Lettre n° 4486

Par la grâce de D.ieu,
29 Sivan 5716,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

Je ne sais pas s’il sera utile de vous rappeler encore une fois quelle est ma conception. J’essayerai, néanmoins, de le faire, très brièvement :

A) A notre époque, en particulier chez vous, on peut vérifier concrètement que la subsistance matérielle est directement liée à la subsistance morale(1), c’est-à-dire au nombre d’élèves prenant part à vos cours, au nombre de personnes priant dans votre synagogue.

B) Je m’efforce d’encourager les membres de votre synagogue que je connais pour qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir afin de la développer. Mais, bien évidemment, ils assument une activité professionnelle et ne se consacrent pas à une mission sacrée. Leur intervention, en la matière, reste donc nécessairement limitée. Il n’en est pas de même pour celui qui assume une mission sacrée, dont ceci(2) doit être la préoccupation essentielle.

C) En plus de tout cela, l’attitude consistant à faire faire son travail par les autres s’appliquera uniquement dans le monde futur, comme le précisent nos Sages. Et encore, ce sera le cas uniquement pour le labourage des champs, mais non pour ce qui concerne la Torah et les Mitsvot.

D) Les jeunes Rabbanim, quand ils doivent ouvrir une synagogue, ont l’habitude de ne pas s’en remettre à l’un des membres de la communauté, même s’ils peuvent, par ailleurs, se servir de l’influence qu’il exerce, attendre de lui qu’il soit très actif. Pour autant, ils prennent effectivement eux-mêmes l’initiative. Bien plus, ils orchestrent personnellement les actions menées par ces membres et, de temps à autre, ils les encouragent.

E) S’agissant de votre communauté, il se trouve, au-delà de toute espérance naturelle, que certains membres sont prêts à agir bien plus qu’on aurait pu l’espérer. Ils vous demandent, exigent de participer aux actions. Une telle attitude est, à proprement parler, le contraire de la normale.

Pour préciser encore plus clairement ma position, je répète ce que je vous ai déjà dit plusieurs fois. Il est absolument indispensable que vous alliez rendre visite aux membres de votre communauté, chez eux ou, tout au moins, que vous les rencontriez souvent. De ce point de vue, une conversation téléphonique ne suffit pas et encore moins une absence d’échange ou bien un échange qui reste exceptionnel.

Bien évidemment, la définition du Rav en tant que travailleur social(3), qui a été adoptée aux Etats-Unis, ne me convient pas du tout. Pour autant, vous ne pouvez attendre, pour renforcer et développer votre synagogue, que cette définition évolue, dans ce pays.

Il est donc indispensable que vous rendiez visite aux voisins de la synagogue, que vous les rencontriez, que vous leur demandiez de venir prendre part aux cours, à la synagogue. Mais, dans quel cas cette démarche, de votre part, sera-t-elle fructueuse ? Lorsque vous comprendrez que c’est là votre véritable bien, encore plus que celui des membres de la communauté.

Vous connaissez le dicton ‘hassidique(4), prononcé par l’Admour Hazaken, selon lequel on peut apprendre la manière de servir D.ieu en observant le comportement d’un voleur. En effet, la Michna dit : “ Qui est le Sage ? Celui qui apprend de chacun. ”. En l’occurrence, même si l’on ne connaît pas la réussite dès la première fois, on essayera encore et encore(5).

Puisse D.ieu faire que ces quelques lignes soient suffisantes, que vous m’appreniez que vous vous absorbez dans vos actions, en tout ce qui concerne la synagogue, y compris celles qui n’auront pas un apport immédiat. Bien plus, vous me direz que vous faites tout cela dans la joie et l’enthousiasme, sans mélancolie.

Que D.ieu vous accorde la réussite.

Avec ma bénédiction pour donner de bonnes nouvelles,

Notes

(1) Que l’on connaît l’opulence matérielle en ayant une activité spirituelle.
(2) Le développement de la synagogue.
(3) En anglais dans le texte, “ social worker ”.
(4) Voir, à ce sujet, la lettre n°1329.
(5) Comme le fait le voleur, qui ne se décourage pas si son premier larcin a été un échec.