Par la grâce de D.ieu,
20 Mena’hem Av 5708,
Au distingué ‘Hassid craignant D.ieu, aux multiples
accomplissements, le Rav Y. T. Fogelman(1),
Je vous salue et vous bénis,
Vous me dites que l’on vous a interrogé sur le discours ‘hassidique intitulé "lorsque dix personnes sont assises", prononcé en 5688(2). Il y est dit que le Nom divin Kel est le premier des treize Attributs de miséricorde divine. Or, les Tossafot, au traité Roch Hachana 17b considèrent qu’il s’agit du premier Nom Avaya(3) ou encore du second.
Il est quatre manières de compter le début de ces treize Attributs, comme l’indique le Korban Netanel, à la fin du premier chapitre du traité Roch Hachana. Et vous consulterez également le Be’hayé, à la Parchat Tissa:
* depuis le premier Avaya, selon la Pessikta Rabbati, le Midrach Cho’her Tov 93, le ‘Ho’hmeï Tsarfat cité par Abudarham, à la fin du traité Taanit, reprenant vraisemblablement l’avis de Rabbénou Tam, Rabbi Avraham Ibn Ezra sur la Torah et le Roch,
* depuis le second Avaya, selon le Ranag sur les Tossafot, un Gaon, qui semble être Rabbi Saadya Gaon, cité par Rabbi Avraham Ibn Ezra et, semble-t-il, d’après l’une des interprétations du Sefer Halikoutim, du Ari Zal, à la Parchat Tissa,
* depuis le Nom Kel, d’après le Zohar, tome 3, page 131b, le Ets ‘Haïm, Chaar Ari’h Anpin, chapitre 11, Le Peri Ets ‘Haïm, Chaar Haseli’hot, chapitre 4, le Chaar Hakavanot, le Michnat ‘Hassidim et d’autres textes. Et l’on peut se demander pourquoi le Dére’h Emeth, commentant le Zohar, adopte le premier avis. Si je puis me permettre, il me semble que cette explication ne peut être celle de Rabbi ‘Haïm Vital, puisqu’elle contredit les écrits du Ari Zal. On dit, du reste, qu’à la suite d’une erreur d’imprimerie, des passages du Imreï Bina ont été introduits dans le Dére’h Emeth,
* depuis le terme Ra’houm, miséricordieux(4), pour le Séfer ‘Hassidim, chapitre 250, le Maharal de Prague, dans son Netivot Olam, qui dit se baser sur le tome 3 du Zohar, précédemment cité et sur le Talmud, mais j’avoue ne pas le comprendre, car ces références confortent bien l’avis du Ari Zal.
Pour tout ce qui concerne la dimension ésotérique de la Torah, l’avis à retenir est celui de la Kabballa(5), dont les Sages avaient connaissance de l’avis des Tossafot et du Ranag et prirent donc leur décision en conséquence. Du reste, le Rav Azoulay, commentant le Séfer ‘Hassidim, dit: "Notre maître et les Tossafot décomptèrent les Attributs de miséricorde divine de cette façon, parce que, à leur époque, le Zohar ne s’était pas encore répandu. Ce livre, en effet, de même que les écrits du Ari Zal, révèle leur compte et leur contenu"(6).
Si l’on prend pour référence la partie révélée de la Torah, on peut dire que tout dépend de la version du Talmud que l’on retient. Selon celle du Rif et du Roch, on peut comprendre que le début de ces Attributs est le Nom Avaya. Du reste, on connaît le lien particulier entre le Roch et les maîtres des Tossafot, dont l’un des plus grands est Rabbénou Tam. On connaît aussi le lien entre le Rif et les Gaonim.
A l’opposé, selon la version la plus répandue du Talmud, celle que nous possédons, le texte, avant de commenter les treize Attributs, cite bien les mots Kel Ra’houm. Il en est de même pour la version du Eïn Yaakov. Il y a là une preuve indubitable que Kel est bien le commencement de ces Attributs. C’est ce que disent le Maharal et le Ets Yossef(7), alors que le Dikdoukeï Sofrim ne signale pas cette version.
Le Roch pose une question, à ce propos. Si l’on n’adopte pas l’avis de Rabbénou Tam, comment se fait-il que la communauté, lorsqu’elle dit, à voix haute, les treize Attributs de miséricorde divine(8), le fait à partir du Nom Avaya?
La réponse à cette interrogation peut être déduite des écrits du Ari Zal, selon lesquels ces deux Noms Avaya sont à l’origine de l’ensemble des treize Attributs de miséricorde divine. On peut le comprendre d’après la ‘Hassidout, le Likouteï Torah et le Torah Or, ce qui permet d’expliquer la Pessikta et le Midrach Cho’her Tov d’après l’avis du Ari Zal.
Très simplement, la communauté dit donc: "Toi, Avaya, Avaya, nous T’implorons d’être Kel Ra’houm".
Le Roch remarque également que Notser ‘Hessed Lealafim, Il garde le bienfait pour les milliers, devrait être un seul Attribut, mais les Tossafot ont déjà répondu à cette objection.
Vous voudrez bien me confirmer avoir reçu cette lettre. En vous souhaitant tout le bien,
Rav Mena’hem Schneerson,
Le Likouteï Amarim, à la page 17, évoque les deux Noms Avaya. Le Kitveï Kodech cite l’explication du Baal Chem Tov figurant dans le discours ‘hassidique précédemment cité, qui est également imprimé dans le livre Baal Chem Tov.
Notes
(1) Le Rav Yehouda Tsvi Fogelman.
(2) 1928, par le précédent Rabbi.
(3) De ces mêmes versets de la Parchat Tissa 34, 6-7, qui en compte deux. Ces treize Attributs furent invoqués par Moché pour obtenir le pardon d’Israël, à la suite de la faute du veau d’or.
(4) La suite de ce même verset.
(5) C'est-à-dire, en l’occurrence, le troisième, celui qui était mentionné dans le discours ‘hassidique du précédent Rabbi. Le Rabbi note, en bas de page: "Ceci peut être au comparé au fait que la Hala’ha retient l’avis de Rav pour les interdictions et celui de Chmouel, pour les arbitrages, selon le Roch. Vous consulterez aussi le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken et le début du Chaar Hacollel".
(6) Le Rabbi note, en bas de page: "Additif ultérieur: Le Dorech Letsion, cité par le Bneï Issa’har, trouve une preuve à l’appui du Zohar et des écrits du Ari Zal, selon lesquels les treize Attributs de miséricorde divine commencent par Kel, dans le fait que ceux-ci restent les mêmes, que le Temple soit bâti ou non. Or, à l’époque du Temple, le Nom Avaya était lu tel qu’Il s’écrit. S’il était le premier des ces Attributs, il y aurait donc bien une différence, d’une époque à l’autre".
(7) Le Rabbi note, en bas de page: "C’est aussi ce que dit le Bneï Issa’har et ceci permet de comprendre la formulation du commentaire de Rachi."
(8) Dans les Seli’hot.