Lettre n° 2423

Par la grâce de D.ieu,
22 Chevat 5714,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre du 17 Tévet, dans laquelle vous me décrivez brièvement votre vie et vos études, jusqu’à maintenant. Je suis surpris que vous ne me disiez pas si vous étudiez régulièrement la ‘Hassidout et le Moussar. Car, si, de tout temps, une telle étude fut nécessaire, combien plus l’est-elle actuellement, en cette génération du talon du Machia’h, lorsque se multiplient les difficultés et les obstacles pour craindre D.ieu et accomplir concrètement les Mitsvot. Combien plus doit-il en être ainsi dans un endroit où il n’y a que peu de Juifs pratiquants.

Parmi ces difficultés et ces obstacles, il y a également toutes les questions que l’on se pose à propos de la divine Providence. En fait, il ne s’agit pas de leur apporter une réponse, mais seulement de trouver un prétexte pour s’écarter de la pratique des Mitsvot. Parfois, ces questions sont même l’expression d’un désir, émanant du mauvais penchant, de ne pas se soumettre à D.ieu.

Bien évidemment, il n’est pas aisé, dans le cadre d’une lettre, d’expliquer ces questions, qui sont, en fait, celles du mauvais penchant, d’autant que, comme je l’ai dit, ceux qui les posent, bien souvent, ne s’intéressent pas aux réponses et recherchent uniquement un subterfuge pour s’écarter du droit chemin.

Néanmoins, je tenterai de répondre brièvement aux questions qui vous ont été posées. Comment croire à la divine Providence ? Comment imaginer que D.ieu est le Maître du monde et le dirige ? N’a-t-on pas vu, par exemple, l’an dernier, en Hollande une inondation qui a fait des centaines de victimes, hommes, femmes et enfants, en plus de tous les dégâts matériels ?

Je vous donnerai une explication en prenant pour référence un autre métier. Imaginez un homme qui n’a jamais connu la civilisation, qui a grandi seul, dans un désert. Soudain, celui-ci est conduit dans le cabinet d’un dentiste ou d’un chirurgien. Là, il voit un enfant, assis sur le fauteuil, pieds et poings liés et le dentiste lui arrache une dent, alors qu’il pousse des cris.

Il en est de même pour le chirurgien. Il verra un homme attaché à la table d’opération, incapable de bouger, de se défendre ou de s’enfuir, subissant une intervention et perdant du sang. Il est clair que celui à qui échappe l’idée que les médecins sont des hommes droits et justes, qui, bien entendu, n’a aucune notion de médecine, parviendra à la conclusion que l’homme s’en prenant à l’enfant ou à l’opéré n’est qu’un criminel, infligeant de terribles douleurs à ceux qui tombent entre ses mains.

Il n’en sera pas de même si cet invité, venu du désert, possède des notions sur la manière de guérir le corps physique, s’il sait qu’il est parfois nécessaire de subir une opération ou d’arracher une dent gâtée. Sur le moment, la douleur est grande, mais c’est ainsi que l’homme peut être préservé d’une longue et terrible souffrance, que son corps restera en bonne santé pendant des dizaines d’années.

Même si cet homme ne connaît rien de la médecine, il pourra vérifier que le dentiste ou le chirurgien est un homme bon, déplorant la douleur de l’enfant ou de l’opéré, mais convaincu que celle-ci est nécessaire, au moins de façon passagère, pour exercer son effet, par la suite, pendant des dizaines d’années.

Il en va de même pour ce qui fait l’objet de notre propos. Chacun d’entre nous est le spectateur d’événements passagers, qui se déroulent pendant quelques jours, quelques mois ou quelques années et l’on oublie complètement que son âme existait déjà, plusieurs milliers d’années avant cela. Bien plus, cette âme est immuable. Elle sera donc identique demain et pour l’éternité. En lui imposant une souffrance passagère, légère si l’on considère la vie de cette âme avant cet événement et après celui-ci, on peut lui procurer un avantage qui sera éternel, pour le passé et pour le futur. En pareil cas, non seulement on ne remettra pas en cause le principe de ces souffrances mais, bien plus, selon les termes du prophète Ichaya (12, 1), on dira : “ Je Te loue, Eternel, pour m’avoir réprimandé ”.

Bien évidemment, on peut encore se poser une autre question. Pourquoi la règle, dans la création, est-elle qu’il faut passer par une phase qui n’est pas bonne afin de pouvoir ensuite accéder au bien ? Pourquoi faut-il arracher une dent, subir une opération, comme nous l’avons dit, ou, plus généralement, pourquoi D.ieu ne satisfait-Il pas, sans contrepartie, les besoins de chacun, sans aucun effort de sa part ?

Or, à l’opposé de cette conception, nos Sages affirment que le résultat est à la mesure de l’effort. Et, D.ieu est l’Essence du bien. Il aurait donc dû satisfaire tous les besoins sans aucun effort de la part des hommes. Nos saints livres répondent également à cette question et nous ne le ferons donc pas ici.

D.ieu fasse que vous étudiez la Torah en Le craignant de manière pure, sans subir les difficultés et les questions. Vous croirez, d’une foi pure et intègre, que D.ieu est l’Essence du bien, que l’on peut donc s’en remettre pleinement à Lui, car tout ce qu’Il fait est bon et juste, “ Il est le rocher, dont l’action est intègre ”. Ainsi, vous progresserez de manière sûre sur la voie de la Torah et des Mitsvot.

Plus profondément, il est possible de servir le Créateur de cette façon, de manière joyeuse, en fixant un temps pour l’étude de la ‘Hassidout.

Concernant le moyen d’assurer la subsistance de votre mère, j’ai demandé à mon bureau d’étudier la possibilité d’intervenir, en la matière. On vous écrira, à ce sujet.

Avec ma bénédiction,