Lettre n° 3809

Par la grâce de D.ieu,
4 Tichri 5716,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

De temps à autre, j'obtiens de vos nouvelles, mais j'ai, néanmoins, reçu votre lettre avec plaisir. Bien évidemment, je ne suis pas satisfait de l'état d'esprit qu'elle dénote, c'est-à-dire de votre découragement, inspiré par le fait que, selon vous, vous ne voyez pas le résultat de votre effort et de votre action menée auprès de la jeunesse.

Certes, une complète satisfaction, de la part d'un responsable communautaire, qui se veut efficace, n'a généralement pas de conséquences particulièrement favorables et elle est de nature à réduire son ardeur. En effet, le mauvais penchant pourrait lui suggérer qu'il en a fait assez, que cela est bien suffisant, que d'autres peuvent désormais prendre sa relève.

Pour autant, l'autre extrême, c'est-à-dire un sentiment de renoncement et même de profond découragement, aura également des conséquences négatives, qui seront même plus dommageables que celles de la situation précédente. En effet, l'affaiblissement qui en résultera sera encore plus important.

Pour en revenir à la question posée proprement dite, vous avez investi de grands efforts en ces jeunes qui, malgré cela, ont rejoint le courant éloigné de la pratique. Il est dit, cependant que "un effort n'est jamais vain", même s'il ne réussit pas dans la mesure et sous la forme que l'on voudrait. De plus, pour différentes raisons, les conséquences, bien souvent, n'apparaissent que par la suite. Parfois, il faut attendre que l'élève s'installe et ait une vie familiale, qui est un élément de stabilité. Alors, il réfléchit à tout ce qu'il a vécu et à sa situation actuelle. Et, il tient compte de la période pendant laquelle il se trouvait sous l'influence de telle personne, en tel endroit. La balance peut ainsi pencher du côté du bien.

De plus, nos Sages racontent que Rabbi Akiva fut l'un des plus grands Sages de la Michna et des piliers de la Loi Orale. Il enseigna, guida, éduqua et dirigea pendant quarante ans. Il eut vingt quatre mille disciples, dignes de ce titre par leurs connaissances comme par leur personnalité, méritant d'avoir Rabbi Akiva pour maître et pour guide spirituel. Or, pour une certaine raison, tous moururent, malheureusement et le peuple d'Israël courut le risque d'oublier la Torah. Alors, Rabbi Akiva forma cinq disciples, qui rétablirent toute la Loi Orale et la diffusèrent en Israël, en leur temps à leur époque. Puis, celle-ci fut transmise, d'une génération à l'autre et elle parvint jusqu'à nous, à nos enfants et à nos petits-enfants, pour l'éternité.

Il est bien clair que notre Torah n'est pas un recueil de récits. Son nom est de la même étymologie que Horaa, enseignement. De fait, chaque élément qui la constitue délivre un enseignement, guide chacun et chacune.

Ce récit, en particulier, constitue un exemple vivant, établissant qu'un homme doit se servir de ses capacités, dans toute la mesure du possible. Quel que soit l'événement qui remette en cause son action, il n'a pas le droit de s'en affecter et de se décourager, même si celui-ci atteint les proportions précédemment décrites, ce qu'à D.ieu ne plaise. En l'occurrence, l'effort de nombreuses années fut perdu, selon ce que perçoivent nos yeux de chair. Malgré cela, il faut poursuivre sa mission sacrée, avec empressement et joie. Au final, il est certain que l'on connaîtra la réussite.

Il est possible, comme on l'a dit, que, dans un grand nombre de cas, on ne connaisse pas le succès ou l'on n'observe pas le fruit de son effort. Pour autant, dans quelques cas au moins, on rencontrera une réussite considérable, qui comblera le manque et apportera la satisfaction de tout ce qui a été accompli. Rapportant ce récit, nos Sages citent(1) le verset suivant(2): "Plante tes semences le matin et, le soir, ne laisse pas ta main inactive, car tu ne sais pas lesquelles germeront".

Certes, il faut éprouver de l'amertume pour chacun et chacune de ceux qui se sont écartés du droit chemin, celui de la Torah et des Mitsvot, même s'ils le font seulement pour quelques jours et uniquement dans des domaines mineurs, car chaque instant est précieux et chaque acte revêt une importance fondamentale. L'enseignant et l'éducateur, en particulier, doivent ressentir une telle amertume, mais celle-ci doit avoir pour effet de redoubler leur ardeur en ce qui a été accompli jusqu'à maintenant. Ils doivent compléter et parfaire l'action.

