Lettre n° 2942

Par la grâce de D.ieu,
22 Elloul 5714,
Brooklyn, New York,

A un groupe de jeunes filles(1),
que D.ieu vous accorde longue vie,

Je vous bénis et vous salue,

J’ai reçu votre lettre depuis quelques temps et, pour différentes raisons, ma réponse a été retardée.

Au seul du nouvel an, qui approche, pour nous et pour tout Israël, pour le bien et pour la bénédiction, je vous apporte ma réponse, au moins brièvement, car il est très difficile d’expliquer tout cela par écrit et j’espère que cette dame(2) pourra vous apporter les éclaircissements qui seront nécessaires sur mes propos.

Tous les Juifs, “ croyants et fils de croyants ”, ont la conviction que le Créateur dirige le monde, par Sa Providence. Bien évidemment, il n’est pas un seul aspect(3) qui soit inutile. Combien plus est-ce le cas pour le genre humain et, encore plus clairement, pour le peuple élu. Chaque Juif et chaque Juive, en effet, reçoit une mission spécifique, non seulement pour lui-même, mais aussi envers la collectivité.

On peut comprendre aisément, et la pratique en fait la preuve, que la finalité de la vie n’est pas de se consacrer aux plaisirs du monde, qui finissent par s’altérer. Bien au contraire, “ l’homme est né pour l’effort ” et, lorsqu’il l’investit dans la Torah et les Mitsvot, qui sont éternelles, il obtient la satisfaction morale, en particulier quand il agit également pour le bien de l’autre. Tel est le sens de l’expression “ Torah de vie ” qui, au sens littéral, fait allusion à la vie dans ce monde matériel.

Bien entendu, cela ne veut pas dire que l’on doit éprouver du dégoût pour les plaisirs de ce monde, au point de s’imposer des mortifications et des souffrances, tout au long de sa vie. On sait, et la ‘Hassidout l’établit, que ces mortifications ne sont pas un but en soi. Pour autant, il faut déterminer ce qui est principal et ce qui est accessoire. Et, les plaisirs auxquels vous faites allusion dans votre lettre et dont vous avez tant de mal à vous séparer ne sont pas le but recherché. Il ne faut considérer l’or ou le cinéma comme un “ veau ”(4). Vous conviendrez que ceux-ci sont secondaires, ou même totalement dépourvus de tout contenu profond.

Il en était déjà ainsi lorsque tout allait bien. Combien plus est-ce le cas en la présente époque, alors que certains idéaux, certaines fausses conceptions ont montré à quel point ils sont vides, sans apport réel. L’homme qui est dans la détresse ne sera pas sauvé par l’argent ou par la force. De nos jours, il est plus aisé de prendre conscience de cette vérité absolue, de parvenir à l’intégrité, après la disparition des voiles et des obstacles imposés par ces idéaux insensés, par les vanités du monde, qui remettent en cause la logique première.

Chacun de ceux, appartenant à notre peuple, qui a survécu, comme un tison sauvé du feu, à la terrible destruction(5), doit considérer qu’il est un émissaire, chargé d’assumer non seulement la mission qui lui est confiée, mais aussi celle des personnes qui sont parties avant leur temps.

Au même titre que le peuple juif dans son ensemble, ceux qui ont observé la Torah et les Mitsvot ont conservé l’existence jusqu’à ce jour. A l’opposé, les groupes qui se sont écartés du droit chemin ont disparu ou bien ne sont que quelques uns, devenant de plus en plus faibles, comme des membres inertes(6).

Il en est de même pour chaque individu. Celui qui adopte le chemin de la Torah dans son existence quotidienne, en particulier dans ses pensées, ses paroles et ses actions, connaît la plénitude, y compris dans ce monde, car chacun de ses jours est empli de son juste contenu et lui apporte la satisfaction.

L’idée fondamentale découlant de cette analyse est la suivante. Globalement, la Torah et les Mitsvot ont préservé les Juifs de l’extinction. Elles sont le fil conducteur, reliant entre elles toutes les générations, depuis le don de la Torah jusqu’à maintenant.

Je formule le vœu et j’ai la conviction que chacune d’entre vous empruntera ce chemin, que nos ancêtres ont tracé pour nous, que vous avancerez, en sécurité, sur la voie qui permet d’avoir le bonheur matériel, précisément parce que vous connaîtrez le bonheur spirituel.

Je vous adresse ma bénédiction pour que vous vous serviez de toutes vos forces, de toutes vos capacités, de l’héritage de vos parents, du fait de la guerre(7), afin de rester fidèles à l’éternité d’Israël, à sa Torah et d’influencer votre entourage dans cette même direction.

Avec ma bénédiction afin que vous soyez inscrites et scellées pour une bonne année,

Notes

(1) Le Rabbi précise la ville dans laquelle celles-ci se trouvent.
(2) Vraisemblablement celle qui a dirigé ces jeunes filles vers le Rabbi.
(3) Qui soit inutile.
(4) Un veau d’or, une idole.
(5) A la Shoa.
(6) Parce qu’ils ont été détachés du corps auquel ils appartiennent.
(7) A cause de laquelle ils ne sont plus là.