Lettre n° 3741

Par la grâce de D.ieu,
3 Elloul 5715,
Brooklyn,

Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav Mena’hem Zeev Halevi(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre de ce lundi et voici ce que doit être le contenu de votre réponse à cet homme(2).

A) Je suis surpris, en le lisant, qu’il ne s’aperçoive pas à quel point il se contredit. En effet, dans sa lettre, il détruit lui-même les arguments qu’il développe, dans ce courrier et dans le précédent. Il dit qu’il est permis, en Terre Sainte, de voter, pour les élections municipales(3). Et, selon lui, ce qui est permis doit vraisemblablement être une nécessité.

Or, avec tout le respect qui lui est dû, l’interdiction grave et absolue qu’il définit(4) s’applique ici(5), de la même façon. En effet, les partis qui se présentent à la Knesset le font également aux élections municipales. Il prétend qu’il ne faut pas leur venir en aide, que les femmes élues de cette façon siègent d'une manière impudique, comme il le précise dans sa lettre. Mais, la seule différence est l’interdiction d’installer une structure(6) en Terre Sainte, dont il est question à la fin du traité Ketouvot et rien d’autre.

Il n’y a donc nullement lieu de faire intervenir ici les trois fautes pour lesquelles on doit se laisser tuer, plutôt que de les commettre(7). Bien plus, en une analyse plus profonde, il y a bien ici l’interdiction d’installer une structure en Terre Sainte. Car, la municipalité de Jérusalem est une structure à part entière, au delà même de l’état fondé en Terre Sainte. De fait, l’opposition, en la matière, est encore plus forte, jusqu’à maintenant.

B) Concernant les autres points dont il traite dans sa lettre, il cite le Rambam, demandant de se réfugier dans les déserts(8). Et, il explique qu’il en est ainsi, également, à l’extérieur d’Erets Israël. Là encore, une contradiction se trouve, dans sa lettre, puisqu’il qualifie d’acte ignorant ce qui est fait à l’extérieur d’Erets Israël et d’acte de révolte, ce qui a lieu en Terre Sainte.

En réalité, la distinction devant être faite est beaucoup plus sévère. A l’extérieur d’Erets Israël, on n’impose pas ce qui va à l’encontre de la foi, ce qu’à D.ieu ne plaise. Il y a donc uniquement lieu de craindre que “ l’œil voit et le cœur convoite ”. Il n’en est pas de même dans une ville qui est majoritairement ou même totalement peuplée de Juifs. Vous devez comprendre ce que je veux dire. Avec tout le respect qui lui est dû, l’ensemble des explications qu’il donne à ce sujet est donc difficile à accepter.

C) Il évoque le fait de payer pour avoir accès aux différents services publics et il compare cela au fait de rétribuer quelqu’un pour son effort. Là encore, cette comparaison n’a pas lieu d’être. En effet, il sait sans doute qu’en payant l’eau, on ne prend pas uniquement en compte l’effort, mais l’on couvre réellement toutes les dépenses, non pas seulement, comme il l’écrit, la propreté des rues, mais aussi les frais de garde permettant que l’on ne puisse pas mettre en pratique une Injonction clairement exprimée par la Torah, “ Vous détruirez…(9) ”, bien plus, que l’on renforce leurs lieux de culte ou, pire encore, que l’on protège les missions. Point n’est besoin d’en dire plus, tant cela est effroyable.

Il dit que l’on n’a pas le choix et il affirme, dans sa lettre et dans ‘Homaténou(10), que tout cela appartient aux trois fautes pour lesquelles on doit se laisser tuer plutôt que de les transgresser, qu’il faut donc faire preuve d’abnégation, en la matière. Mais, ceux qui adoptent sa conception mettent en danger les autres Juifs se trouvant en Terre Sainte, par le fait qu’ils ne votent pas, permettant ainsi que quelques députés impies de plus soient élus. Et, ils proclament leur position à l’extérieur d’Erets Israël et également en Terre Sainte, faisant ainsi la preuve tranchée de ce qui est l’avis majoritaire, dans ce pays. On ne peut pas imaginer une plus grande profanation du Nom de D.ieu.

S’il s’agit effectivement des trois fautes pour lesquelles il faut se laisser tuer plutôt que de les transgresser, il est clair qu’ils ne peuvent pas invoquer la contrainte. Bien plus, ils pourraient utiliser des bougies ou du pétrole(11) ou encore de l’eau de source(12).

Bien évidemment, ces lignes n’ont pas pour objet de lui faire de la peine, mais bien de lui montrer que, lorsqu’il s’agit de leurs besoins physiques, ils deviennent conciliants. En revanche, pour ce qui concerne les dizaines ou même les centaines de milliers de Juifs, qui pourront, plus aisément, mettre en pratique les Mitsvot de notre D.ieu, dans leur existence quotidienne, ils font preuve d’une rigueur déplacée.

