Par la grâce de D.ieu,
16 Sivan 5715,
Brooklyn,
Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu
et se consacre aux besoins communautaires,
le Rav M. Z. Halevi(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre lettre du 12 Sivan et je vous restitue votre note, comme vous me le demandez. Vous dites, encore une fois, que vous êtes impressionné par cette lettre, reçue de Jérusalem, émanant du Rav I. A. Z. Margolis(2). Or, je vous ai déjà exprimé mon étonnement, à ce sujet(3).
A) Le Rav Margolis dit que, selon les écrits du Ari Zal, les Matsot sont liées aux forces raisonnées de l’attribut de découverte intellectuelle et non à ses réceptacles. Cela n’est pas compréhensible. Et, pourquoi avoir été chercher une explication aussi lointaine, alors que la ‘Hassidout de notre saint maître fait un large développement, à ce sujet, citant le Likouteï Torah, le Sidour, le Dére’h Mitsvoté’ha. Malgré cela, mon beau-père, le Rabbi, citant son père, le Rabbi Rachab, dit(4) que les Matsot sont effectivement liées aux réceptacles et il est clair qu’il n’y a là aucune contradiction.
En fait, la question posée par le Rav Margolis est difficile à comprendre. Car, il y a, dans les forces raisonnées de l’attribut de découverte intellectuelle, des réceptacles et des lumières à la fois. De plus, les Matsot, comme tout ce qui est lié à la Torah et aux Mitsvot, introduisent simultanément plusieurs allusions. Ainsi, les Matsot, liées aux forces raisonnées de l’attribut de découverte intellectuelle, correspondent également aux Patriarches, c’est-à-dire à la bonté, à la rigueur et à la miséricorde. Elles ont également un rapport avec l’attribut de royauté, puisqu’elles sont “ le pain de la pauvreté ”, selon les écrits du Ari Zal et même le Zohar et les Tikouneï Zohar.
La même remarque s’applique aussi à l’affirmation selon laquelle rien, dans les écrits du Ari Zal, ne permet d’identifier ce que l’on place sur les Matsot aux lumières. D’une part, parmi les six éléments placés au dessus des Matsot(5), certains font bien allusion aux lumières, d’autres aux réceptacles. Par ailleurs, ces six éléments ont eux-mêmes plusieurs significations. Mon temps ne me permet pas de rechercher maintenant ces références, dans les écrits du Ari Zal. Néanmoins, vous consulterez le Meoreï Or et le Kehilat Yaakov, à ces articles.
Néanmoins, il est clair que ces propos, qui sont ceux du Rabbi Rachab, ne peuvent présenter aucune contradiction. De plus, il est à peu près certain qu’une référence pourrait être trouvée dans les écrits du Ari Zal et permettre de rectifier tout cela.
Ce Rav conclut sa lettre en disant que, si tels étaient les propos de l’Admour Hazaken, il les prendront en compte et les accepteraient, comme s’ils émanaient du Ari Zal. Néanmoins, on peut, sans le moindre doute, s’en remettre, en la matière, au Rabbi Rachab, qui était le successeur de l’Admour Hazaken.
Nos Sages nous contraignent à accorder à chacun des circonstances atténuantes. Peut-être ne lui avez-vous donc pas précisé, dans votre lettre, qu’il s’agissait des paroles du Rabbi Rachab. C’est donc pour cela qu’il s’exprime ainsi.
De même, vous me dites que certains érudits de la Kabbala, lorsqu’ils rencontrent un texte provenant des sages du Peri Ets ‘Haïm, le mettent de côté. Il est clair que telle n’est pas notre façon d’agir et ces sages sont effectivement cités dans la ‘Hassidout, en particulier dans le Likouteï Torah. De plus, différents textes de ‘Hassidout mentionnent également la Kabbala de Rabbi Moché Cordovero et celle de Rabbi Israël Seroug(6), ce que ne font pas plusieurs sages de la Kabbala, parmi les Sefardim.
On peut donner, à ce propos, l’explication suivante. Les derniers sages n’ont pas voulu aborder les points sur lesquels le doute subsistait. Il n’en fut pas de même pour le Baal Chem Tov, le Maguid de Mézéritch, l’Admour Hazaken et leurs successeurs, qui reçurent la transmission, l’un de l’autre. Et, le Baal Chem Tov reçu celle de A’hya de Shilo, qui la transmit également au prophète Elyahou. Tous savaient donc quelle idée il fallait adopter. Comme on le sait, c’est pour la même raison qu’ils s’en remirent au Emek Ha Méle’h et vous consulterez également le Likouteï Torah Chir Hachirim, page 27a, qui dit : “ Tout cela n’est pas du tout mentionné dans le Ets ‘Haïm ”. Vous verrez également les controverses entre les sages de la Kabbala, citées dans l’index du Torah Or.
B) Le Rav Margolis évoque également la participation aux élections(7). Notre position, en la matière, est celle de notre chef, mon beau-père, le Rabbi, qui se trouve là-haut et assume encore ses fonctions, y compris ici-bas. Or, il a demandé et fait en sorte que l’on participe aux élections pour la première Knesset. On peut en conclure non seulement qu’il est permis de le faire, mais qu’il s’agit même d’une nécessité.
