Lettre n° 4354

Par la grâce de D.ieu,
20 Iyar 5716,
Brooklyn,

Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Zicha(1),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse à votre lettre du 12 Iyar et j’y ai lu, avec plaisir, que vous allez mieux. Votre mission sacrée s’en est sans doute trouvée renforcée. En effet, conformément au dicton(2) de l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, “ le Saint béni soit-Il donne aux Juifs des biens matériels, dont ils font de la spiritualité ”.

Vous citez le Maharal, dans son introduction au Tiféret Israël, qui dit : “ le cœur de l’érudit est lié à la Torah. Son amour pour elle écarte même l’amour de D.ieu, au moment de l’étude, car ce sentiment ne peut pas avoir un double objet ”. Vous êtes étonné par l’expression “ double objet ”. En quoi ces deux sentiments sont-ils contradictoires ?

Je ne dispose pas de ce livre et mon analyse sera donc basée uniquement sur la citation que vous en faites.

L’observation de l’esprit humain établit qu’une activité intellectuelle, y compris l’étude de la Torah, appelle la compréhension. Le cerveau doit percevoir la logique du concept. Un intellectuel cherche toujours à comprendre et il désire, en particulier, saisir un concept, ce qui lui permet d’accéder à la compréhension. De ce fait, nos Sages disent qu’un homme doit toujours étudier ce qu’il désire(3).

Chez chacun, à l’exception de ceux qui appartiennent à une élite, le désir et l’amour que l’on éprouve pour un concept, même le plus élevé, parce que l’on est naturellement attiré par la compréhension, écarte l’amour de D.ieu, sentiment que l’on ressent, par exemple, parce qu’Il “ est notre vie ”. Il y a donc bien là deux préoccupations distinctes. En l’occurrence, le Maharal dit qu’elles se contredisent et l’on peut vérifier concrètement qu’il en est bien ainsi. L’amour de l’intellect est introverti. Il résulte d’une attirance pour la compréhension, du plaisir qu’elle procure, de la volonté et du goût pour l’étude et la discussion, par exemple.

Il n’en est pas de même pour l’amour de D.ieu, qui est essentiellement motivé par l’émerveillement, par la distance qui existe entre soi-même et le Créateur. Cela est bien évident.

On peut en déduire la différence qui existe entre les conséquences de ces deux amours. De la première, qui porte sur la connaissance de la Torah, nos Sages disent : “ Pour celui qui ne la mérite pas, elle est un poison mortel ”, ce qui veut dire qu’elle suscite l’orgueil.

Rien de tel n’existe pour l’amour de D.ieu, suggéré par la méditation à la grandeur du Créateur, comme le dit le Rambam, dans ses lois des fondements de la Torah, au début du second chapitre. Ce sentiment conduit à la soumission. Il empêche de ressentir son propre ego. Plus l’on souhaite acquérir cet amour et plus l’on est soumis, jusqu’à parvenir à l’humilité la plus totale.

Vous consulterez le Baït ‘Hadach sur le Tour Ora’h ‘Haïm, chapitre 47, dont les propos, sur le sujet, brillent comme des flammes.

L’idée qui vient d’être développée est également formulée par le Rambam, à la fin des lois de la Techouva, décrivant de quelle manière on doit pratiquer les Mitsvot et étudier la Torah. Vous verrez également Iguéret Ha Kodech, de l’Admour Hazaken, au chapitre 2.

Ce qui vient d’être dit nous permettra de comprendre la formulation de l’Admour Hazaken, dans le Tanya, à la fin du chapitre 41, page 58b, qui dit : “ Avant de se mettre à l’étude, il faut, au moins, se préparer de cette façon. En effet, il est nécessaire de se mettre en condition, à tout le moins, afin d’étudier ‘pour son nom’, au début de cette étude, pour les homme moyens(4) ”. Il est bien question ici du début de l’étude.

En effet, le Beïnoni, l’homme moyen, ne peut pas se consacrer à l’étude pour la comprendre et, simultanément, être totalement soumis, ne plus ressentir sa propre personnalité, pas même son intellect et sa compréhension. Et, nos Sages disent que les Justes(5) sont peu nombreux.

Je vous adresse ma bénédiction de réussite dans votre mission sacrée et pour transmettre à vos disciples une étude de la Torah pénétrée d’amour de D.ieu.

Notes

(1) Le Rav Z. Woltner, de Tanger. Voir, à son sujet, la lettre n°4630.
(2) Voir, à ce sujet, la lettre n°3943.
(3) Car sa motivation lui permettra de parvenir à la compréhension.
(4) Servant D.ieu de manière parfaite, mais qui ne sont pas des Justes.
(5) Qui, en revanche, parviennent à étudier de cette façon.