Nos Sages énoncent un principe général selon lequel "rien ne résiste à la volonté". Il en est ainsi non seulement pour les nouveaux élèves, mais aussi pour ceux qui, à l'heure actuelle, ne semblent pas avoir intégré ce qui leur a été enseigné, pour lesquels le résultat n'est pas perceptible à nos yeux. Ces derniers sont encore plus clairement concernés.

Il faut se dire et tenir compte du fait que le compromis(3) n'apporte aucune réussite, en particulier auprès des jeunes. Car, ceux-ci ont un argument simple, en la matière. Si l'on peut introduire un compromis sur le tiers ou sur le quart, pourquoi ne pas aller au-delà et en faire de même pour la moitié ou même pour plus encore? Par ailleurs, si le compromis est possible, il ne peut pas s'agir de la vérité. En effet, le mensonge a des voies multiples, alors qu'il y a une seule et unique vérité.

Il est clair qu'un élève ne peut être transformé d'un instant à l'autre, pour atteindre la perfection. L'évolution ne peut qu'être lente et progressive. Au moment de l'effort, néanmoins, il faut lui expliquer que ce que l'on attend de lui n'est pas le stade final et ne représente pas la perfection. En effet, chacun et chacune est tenu de mettre en pratique les 613 Mitsvot. Malgré cela, compte tenu de sa situation, il commence par telle ou telle autre pratique, ne pouvant, d'emblée, tout faire à la fois.

De plus, la vérité ne peut être doublée. Pour ce qui concerne notre nation, "peuple unique sur la terre", tout doublon est exclu, même s'il n'est introduit que pour une courte période et pour différentes raisons. Tout comme nous avons un D.ieu unique, nous possédons une Torah unique, dont la sainteté du premier Commandement, "Je suis l'Eternel ton D.ieu", apparaît en toutes ses lettres et en tous ses mots, du début à la fin.

Il n'y a pas lieu de craindre que les jeunes ne reçoivent pas un tel message. La pratique établit que l'inverse est vrai, qu'ils acceptent la vérité affirmée, sans compromis, même si, dans leur existence, ils ne parviennent pas encore à surmonter toutes les épreuves auxquelles ils sont confrontés.

La conclusion de tout ce long développement est la suivante. Tous ceux et toutes celles qui sont susceptibles d'exercer une influence positive, en particulier dans le domaine de l'éducation judicieuse, doivent investir toute leur ardeur et toutes leurs capacités dans cette mission sacrée. Certes, il ne faut pas renoncer, même au plus mauvais des élèves. Pour autant, on n'a pas non plus le droit d'affaiblir son engagement en cette activité, qui est une mission divine, parce que l'on semble ne pas connaître la réussite. En effet, les paroles qui émanent du cœur pénètrent dans le cœur. Au final, vous verrez effectivement la rétribution de votre effort.

Bien évidemment, si, dans tous les domaines, l'aide de D.ieu est nécessaire, combien plus est-ce le cas, lorsqu'il s'agit de l'éducation. Les forces luttant contre D.ieu et contre Sa Torah se mobilisent, en la matière, par tous les moyens dont ils disposent et de toutes les façons possibles. Pour accroître cette aide de D.ieu, il faut renforcer sa propre perfection et son engagement personnel, au sens le plus littéral, dans son existence quotidienne, conformément à notre Torah, Torah de vie et à ses Mitsvot. Et, cela ne contredit pas l'effort qui est réalisé en direction du prochain. Bien au contraire, c'est ainsi qu'on le renforce.

Vous me réjouirez en m'adressant un courrier dans lequel vous m'apprendrez que vous poursuivez votre action, que vous exercez l'influence qui convient dans votre milieu et votre entourage, conformément à l'esprit de la Tradition d'Israël, avec une ardeur sans cesse croissante. J'ai bon espoir qu'au bout d'un certain temps, qui ne sera pas long, vous pourrez me dire également que votre effort porte ses fruits.

Au seuil de cette année, selon la formule courante et traditionnelle, je vous souhaite une bonne et douce année, une année de réussite en vos préoccupations personnelles, de succès, dans la bonne direction, en vos activités communautaires. Je vous remercie d'avance de transmettre ces souhaits à vos élèves, en particulier à ceux qui m'ont rendu visite avec vous.

Avec ma bénédiction,

Notes

(1) Au traité Yebamot 62b.
(2) Kohélet 11, 6.
(3) Voir, à ce sujet, les lettres n°2100, 2563, 2812 et 2928.