Par la grâce de D.ieu,
7 Chevat 5715,
Brooklyn,
Au Rav, distingué ‘Hassid qui craint D.ieu,
le Rav Chimeon(1),
Je vous salue et vous bénis,
A) J’ai bien reçu votre lettre du 26 Tévet, qui faisait suite à un long silence. Vous évoquez la création de synagogues ‘Habad, en quelques endroits de Jérusalem. Différents détails, en la matière, évoluent d’un moment à l’autre et dépendent des conditions du lieu. Il est donc difficile de prendre une position tranchée, à distance.
En conséquence, je n’énoncerai, en la matière, que des principes généraux. Il est, bien sûr, louable de multiplier le nombre de telles synagogues. En effet, il arrive que les distances empêchent les ‘Hassidim de prier dans des synagogues de rite ‘Habad et, bien entendu, il est alors impossible d’attirer ceux qui, pour l’heure, ne sont pas des ‘Hassidim.
A l’opposé, il ne s’agit pas de mettre en concurrence une synagogue ‘Habad et une autre. Certes, il est dit que “ la compétition entre les érudits favorise la sagesse ”. Cela ne veut pas dire que deux synagogues doivent lutter, pour s’arracher ceux qui viennent y prier.
De même, une synagogue doit se trouver dans un lieu et avoir une organisation qui ne repousse pas ceux qui s’y rendent, mais, bien au contraire, les attirent. L’état des murs importe donc et si, en créant une telle synagogue(2) dans un certain quartier, on cesse de chercher un endroit convenable, il est bon de retarder sa création, pendant quelques temps. Ainsi, un peu plus tard, on pourra trouver un endroit mieux adapté.
Il faut également savoir, même si cela devrait être une évidence, qu’il ne convient pas d’adopter une position rigoriste et que l’on doit, bien au contraire, attirer les personnes qui, pour l’heure, n’appartiennent pas à ‘Habad. Bien plus, il est important que celles-ci soit nombreuses, d’autant qu’elles n’ont pas leur mot à dire sur le comportement dans la synagogue et la maison d’étude.
Il est tout aussi évident que, dans une telle synagogue, on doit instituer la lecture des Tehilim et l’étude de la ‘Hassidout, dans un premier temps pour les débutants, si une part importante des présents entre dans cette catégorie. Il faut, en effet, prendre en compte la situation majoritaire. Ceci concerne la quantité et la qualité de l’étude, mais non le principe de son existence.
B) Concernant votre voyage ici, vous recherchez quelqu’un qui pourrait vous prêter les fonds nécessaires. Je n’en vois pas bien l’utilité. A l’opposé, votre travail actuel s’en trouvera diminué ou au moins affaibli(3). Il y a là l’intérêt de tous contre celui d’une seule personne, car on peut largement diffuser l’enseignement de ‘Habad, ses pratiques et ses voies, en notre Terre Sainte. Peu nombreux sont ceux qui sont actifs, en la matière, qui possèdent les capacités nécessaires, bien plus, qui se sont déjà engagés en ce sens et l’ont même fait honorablement.
A n’en pas douter, si vous venez ici pendant quelques temps, un manque se fera ressentir dans ce qui est accompli et les préparatifs de votre voyage auront également le même effet.
Par ailleurs, l’accord de votre épouse est également nécessaire. Or, même si elle l’accorde, elle le fera contre son gré, au moins pour partie. Il en serait de même s’il n’y avait pas une question financière, mais combien plus est-ce le cas, alors que vous ne vous trouvez pas dans l’opulence matérielle. Car, le coût du voyage, aller et retour, représente plusieurs centaines de livres. De plus, il est possible de répondre par écrit à la majeure partie des questions que vous vous posez. Investissez-vous(4) donc dans la diffusion des sources et tout ira pour le mieux. Il est inutile d’en dire plus, tant cela est évident.