Certes, à mon sens, il est interdit de participer à la coalition, afin de ne pas avoir à endosser les décisions négatives qui sont prises. Néanmoins, quiconque possède la citoyenneté a, en l’acceptant de son plein gré, reconnu la légitimité de l’autorité et il peut donc voter. S’il ne le fait pas et donne ainsi un exemple qui sera imité par d’autres, on peut considérer qu’il porte la responsabilité du tort causé à tous, ce qu’à D.ieu ne plaise, dans le cas où une loi n’est pas promulguée comme elle aurait dû l’être, quelle que soit, par ailleurs, son importance. Je n’ai encore rencontré personne qui ait les épaules suffisamment larges pour endosser une telle responsabilité.
Bien évidemment, tout ceci ne concerne pas ceux qui ne reconnaissent pas les autorités ou, pour cette raison, refusent de se rendre en Terre Sainte. En revanche, ceux qui vivent sur place et apportent leur participation dans un domaine quelconque(8), faisant le choix de montrer leur extrémisme uniquement quand il s’agit des élections, vont à l’encontre de la logique et, bien plus, ils causent du tort à tous. Et, de fait, on a pu vérifier, ces dernières années, que la voix d’un seul député suffit à éviter de nombreux problèmes, la transgression d’une interdiction de nos Sages, ou même de la Torah. Vous devez comprendre ce que je veux dire.
Bien évidemment, vous pouvez transmettre au Rav Margolis tout ce que je développe ici, à propos des élections. Vous pouvez même lui écrire en des termes beaucoup plus vifs, car tout ce que vous pourrez dire ne suffira pas pour épuiser le sujet. Avant le don de la Torah, on pouvait envisager l’attitude de Noa’h, qui cherchait son propre salut et ne formula pas, à sa génération, les reproches qui s’imposaient, comme le dit le saint Zohar(9). Mais, il n’en est pas de même après le don de la Torah, lorsque tout Israël ne constitue qu’un seul et même organisme(10).
Tout cela est expliqué à propos du don de la Torah, que nous venons de célébrer. Si un seul des six cent mille enfants d’Israël était absent, même s’il s’agissait de Mi’ha, celui qui dressa une idole, la Torah n’aurait pas pu être donnée, ce qu’à D.ieu ne plaise, comme l’expliquent le Midrach Devarim Rabba, chapitre 7, paragraphe 8 et la Me’hilta de Rabbi Chimeon Ben Yo’haï.
Pour l’heure, je ne possède pas les livres du Rav Margolis, que vous citez dans votre lettre, c’est-à-dire le Tikoun Ha Yessod et le Yechev Rou’ho.
Avec ma bénédiction,
M. Schneerson,
Notes
(1) Le Rav Mena’hem Zeev Gringlass, de Montréal. Voir, à son sujet, les lettres n°2690 et 3741.
(2) Le Rav Ichaya Acher Zelig Margolis. Voir, à son sujet, la lettre n°3741.
(3) Voir, sur le contenu de cette lettre, la lettre n°3741.
(4) A Pessa’h 5698-1938 : “ Les Matsot font allusion aux réceptacles et ce que l’on pose sur elles, aux lumières ”.
(5) Sur le plateau du Séder.
(6) Divergeant de celles du Ari Zal.
(7) En Israël. Voir, à ce sujet, les lettes n°813, 1064, 3642, 3667, 3677, 3741 et 3767.
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Il serait bon de demander au Rav Margolis s’il utilise l’eau ou l’électricité et s’il paye ces services, s’il paye des impôts, lesquels permettent également de financer le ministère des cultes, c’est-à-dire de tous les cultes, avec tout ce que cela implique. Et, l’on pourrait multiplier les exemples. Il y a là une aide véritable et non uniquement une simple participation. Combien de fois a-t-il été arrêté, lui ou un de ses amis, pour ne pas avoir payé d’impôts ? Et, s’il est vraiment au niveau qu’il prétend avoir atteint, pourquoi ne met-il pas en pratique la décision du Rambam, à la fin du chapitre 6 des lois des opinions ? ”.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ Tome 1, page 106a, partiellement expliqué au traité Sanhédrin 108b. Vous consulterez le discours ‘hassidique intitulé “ Ce mois-ci ”, de l’été 5700. Vous verrez, en particulier, quel est le comportement de Moché, qui va à l’inverse de celui que décrit le Rav Margolis ”.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “ Vous consulterez le Séfer Hamitsvot du Tséma’h Tsédek, à la Mitsva de l’amour du prochain, selon lequel il est dit de celui qui adopte une autre attitude : ‘Il porte une infirmité. Il ne s’approchera pas pour offrir un sacrifice. La Lumière de l’En Sof, qui porte tout en elle, ne le souffrira pas’. Des propos terribles ! Et seul ‘celui qui est intègre sera agréé’. ”