Par la grâce de D.ieu,
9 Chevat 5715,
Brooklyn,
Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Chnéor Zalman Halévi(1),
Je vous salue et vous bénis,
Je fais réponse à votre question concernant tous les Kadichs suivant celui de Titkabel(2). Faut-il les dire ou non, lorsque aucun de ceux qui sont présents dans la synagogue n’a l’obligation de le faire(3) ?
Je vous ai déjà communiqué mon avis, sur le sujet. Il faut dire ces Kadichs. J’en expliquerai ici la raison, n’ayant pas reçu d’enseignement, à ce sujet. Et, une notion préalable sera introduite.
Concernant les Kadichs, on peut considérer qu’il est préférable de les réciter ou bien, au contraire, qu’il est préférable de ne pas les dire. En effet,
A) on sait qu’il ne faut pas multiplier les Kadichs, que l’on doit s’en tenir à ceux qui sont institués par les premiers Sages, comme le dit le Chaar Ha Collel, chapitre 11, paragraphe 29, au nom du Knesset Ha Guedola et des responsa Dvar Chmouel.
B) ces Kadichs récités après le Cantique du jour, Kavé et surtout Alénou, ne sont qu’une coutume, selon le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, chapitre 55 et ses références.
C) il est également nécessaire de ne pas gêner la communauté(4). Pendant les jours ouvrés, il y a, en outre, le devoir de ne pas négliger le travail, comme l’expliquent les traités Bera’hot 31a, à propos de la prière publique de Rabbi Akiva et Meguila 22b.
Même si l’on fait abstraction de tout cela, il faut se demander s’il est nécessaire de dire le Kadich, quand on n’est pas tenu de le faire, du fait du deuil ou bien de la fin d’une étude aggadique.
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On peut donner à ce propos l’explication suivante.
A) Le Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haïm, chapitre 132, paragraphe 2 dit, dans une note, qu’en l’absence d’orphelins, on récite les Kadichs pour tous les morts, en général. Néanmoins, celui qui le fera n’aura plus ses parents ou bien ceux-ci lui auront signifié qu’ils ne s’en formalisent pas. C’est également ce que dit le Ramah, dans le Choul’han Arou’h Yoré Déa, chapitre 376, paragraphe 4.
B) Lorsque la partie révélée de la Torah ne prend pas position, on adopte celle de la Kabbala, conformément au Chaareï Techouva Ora’h ‘Haïm, chapitre 25, paragraphe 14. Le Peri Ets ‘Haïm, porte des Kadichs et d’autres textes, le Chaar Ha Kavanot, le Sidour du Ari Zal, expliquent que la récitation d’un Kadich permet le passage d’un monde à un autre. C’est pour cela qu’on les dit entre Tefila Le David et Kavé, entre Kavé et Alénou. Vous consulterez ces textes.
Vous consulterez également le Likouteï Torah Masseï, à la page 92b, la causerie du 12 Tamouz 5707(5), aux paragraphes 14 à 18, de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera. Certes, la raison qui vient d’être invoquée ne s’applique pas au Kadich suivant Alénou, comme le fait remarquer le Peri Ets ‘Haïm, mais ce texte mentionne une autre raison, s’appliquant également lorsque personne, dans la synagogue, n’a une obligation(6). C’est ainsi que le Ramah dit : “ pour tous les morts, en général ”.
C) Par ailleurs, la récitation du Kadich a bien un contenu intrinsèque, comme l’expliquent le Réchit ‘Ho’hma, Chaar Ha Kedoucha, chapitre 17, paragraphe “ en particulier ” et l’introduction du Ets ‘Haïm, au paragraphe “ Fais le bien ”.
Tel est le sens du mot Tsaddik(7), Juste, qui fait allusion à quatre vingt dix Amen, quatre Kedoucha, dix Kadichs et cent bénédictions, comme le disent les derniers Sages et le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, Ora’h ‘Haïm, début du chapitre 55.
De fait, ce dernier dit d’abord qu’il y a, dans la prière, au moins sept Kadichs et il conclut qu’en fonction de ce qui vient d’être dit, il serait bon qu’un homme réponde Amen à dix Kadichs, chaque jour. Il est difficile de considérer qu’il exige ainsi de chacun qu’il participe à plusieurs offices successifs, afin de parvenir au nombre de Kadichs requis. Il faut en conclure qu’on inclut également les Kadichs qui ne sont qu’une coutume ou bien qui suivent une étude aggadique.
D) On ne peut parler, en pareil cas, de Kadich inutile, puisqu’une coutume juive est partie intégrante de la Torah. Or, celui-ci est bien récité pour une certaine raison.
E) La gêne causée à la communauté et le manque qui en résulte, pour l’activité professionnelle n’ont pas d’incidence, en la matière, car s’il y avait, dans la synagogue, des personnes tenues de dire le Kadich, elles le feraient effectivement. Ceci entre donc dans l’ordre normal de la prière et il faut l’accepter comme tel.
F) Aucune objection ne peut être soulevée sur la base de la lettre de mon beau-père, le Rabbi, qui figure dans le fascicule n°68(8), soulignant l’importance du Kadich des Sages, qui est récité après la Boraïta de Rabbi Ichmaël(9), alors qu’il ne formule pas la même affirmation pour les Kadichs suivant le Cantique du jour.
