Par la grâce de D.ieu,
19 Tichri 5716,
Brooklyn,
Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
se consacre aux besoins communautaires,
aux multiples connaissances, le Rav C. Y.(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre de la veille du Chabbat Chouva.
Je disais(2) qu’à notre époque, on a pu clarifier l’opinion de ceux qui interdisent les Ethroguim ayant subi une greffe. Vous considérez que cette clarification est déjà ancienne.
Je faisais allusion aux plus anciens, parmi les derniers Sages, autorisant les Ethroguim qui ont subi une greffe et c’est sur leur opinion que s’appuient les Décisionnaires les plus importants donnant cette permission et non sur l’avis d’auteurs contemporains. Or, si ceux-ci avaient vu l’argumentaire de ceux qui les interdisent, il n’est pas certain qu’ils auraient accordé la permission que l’on trouve dans leurs livres. En tout état de cause, il est impossible d’écarter totalement le doute, en la matière.
Et, le point essentiel est le suivant. Cette permission est donnée uniquement pour un endroit où il est impossible de se procurer un Ethrog qui ne soit pas greffé, ce qui n’est pas le cas, à l’époque actuelle.
Vous proposez d’ajouter(3) que ceci est valable uniquement lorsque les Ethroguim sont cachers. De fait, l’appel publié ici par l’union des Rabbanim est bien rédigé en ce sens.
Ceci peut être rapproché de ce que j’ai écrit à propos du Chevitat Yam(4). Bien plus, ce livre s’adresse aux érudits de la Torah, qui la comprennent, ce qui n’est pas le cas de l’appel. Avant de le diffuser, il faut donc se demander comment il sera interprété par ceux qui le liront. Peu importe, de ce point de vue, quelle était l’intention de ceux qui l’ont rédigé.
Vous devez savoir que celui qui lit un appel et sa conclusion n’en retient que l’idée centrale, en l’occurrence qu’il pourra se servir de l’Ethrog dont il est ici question. Les conditions à remplir, en revanche, sont formulées d’une manière peu claire, ce qui leur retire tout intérêt, d’un point de vue concret. Ainsi, on a écrit ici que ces Ethroguim sont cachers. Et, cela servira tout juste à se justifier devant le Tribunal céleste, en prétextant que l’on a fait ce que l’on a pu.
Si l’appel parvenait uniquement à ceux qui l’étudient et ne se limitent pas à le lire, si l’expression, peu claire, “ Ethroguim cachers ” était interprétée comme “ étant présumé ne pas avoir subi de greffe ”, si l’on tient compte du fait que l’on ne peut accorder cette présomption qu’à quelques vergers en Erets Israël, comme le disent les cultivateurs qui se trouvent ici et comme en attestent les ‘Hassidim, dans leurs lettres, on réduirait, de manière significative, le nombre des clients, ce qui va à l’encontre de l’intention des auteurs de l’appel. D’après les dires de ceux que je citais, les Ethroguim que l’on peut certifier ne sont qu’une petite minorité.
J’évoquais aussi, dans ma lettre, la cuisson pendant le Chabbat(5). Il est bien évident que je ne faisais pas allusion à une Mitsva obtenue au moyen d’une faute commise auparavant et que je ne comparais pas cette situation à celle, évoquée par le Talmud, de l’homme qui a effectué une cuisson pour le compte de son prochain, dans le passé, sans qu’il le lui demande et sans qu’il l’aide à le faire. En l’occurrence, il s’agit bien du présent et du futur. En outre, on l’aide effectivement à réaliser cette cuisson et même encore plus que cela. Vous devez comprendre ce que je veux dire.
J’ai utilisé cette formulation(6) parce qu’elle est courante(7). En l’occurrence, il s’agit, en outre, vraisemblablement, d’une interdiction de la Torah(8). Point n’est besoin d’en dire plus sur le dommage qui en résulte, surtout pendant la fête(9).
Vous avez sûrement reçu ma lettre vous souhaitant une bonne année.
Avec ma bénédiction, à l’occasion de la fête(10),
Du fait de la sainteté de la fête, le Rabbi Chlita ne signe pas cette lettre et je le fais donc à sa place,
le secrétaire,
A. Kwint,
Notes
(1) Le Rav Chlomo Yossef Zevin, de Jérusalem, auteur de l’Encyclopédie talmudique. Voir, à son sujet, les lettres n°3405, 4155 et 4223.
