le nouveau, malgré les différents inconvénients de l’un et de l’autre.
S’il n’y a déjà plus suffisamment de temps pour trouver un endroit qui convient, avant la prochaine rentrée scolaire, il faut espérer qu’il y aura encore suffisamment d’élèves pour poursuivre les études dans les deux endroits et, pendant les douze mois de cette année, vous prendrez une décision pour l’endroit où vous vous installerez, en 5718.
Puisse D.ieu faire que s’accomplisse l’espoir de chacun d’entre nous, au sein de tout Israël. Très bientôt et de nos jours, viendra le grand maître, le roi Machia’h, qui enseignera la Torah à tous les Juifs, les prendra et les conduira dans la grande Ecole que sera notre Terre Sainte, puisse-t-elle être restaurée et rebâtie, très bientôt et de nos jours, après sa totale destruction.
Je conclus avec une idée à laquelle je tiens, à laquelle je me consacre avec ardeur, depuis plusieurs années. Il s’agit de l’organisation d’un centre aéré, pendant la période de vacances des études profanes. Avec la préparation qui convient, on peut gaver les enfants d’études sacrées, sans être dérangé par les matières séculaires et les écoles publiques. Il est sûrement inutile d’expliquer à un éducateur expérimenté à quel point tout cela est important.
Une très vieille coutume juive veut que toute chose soit liée, au moins de manière allusive, à la Paracha de la semaine.
Dans la quarantième année avant l’entrée dans une contrée habitable, Moché notre maître, le berger fidèle, mit en garde la génération du désert, lui rappelant que tous reçurent un cadeau en cet endroit. En effet, le désert des nations est empli de serpents et de scorpions. Or, c’est précisément là que leur fut donnée la Torah et qu’ils la reçurent en cadeau, non pas uniquement les érudits et les sages, par la force de leur érudition et de leur sagesse, non pas seulement ceux qui étaient émotifs, par la pureté de leurs sentiments, non pas exclusivement ceux qui faisaient de bonnes actions, par la force de leurs accomplissements, mais véritablement tous, du plus grand au plus petit.
Le plus grand reçut la Torah uniquement à titre de cadeau, parce que telle était la Volonté de D.ieu. Si ce n’était pas le cas, une créature ne pourrait pas intégrer ce qui appartient au Créateur. A l’autre extrême, le plus petit obtint également la Torah en cadeau, ainsi qu’il est dit : “ Celui qui est humble et modeste… ”.
Il y a donc bien là un enseignement pour chacun, en cette génération, pour tous ceux qui se trouvent entre ces deux extrêmes, le plus grand et le plus petit, même s’il est clair que nous ne nous trouvons pas dans un redoutable désert, comme c’était le cas à l’époque. Nous recevons ce cadeau en présentant une garantie, ainsi qu’il est dit : “ Nos enfants seront nos garants ”.
Et, “ D.ieu attend uniquement en fonction des forces qu’Il accorde ”. Chacun se consacrera donc à l’éducation des enfants, en fonction des capacités dont il dispose. Celui qui le désire aura le pouvoir et la possibilité de réaliser concrètement son souhait.
Cette fois-ci, j’ai écrit longuement car je crains que votre état d’esprit n’apparaisse à l’évidence et n’exerce son effet sur les élèves. Si ces lignes permettent de modifier cet état d’esprit, ce résultat sera, par lui-même, très important et cette amélioration se fera sentir également chez chacun de ceux qui reçoivent votre enseignement.
Puisse D.ieu faire que s’incrustent en vous et en votre épouse les Injonctions “ Servez D.ieu dans la joie ” et “ En toutes tes voies, reconnais-Le ”, comme l’explique le Rambam, dans ses lois des opinions, chapitre 3 et 4.
Et, vous donnerez de bonnes nouvelles de tous les points que vous évoquez dans votre lettre.
Avec ma bénédiction,