D) Il dit qu’une protestation extérieure, et non intérieure, est nécessaire. Je ne comprends pas pourquoi l’une exclurait l’autre. En fait, les deux peuvent être menées simultanément, comme ce fut le cas, lors de la manifestation qui a eu lieu aux Etats Unis. En effet, quelques membres d’Agoudat Israël y ont participé, alors que des représentants de ce parti siègent à la Knesset.

E) Il dit que la Agouda et le Mizra’hi ont voulu constituer un bloc(13) et que les hommes de ‘Habad, en Terre Sainte, ont été les intermédiaires entre ces formations. Cette formulation n’est pas exacte, car c’est, en fait, le Rabbi Chlita(14) qui a joué ce rôle, comme il l’a dit clairement. Il trouve cela scandaleux.

Or, il aurait pu poser une autre question. En effet, il dit lui même, dans sa lettre, qu’il faut participer aux élections municipales. Pour autant, il doit savoir que, dans différents endroits, la Agouda a formé une coalition avec des partis beaucoup plus à gauche que celui-ci. Il doit comprendre ce que je veux dire.

F) Il cite, dans sa lettre, les catégories de Juifs avec lesquels il prétend qu’il ne faut pas parler, ni avoir des contacts, qu’il ne faut pas chercher à aider. Le Tséma’h Tsédek, dans sa Mitsva de l’amour du prochain(15), apporte la réponse à de tels propos(16) et que D.ieu fasse que ce qu’il dit ne s’applique pas à lui.

Puisse D.ieu faire également qu’il n’ait rien de commun avec ceux pour qui l’on ne doit pas parler aux personnes qui ont pris part au vote, a fortiori s’ils ont donné leur voix, pour différentes raisons, au Mizra’hi, aux Poaleï Mizra’hi, ou même au Mapaï. Une telle conception émane de la force du mal de Midyan, qui, pour notre malheur, entre en lutte contre D.ieu, comme l’explique le discours ‘hassidique intitulé “ Enrôlez pour vous des hommes ”, de l’Admour Hazaken.

Je suis surpris par son attitude, qui ne correspond pas au nom qu’il porte. Son premier prénom est, en effet, Ichaya. Or, nos Sages nous racontent de quelle manière celui-ci intervint, lorsque l’on défia l’honneur d’Israël. C’était à l’époque d’A’haz, dans la génération duquel il y avait de nombreux idolâtres, y compris au sein même du Sanctuaire.

Avant les élections, on pouvait imaginer qu’il en serait ainsi. Mais, à l’heure actuelle, surtout en Elloul, chacun établit assurément un bilan. Or, celui-ci est, en l’occurrence, bien clair. Si le Mizra’hi et la Agouda avaient constitué un front uni, si tous ceux qui le pouvaient avaient voté pour cette liste orthodoxe, d’autres représentants de ces partis auraient siégé à la Knesset, comme le reconnaissent les experts, ce qui veut dire que les partis de gauche auraient été moins représentés.

D.ieu peut tout faire et Il accordera donc qu’il n’en résulte aucun mal, pour toutes les lois qui seront promulguées en Terre Sainte. Néanmoins, on aurait dû tenir compte de l’affirmation de nos Sages selon laquelle on ne doit pas compter sur un miracle. Et, celui qui empêche des dizaines, peut-être même des centaines de Juifs de prendre part aux élections est personnellement responsable de la présence, à la Knesset, de quatre députés, ou plus, issus de partis qui se révoltent contre D.ieu et de la diminution conséquente de la représentation de l’Agouda et du Mizra’hi.

On peut réellement se demander qui est capable d’assumer une telle responsabilité et, bien plus, de transformer la réalité au point de dire qu’il y a là l’expression de la crainte de D.ieu la plus pure.

G) Un point essentiel de sa lettre provoque mon plus grand étonnement. En effet, nous nous en tenons aux enseignements du Baal Chem Tov et de ses disciples. Or, le Baal Chem Tov lui-même connut une élévation de l’âme, un Roch Hachana. Alors, il entendit clairement et il répéta, par la suite, que la venue du Machia’h, c’est-à-dire la rédemption de la Présence divine et des enfants d’Israël, dépendait de la diffusion des sources de la ‘Hassidout, à l’extérieur. Tout cela est longuement et logiquement expliqué, dans une causerie du Rabbi Rayats, de Sim’hat Torah 5690(17), que vous consulterez.

Et, l’on peut également déduire qu’il en est ainsi, si l’on consulte l’introduction de Rabbi ‘Haïm Vital au Chaar Ha Hakdamot, soulignant que l’on retarde la délivrance en s’abstenant d’étudier la partie profonde de la Torah.

Après tout cela, comment celui à qui la divine Providence a accordé la possibilité d’exercer une influence sur plusieurs milliers de personnes peut-il s’abstenir de les inviter à l’étude de l’enseignement profond de la Torah, “ l’arbre de vie ” ? Or, dans d’autres domaines, il répète ses mises en garde une seconde, puis une troisième fois, alors que le doute ou, tout au moins le doute du doute subsiste(18). En revanche, il s’agit, en l’occurrence, d’une parole importante, prononcée par le roi Machia’h, adressée au Baal Chem Tov qui, connaissant une élévation de l’âme, pénétra dans son sanctuaire céleste. Elle fut énoncée de manière claire et supprimant tous les doutes. Malgré cela, il n’en dit pas un mot.