(2) Dans la lettre du 10 Elloul 5715, qui n’apparaît pas dans le volume précédent et qui a été reproduite à la suite de la présente.
(3) Dans l’appel concernant l’achat d’Ethroguim en provenance d’Erets Israël.
(4) Un recueil de recherches sur la navigation et la présence dans un bateau, en mer, pendant le Chabbat, paru à Jérusalem, en 5710.
(5) Parce que ces Ethroguim d’Erets Israël sont exportés dans des bateaux juifs, qui voyagent pendant le Chabbat. Ceci peut donc être comparé à la situation de l’homme qui cuit un plat, pendant le Chabbat, pour le compte de son prochain.
(6) En comparant cette situation à une cuisson pendant le Chabbat.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Bien plus, il convient aussi de déduire l’interdiction, en la matière, du passage talmudique relatif à celui qui cuit pendant le Chabbat et des arguments avancés par ceux qui donnent une permission en la matière.
(8) Voir, à ce sujet, la lettre n°3014.
(9) Dont il ne convient pas d’obscurcir la joie.
(10) De Soukkot.
Cette lettre, rédigée en 5715, est liée à la précédente :
Par la grâce de D.ieu,
10 Elloul 5715,
Brooklyn,
Au grand Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
aux multiples connaissances, le Rav C. Y.,
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 3 Elloul et vous-même avez sûrement reçu mes deux précédents courriers. Vous me parlez de quelqu’un qui doit venir ici et d’un appel lancé à propos des Ethroguim d’Erets Israël. Par respect pour vous et pour qu’il ne soit pas dit que je n’ai pas accordé à votre lettre toute l’attention qui convient, je répondrai à ceci également.
Comment est-il envisageable qu’en l’endroit du maître, en l’occurrence du Tséma’h Tsédek, on puisse opter pour le contraire de ce qu’il tranche, dans ses responsa, Ora’h ‘Haïm, chapitre 64 et qu’en outre, celui qui le fasse soit l’un de ses descendants(1) ? A ceci s’ajoute la pratique concrète. On sait, en effet, à quel point, il était exclu, dans la maison du Rabbi, de se servir d’Ethroguim ayant subi une greffe.
Or, la majeure partie des Ethroguim provenant d’Erets Israël ont effectivement subi une greffe(2). Et, il n’en est pas ainsi uniquement pour une infime minorité de ces Ethroguim, mais peut-être ce point ne doit-il pas être diffusé.
Je suis surpris de constater que quelqu’un puisse se permettre de lancer un tel appel à des dizaines de milliers de Juifs, leur demandant de réciter une bénédiction sur des Ethroguim qui proviennent de tels pays, sans vérifier, au préalable, s’ils n’ont pas subi de greffe. Bien sûr, certains autorisent les Ethroguim ayant subi une greffe, mais, à l’heure actuelle, on a précisé les avis de ceux qui les interdisent. On peut donc les permettre uniquement si l’on ne dispose pas d’autres Ethroguim.
Ceci est valable également cette année, alors que la bénédiction sur l’Ethrog est récitée seulement à partir du second jour(3). En outre, il y a aussi, cette année, un doute sur la bénédiction, ce qui, selon différents avis, est une mention, en vain, du Nom de D.ieu. Enfin, il est impossible d’annoncer que cette règle est valable seulement pour cette année, parce que l’obligation est introduite par les Sages, mais ne le sera plus l’an prochain.
Mais, tout cela ne nous suffisait pas, même si la diffusion qui a été donnée à cette affaire rend ce qui vient d’être dit encore plus grave. Un autre point s’y ajoute selon la majeure partie des derniers Sages. En effet, tous les articles religieux importés ici sont transportés dans des bateaux appartenant aux différentes autorités, en Erets Israël et voyageant également pendant le Chabbat, selon les informations provenant de voyageurs qui les ont empruntés.
Les marins conduisent le bateau, pendant le Chabbat, de la même manière qu’ils le font pendant la semaine. Ceci inclut le fait d’allumer du feu, d’écrire et se fait, bien entendu, de la façon la plus publique. Combien plus en est-il ainsi pour les bateaux de marchandises, dans lesquels il n’y a pas de passagers, mais uniquement un équipage.