En effet, on peut expliquer simplement que ce Kadich avait été supprimé, dans la synagogue à laquelle cette lettre était adressée, comme cela est dit. Les autres Kadichs, en revanche, étaient effectivement récités.
G) Concernant le Kadich qui suit la lecture des Tehilim(10), mon beau-père, le Rabbi, apporte la précision suivante. Si quelqu’un qui est tenu de dire le Kadich est présent, on le fera après chaque livre. Si ce n’est pas le cas, on dira une seule fois ce Kadich, après la lecture de tous les Tehilim, comme le précise le Sidour Torah Or, édition de 5701(11).
Mais, cela n’est nullement comparable à ce qui fait l’objet de notre propos. En effet, dire le Kadich après chaque livre est un fait nouveau. Ainsi, notre coutume est de dire une seule fois le Kadich après le Cantique du jour, Bore’hi Nafchi(12) et Ledavid Hachem Ori(13), précisément pour ne pas multiplier ces Kadichs. C’est ce que dit le Chaar Ha Collel, chapitre 11, paragraphe 29.
Ce fait nouveau peut donc s’appliquer uniquement lorsqu’une personne présente a l’obligation de le dire.
Note: Conformément à notre coutume, précédemment citée, il me semble que, si l’on dit le Kadich après chaque livre, on doit lire, au préalable, le Yehi Ratson concluant ce livre. Celui qui dit le Kadich, au moins, le fera, afin d’apporter une conclusion à la lecture des Tehilim, justifiant ainsi que le Kadich soit ensuite récité. Par la suite, la lecture d’un autre livre est bien, en quelque sorte, une étape nouvelle, comme c’est le cas de la bénédiction après le repas, lorsque celui-ci est coupé en deux, selon l’explication du Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, chapitre 291, fin du paragraphe 3.
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Il résulte de tout ce qui vient d’être dit qu’à mon avis, il faut réciter tous les Kadichs qui figurent dans notre coutume, c’est-à-dire après le Cantique du jour, Kavé et Alénou, même si aucun des présents, dans la synagogue, n’est tenu de le faire. Bien plus, il en sera de même pour le Kadich suivant les Tehilim(14), qu’il a été institué de dire chaque jour après Cha’harit. Le Levouch explique, en effet, au chapitre 132, qu’il faut toujours dire un Kadich après avoir lu des versets.
Avec ma bénédiction,
M. Schneerson,
N. B. : On peut s’interroger sur l’affirmation du Peri Ets ‘Haïm, précédemment citée, selon laquelle le Kadich est le moyen de faire la transition entre les mondes. Pourquoi les Kadichs précédant le Cantique du jour sont-ils obligatoires, alors que les suivants ne le sont pas?
On trouve la réponse à cette question dans le Peri Ets ‘Haïm, porte de la lecture de la Torah, chapitre 3 et dans d’autres textes. Jusqu’à la Amida, la prière se répartit entre les quatre mondes spirituels d’Atsilout, de Brya, de Yetsira et d’Assya. Chacun de ces mondes se trouve alors à sa place et c’est par l’intermédiaire du Kadich que l’on s’élève d’Assya vers Yetsira et ainsi de suite.
Après Ouva Letsyon, par contre, et jusqu’à Alénou, tous ces mondes se trouvent dans celui d’Atsilout, bien qu’ils y restent différents l’un de l’autre. Dès lors, le Kadich est moins nécessaire, sans être totalement exclu. En conséquence, il n’est plus une obligation, mais devient une coutume juive. Ce point ne sera pas développé ici.
Je viens de trouver dans les responsa Zi’hron Yehouda, Ora’h ‘Haïm, chapitre 73, que l’auteur du Ktav Sofer avait l’habitude de dire lui-même les Kadichs suivant Alénou et le Cantique du jour, lorsque aucun des présents n’avait l’obligation de le faire. Il est précisé qu’il avait vraisemblablement adopté, en la matière, le comportement de son père, le ‘Hatam Sofer. Vous consulterez également le Sdeï ‘Hémed, dans la partie “ recueil de lois ”, à l’article “ deuil ”, paragraphe 163.
Notes
(1) Le Rav C. Z. Duchman. Voir, à son sujet, la lettre n°2285.
(2) Qui est dit après la prière de Ouva Letsyon.
(3) N’étant pas en deuil.
(4) En lui imposant une trop longue prière.
(5) 1947, du précédent Rabbi.
(6) De dire le Kadich.
(7) Qui s’écrit Tsaddik, Dalet, Youd et Kouf, lettres dont les valeurs numériques sont quatre vingt dix, quatre, dix et cent.
(8) Il s’agit du fascicule n°64, figurant dans le Séfer Hamaamarim 5709, page 98. Voir aussi les Iguerot Kodech du précédent Rabbi, lettre n°739.
(9) Avant Hodou.
(10) Avant la prière du matin, pendant le Chabbat qui précède le nouveau mois.
(11) 1941.
(12) Le Psaume qui lui est ajouté à Roch ‘Hodech.
(13) Le Psaume qui lui est ajouté pendant le mois d’Elloul.
(14) Selon leur répartition mensuelle, après la prière du matin.