Chaque jour, chaque instant est précieux, à l’approche de la période “ pendant laquelle on dira ”(5), selon le traité Chabbat 151b, le commentaire de Rachi à la même référence et le Rambam, fin des lois de la Techouva et fin des lois des rois. Ce sujet ne sera pas développé ici.
Vous consacrerez à ce qui vient d’être dit le temps que vous ne passez pas à prier, à enseigner la Torah et à faire ce qui est nécessaire pour la maison. Et, vous vous réjouirez de la bonne part que D.ieu vous a confiée.
Vous faites état de certaines coutumes, à propos desquelles vous avez un doute. Celles de ‘Hanoukka sont exposées dans le fascicule Barou’h Chéassa Nissim, qui en indique également les références. En la matière, je ne vois pas sur quelle base on pourrait faire une différence entre Erets Israël et le reste du monde.
Vous évoquez la coutume de dire le Bare’hou tous les matins, après la prière(6) et vous faites sûrement allusion à ce que dit le Tour et Choul’han Arou’h, au chapitre 133. La position de l’Admour Hazaken, en la matière, peut être établie par le fait que cette mention ne figure pas dans le Sidour, alors que ce second Bare’hou est effectivement récité, le vendredi soir. De plus, dans la maison du Rabbi, il n’a jamais été question de le dire.
Vous consulterez également le Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, chapitre 69, paragraphe 4, le Ketsot Ha Choul’han, tome 1, chapitre 24, paragraphe 10, le Kéter Chem Tov du Rav Chem Tov Gagin, au paragraphe 243. Le Ketsot Ha Choul’han dit que telle est la coutume d’Erets Israël, mais, comme je le disais, l’Admour Hazaken ne le cite pas dans son Sidour et il semble donc qu’il ne le retient pas. En effet, le second Bare’hou du vendredi soir est également basé sur la Kabbala, comme le dit le Chaar Ha Collel et il figure bien, dans le Sidour. Celui de chaque jour, par contre, n’est pas mentionné.
Cette coutume, par ailleurs, n’est pas liée à la sainteté de la Terre Sainte. En effet, le Chaareï Techouva, au chapitre 286, rapporte qu’à son époque, elle était respectée en Terre Sainte et en Egypte. Néanmoins, il faut savoir, comme le dit l’Admour Hazaken, à la référence précédemment citée, que l’on ne doit pas aller jusqu’à la controverse, en la matière.
Vous évoquez l’entrée et la sortie du Chabbat. Vous soulignez que ce jour doit durer trente six heures(7). Vous précisez même que ceci est “ bien connu et évident ”. J’ai entendu que ce devait être le cas pour Yom Kippour et cela est reproduit dans le Hayom Yom, mais non pour le Chabbat, d’autant que le Sidour, rédigé par l’Admour Hazaken de nombreuses années après le Choul’han Arou’h, ne parle pas de vingt six heures, lorsqu’il définit l’entrée du Chabbat. Et, selon lui, on peut même adopter un position plus conciliante à propos des vingt six heures de Yom Kippour, en comptant une partie d’une heure pour une heure entière. Il suffit donc que la journée dure un peu plus de vingt cinq heures.
Vous profiterez sûrement de la Hilloula de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, de la manière qui convient. D.ieu permettra que vous annonciez de bonnes nouvelles, sur ce point et sur tous les autres.
Avec ma bénédiction de réussite,
M. Schneerson,
Notes
(1) Le Rav C. Jacobovitch. Voir, à son sujet, la lettre n°3023.
(2) Aux murs peu attirants.
(3) Du fait de ce voyage.
(4) Textuellement “ Jetez-vous ”.
(5) Celle de la délivrance, pendant laquelle on se dira que l’on n’a pas pleinement tiré profit de la situation actuelle.
(6) Voir, à ce sujet, la lettre n°3098.
(7) Voir Likouteï Dibbourim, tome 3, page 534a.