Je dois dire que je suis scandalisé par le silence du rabbinat central, à propos d’un sujet aussi terrible. Bien plus, officiellement, on leur accorde une surveillance rabbinique(4). Je ne sais pas si elle émane d’un rabbin, à titre personnel, ou bien du rabbinat central, mais, en tout état de cause, le public, aux Etats Unis, considère qu’elle provient du rabbinat officiel, qui est représenté par le surveillant rituel.
Le Rabbinat ne fait donc pas que se taire. Il accorde même sa caution et personne ne se demande s’il surveille uniquement la cuisine ou bien tout le bateau. La preuve la plus tranchée de cela est le fait que des personnes, craignant D.ieu et orthodoxes, empruntent ces bateaux en s’en remettant à cette surveillance.
J’ai consulté le Chevitat Ha Yam, qui traite de ce sujet. Or, je ne sais pas s’il est naïf à ce point ou bien s’il abuse délibérément le public, ce qu’à D.ieu ne plaise, car tout ce qui est dit dans ce livre n’a rien à avoir avec la situation concrète. Pour le lecteur courant, il ne fait pas de doute que l’on fait bien allusion aux bateaux d’Erets Israël venant ici. Bien plus, le livre est rédigé de telle façon que l’on n’ait pas de doute, à ce propos. Or, il est bien clair que toutes les permissions émises en la matière ne s’appliquent pas, pour ce qui fait l’objet de notre propos. En effet, le bateau peut s’immobiliser pendant le Chabbat et même pendant le temps qui lui a été ajouté(5), sans courir aucun danger.
Il n’y a que quelques cas exceptionnels, dans lesquels ce principe n’est pas respecté. Or, d’après les indications données par les journaux, les conditions climatiques dans la région où s’effectue le voyage font que de telles exceptions n’arrivent jamais. Bien plus, un bateau doit, de toute façon, s’immobiliser quelques fois, pendant la durée du voyage. Il n’y a là qu’une question financière et tout dépend surtout du désir réel de ne pas transgresser le Chabbat.
Concernant les passagers et les marchandises transportés par le bateau, dès lors qu’il est possible de se déplacer sur un bateau au bord duquel le travail est effectué par un non-Juif, où trouver la permission d’emprunter celui qui est conduit par un Juif ? Bien plus, certains travaux n’ont d’autre but que de respecter l’ordre, sans avoir d’implication financière.
Il me semble que l’auteur de ce livre appartient au rabbinat central. Et, tout semble indiquer qu’il a étudié soigneusement ce problème. Puis, en diffusant ce livre, il a donné une permission à propos de ce qui est, de toute évidence, interdit. Il suffit de demander ce qu’il en est à l’un des voyageurs, s’exprimant en toute bonne foi. Les cheveux se dresseront sur la tête, en entendant son récit.
Il est difficile de croire que quelqu’un qui a fait une enquête minutieuse sur le moindre détail de ce qui se passe à bord du bateau n’ait pas eu l’idée de poser de telles questions, à ce sujet. Certes, il assortit sa permission, dans son livre, de plusieurs conditions et de préalables. Mais, comme je l’ai dit, ces précautions sont inutiles, puisque la pratique courante, depuis plusieurs mois et même plusieurs années, contredit ces conditions. Et, ce livre a pour objet de trancher concrètement la Hala’ha et non uniquement de faire un commentaire ou un exposé théorique.
Pour ce qui fait l’objet de notre propos, même si, selon certains, il n’y a “ pas de doute à avoir ”, en ce qui concerne les Ethroguim ayant subi une greffe, ceux-ci, dès lors qu’ils sont importés par ces bateaux, deviennent comparables à ce qui a été cuit, pendant le Chabbat, pour le compte de son ami. Et, il en serait de même pour d’autres marchandises.
A ce propos, vous savez sans doute que l’on a reçu ici des milliers de Mezouzot, ou peut-être plus encore et, semble-t-il, également des Tefillin, qui ne sont que des copies, faites sur du papier. Et, le problème se pose dans les mêmes termes, sous couvert du renforcement de la Terre Sainte. Je me rappelle, à ce sujet, d’un proverbe de mon beau-père, le Rabbi(6). Une certaine personne lui avait parlé de tout cela, en 5687(7) et lui avait demandé ce qu’il en pensait, avançant que, quand il s’agit d’éteindre un incendie, on ne fait pas de différence entre l’eau qui est suffisamment pure pour être bue et celle qui ne l’est pas. Mon beau-père, le Rabbi, lui confirma que c’était effectivement le cas. Pour autant, ajouta-t-il, il faut prendre garde ne pas éteindre le feu avec du kérosène. Vous devez comprendre ce que je veux dire.
