[19 Tévet 5715]
Vous me posez la question suivante. Sur quelle base le jour lumineux du 19 Kislev est-il appelé “ la fête des fêtes ”(1), expression employée dans l’introduction du fascicule sur le 19 Kislev(2) ? Quel est le sens de cette expression et que recouvre-t-elle ?
Cette introduction a été rédigée par mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, mais, pour différentes raisons, il ne voulut pas la signer(3).
On peut donner, à ce sujet, l’explication suivante, bien que je ne la tienne pas de lui.
Le Meoreï Or, lettre ‘Heth, paragraphe 5, se basant sur le Tikouneï Zohar, Tikoun 21, page 58b, explique que la “ fête des fêtes ” n’est pas une festivité indépendante, mais plutôt le dénominateur commun à toutes les fêtes. Vous consulterez également le Béer La’haï Roï, avec le commentaire du Gaon de Vilna.
Le contenu des fêtes est la joie, comme le dit le traité ‘Haguiga 10b. Celle-ci fait le lien entre la part de la fête qui est celle de l’homme et celle qui appartient à D.ieu. Or, disent nos Sages, “ il n’est de joie que par la viande ”, c’est-à-dire, en l’occurrence, celle des sacrifices de ‘Haguiga. C’est la raison pour laquelle, à l’heure actuelle(4), “ il n’est de joie que par le vin ” et vous observerez, à ce sujet, la formulation du Choul’han Arou’h de l’Admour Hazaken, auteur du Tanya, au chapitre 529, paragraphe 7.
Le Précepte “ servez D.ieu dans la joie ” est l’un des fondements de l’enseignement de la ‘Hassidout, comme l’ont maintes fois souligné le Baal Chem Tov et ses disciples après lui, l’Admour Hazaken et ses disciples après lui. Un autre fondement en est la nécessité de faire participer le corps au service de D.ieu. Il faut donc rejeter les jeûnes et les mortifications, conformément à l’interprétation bien connue du verset “ lorsque tu verras l’âne de ton ennemi [en l’occurrence, la matière du corps]… (5) tu lui viendras en aide ”. Il ne faut donc pas le briser par des mortifications.
C’est le 19 Kislev que l’Admour Hazaken fut libéré, ici-bas, parce que l’autorisation fut accordée, là-haut, de diffuser l’enseignement de la ‘Hassidout et ses usages.
En effet, “ nul ne bouge le doigt…(6) ”. Il faut en conclure qu’un accord a bien été donné, là-haut, pour que l’on diffuse cet enseignement.
Tel est le dénominateur commun à toutes les fêtes.
* * *
L’équivalent des faits et des actes qui viennent d’être décrits existe également dans l’apport de la ‘Hassidout à l’étude de la Torah.
L’enseignement de ‘Habad demande à chacun d’étudier la partie profonde de la Torah et de la comprendre, par toutes les forces de son intellect.
Bien entendu, certains enseignements allusifs de la Torah ne peuvent pas encore être révélés, ou bien sont connus, sans qu’on puisse réellement les comprendre, de sorte qu’on doit les appréhender par la foi.
Le Zohar, tome 3, page 93b, introduit, en allusion, ce qui est expliqué dans le Likouteï Torah, Tsav, page 11d, c’est-à-dire la différence qui existe entre le Chabbat et la fête. Le Chabbat est qualifié de saint(7) ou encore, selon l’expression du Zohar, tome 3, page 94b, il est “ un stade indépendant ”.
C’est pour cela que le Chabbat apporte le plaisir et non la joie, précédemment définie. Le plaisir transcende la raison. Aussi nos Sages disent-ils que “ ce n’est qu’avec difficulté qu’il a été permis de prononcer des paroles de la Torah, pendant le Chabbat ”, comme l’explique la fin du Séfer Hirea de Rabbénou Yona et les additifs du Torah Or, à la Parchat Tissa.
La fête, en revanche, est une “ convocation sainte ”, c’est-à-dire qu’il faut y appeler, y mettre en évidence la sainteté. Il est alors permis d’effectuer les travaux liés à la nourriture.
La ‘Hassidout établit une distinction similaire entre l’attribut de découverte intellectuelle, d’une part, qui s’apparente au Chabbat, introduit des idées premières, évidentes, ne donnant pas matière à discussion et l’attribut d’analyse raisonnée, d’autre part, qui symbolise la fête, la convocation sainte, la compréhension.
Ce qui vient d’être dit justifie la conception de l’auteur du Tanya, selon laquelle il faut étudier l’enseignement profond de la Torah, jusqu’à le comprendre, ce qui est bien le dénominateur commun de toutes les fêtes.
Notes
(1) Voir, à ce sujet, la lettre du précédent Rabbi, écrite le 5 Tévet 5698-1938, dans ses Iguerot Kodech, tome 4, lettre n°967, qui dit : “ la fête des fêtes, le 19 Kislev ”. Dans une lettre du 20 Kislev 5703-1942 (tome 7, lettre n°1890), le précédent Rabbi dit : “ La fête des fêtes, le 19 Kislev, qui est le Roch Hachana de l’enseignement de la ‘Hassidout ‘Habad ”.
(2) En hébreu, éditée pour la première fois en 5712-1951 et en Yiddish, éditée en 5698-1937, puis rééditée en 5702-1941.
(3) Voir, à ce sujet, les lettres n°3104 et 3159.
(4) Alors qu’il est impossible d’offrir un sacrifice.
(5) Ployer sous son fardeau et voudras l’abandonner (mais, néanmoins).
(6) Ici-bas, s’il n’en est pas ainsi, là-haut.
(7) Au sens de séparé.