Pour autant, il ne fait pas l’ombre d’un doute que s’il menait campagne, au moins pour le dixième de ce qu’il a fait, concernant les élections en Terre Sainte, il aurait conduit, le jour même, des milliers et peut-être même des dizaines de milliers de Juifs à étudier l’enseignement profond de la Torah. De la sorte, la délivrance aurait été hâtée, de manière claire et indubitable.

Il m’excusera pour tout ce qui vient d’être exposé, mais il est dit, à propos de chacun d’entre nous : “ Tu t’éloigneras du mensonge ”. Or, le silence, en l’occurrence, peut être comparé à l’acceptation du mensonge. Il faut donc dire la vérité telle qu’elle est, sans craindre…(19).

H) De fait, on peut s’étonner de ce qu’il dit des personnes avec lesquelles il ne faut pas entrer en contact et qu’il ne faut pas protéger. En effet, le Zohar, à la référence que je citais dans ma lettre précédente, précise que Moché notre maître, le “ berger fidèle ”, eut un bon comportement(20), ce qui ne fut pas même le cas d’Avraham, comme ce texte le précise.

Ceci est dit à propos de ceux qui firent le veau d’or et l’on connaît le récit, rapporté à propos du verset : “ Ils se levèrent pour se divertir ”, selon lequel ils commirent alors les trois fautes, immoralité, idolâtrie, crime. Or, précisent nos Sages, le Roi était alors au festin(21). Malgré cela, si Moché, le berger fidèle, n’avait pas dit : “ Sinon(22), efface-moi(23) ”, alors…(24).

I) Il dit qu’il ne faut pas se servir du terme ‘Hachmal(25) et l’on peut se demander sur quoi il se base. En effet, le traité ‘Haguiga et le commentaire de Rachi sur le verset Yé’hezkel 1, 27, parlent du concept et non du terme.

Bien plus, différents textes du Ets ‘Haïm et, plus généralement, ceux de la Kabbala, établissent un lien entre ce terme et la Klipat Noga(26). Vous consulterez le Ets ‘Haïm, à la porte ‘Hachmal et le discours ‘hassidique du Tséma’h Tsédek, imprimé dans les additifs du Torah Or, qui est paru aux éditions Kehot.

Avec ma bénédiction afin que vous soyez inscrit et scellé pour une bonne année,

Pour le Rabbi Chlita,
le secrétaire,

A. Kwint,

N. B. : En lui écrivant, vous n’oublierez sûrement pas de mentionner les écrits du Juste, le Rav Alfandari(27).

Notes

(1) Le Rav M. Z. Gringlass, de Montréal. Voir à son sujet, la lettre n°3559.
(2) Au Rav Ichaya Acher Zelig Margolis, qui discutait, avec le Rav Gringlass, de l’opportunité de prendre part aux élections, en Israël. Voir, à ce sujet, la lettre n°3559.
(3) Mais non pour celles de la Knesset.
(4) Pour les législatives.
(5) Pour les municipales.
(6) En l’occurrence, un état.
(7) L’idolâtrie, le crime et l’immoralité.
(8) Dans ses lois des opinions, au début du chapitre 6, il dit : “ Celui qui habite dans un pays dont les usages sont corrompus se réfugiera dans les grottes, les crevasses et les déserts, plutôt que d’adopter un comportement condamnable ”.
(9) Tous les endroits dans lesquels les non-Juifs ont servi (les idoles).
(10) Notre muraille, vraisemblablement le bulletin de ce courant d’idées.
(11) Si l’on ne veut pas se servir de leur électricité.
(12) Si l’on ne veut pas se servir de leur eau courante.
(13) Voir, à ce sujet, la lettre n°3489.
(14) Le Rabbi se cite lui-même, dans l’argumentaire qu’il apporte au Rav Gringlass pour répondre au Rav Margolis.
(15) Dans le Dére’h Mitsvoté’ha.
(16) Considérant avec sévérité ceux qui médisent des autres Juifs.
(17) 1930.
(18) Quant au bien fondé de ces mises en gardes.
(19) De froisser celui à qui ces propos s’adressent.
(20) Il sut défendre véritablement les enfants d’Israël, quand ils commirent la faute du veau d’or.
(21) Juste après le don de la Torah, en un moment de grande élévation.
(22) Si Tu ne leurs pardonnes pas (pour la faute du veau d’or).
(23) De Ton livre (la Torah).
(24) Tous les enfants d’Israël auraient disparu, du fait de la faute.
(25) Selon son sens moderne d’électricité, alors qu’il s’agit d’un terme de la Torah.
(26) La force du mal qui conserve la possibilité de s’élever.
(27) Voir, à ce sujet, les lettres n°3455 et 3621.