Du reste, vous savez qu’il a une soixantaine d’années, ou un peu plus, un appel, ayant de nombreux signataires, avait également été diffusé, en Russie, à propos des Ethroguim d’Erets Israël. Alors, le problème des greffes se posait alors moins clairement et celui du Chabbat, pas du tout. Et, l’on avait également une certitude pour ce qui concerne la Chemitta et les prélèvements agricoles. Pour autant, à Loubavitch, cet appel n’a pas été signé, bien que je ne dispose pas de son texte. Et, il convient de noter que mon beau-père, le Rabbi et aussi, d’après ce que j’ai entendu, son père, le Rabbi Rachab, n’ont jamais signé une lettre ou un appel pouvant être interprété comme une approbation de ce qui appartient au domaine de la Sainteté.
J’ai écrit tout ce développement, bien que trois ou quatre lignes auraient pu être suffisantes, car je suis particulièrement affecté par cette situation effroyable. On peut observer l’accomplissement de l’affirmation de nos Sages selon laquelle “ il n’est pas un jour dont la…(8) ne soit pas supérieure à celle de la veille ”, dans la situation terrible que connaît la Terre Sainte.
Je me souviens de la campagne qui a été faite à propos des enfants de Téhéran, bien que ce qu’on leur a fait soit insignifiant par rapport à ce qui est arrivé aux enfants du Maroc, à l’issue d’un accord honteux, signé également par les représentants des partis de droite, qui ont accepté le principe d’un compromis jusqu’à 75%. D.ieu merci, grâce aux élections, ils envisagent de dénoncer cet accord.
Il en est de même pour la circonscription des femmes, surtout celles qui ont la vie la plus dissolue et il est bien évident que l’interdiction est alors d’autant plus grande. Or, à quoi s’accroche-t-on ? A l’interdiction de vendre de la viande de porc, de reptile ou de rat. Et, l’on fait le contraire, véritablement à l’autre extrême.
En ces jours de miséricorde, “ le Roi se trouve dans le champ ”, selon les termes du Likouteï Torah, Reéh, page 32 et cet endroit n’est pas celui où l’homme, créé à l’image de D.ieu, peut résider. Lorsqu’Il s’y trouve, quiconque le désire peut aller Le rencontrer. Il accueille chacun avec bienveillance et lui montre un visage souriant. Puisse D.ieu faire que cette révélation céleste inspire à chacun d’entre nous un esprit de pureté, afin de souhaiter le bien chez l’autre. Ainsi, tous “ formeront une assemblée pour accomplir Ta Volonté, d’un cœur entier ”.
Avec ma bénédiction afin d’être inscrit et scellé pour une bonne année et, surtout, de donner de bonnes nouvelles de tout cela,
N. B. : Votre silence semble indiquer que l’impression des livres et des manuscrits du grand Rav Rivlin n’avance pas(9). J’en suis surpris.
Notes
(1) En l’occurrence, le Rabbi lui-même, qui ne peut donc pas reconnaître ces Ethroguim comme cachers.
(2) Voir, à ce sujet, les lettres n°3056 et 4262, cette dernière énonçant les instructions du Rabbi, sur le prélèvement de graines, de pousses et de plants, qui proviennent des arbres d’Ethroguim de Calabre, non greffés, afin de les replanter en Terre Sainte, à Kfar ‘Habad.
(3) Le premier jour de la fête étant un Chabbat. On est, en pareil cas, moins rigoriste sur la qualité de l’Ethrog, puisque l’obligation de réciter cette bénédiction est uniquement introduite par les Sages.
(4) Sur les repas servis à bord de ces bateaux.
(5) Avant son entrée et après sa sortie afin de transformer le temps profane en sainteté.
(6) Voir les Iguerot Kodech du précédent Rabbi, tome 1.
(7) 1927.
(8) Malédiction.
(9) Voir, à ce sujet, les lettres n°3657 et 4229.