Lettre n° 2292

Par la grâce de D.ieu,
10 Kislev 5714,
Brooklyn, New York,

Aux ‘Hassidim et à tous nos frères,
les fils et filles d’Israël, partout où ils se trouvent,
que D.ieu vous accorde longue vie,

Je vous salue largement et vous bénis,

Nous célébrons(1) la fête de la libération(2) du 19 Kislev, celle de l’Admour Hazaken, auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h, qui fut emprisonné pour avoir diffusé l’enseignement de la ‘Hassidout ‘Habad, ses pratiques et ses coutumes.

Sa libération et la fin de son incarcération marquèrent le début de l’accession à la largesse, du développement et de l’expansion des conceptions et du mode de vie de la ‘Hassidout ‘Habad, en particulier et de la ‘Hassidout, en général.

A cette occasion, je vous adresse ma bénédiction profonde, pour que chacun et chacune d’entre nous soit libéré, que l’on s’affranchisse de toutes les préoccupations, intérieures et extérieures, emprisonnant la part de bonté et de générosité que chacun possède(3), lui faisant barrage, que cette part soit l’aspect dominant de la personnalité, que l’homme soit un ‘Hassid, c’est-à-dire celui qui aime le bien et le met en pratique, qui est bon moralement(4), qui est bon envers son prochain, étant pénétré des trois amours, amour d’Israël, amour de la Torah et amour de D.ieu, lesquels ne forment qu’une seule et même entité.

* * *

On connaît les enseignements de nos Sages selon lesquels “ chaque âme, telle qu’elle est, se tient devant le saint Roi ” et “ les âmes sont incrustées sous le Trône céleste ”(5).

Ces propos de nos Sages soulignent ce qui est une évidence, c’est-à-dire la pureté et l’élévation de l’âme, qui est toute spiritualité, qui n’a aucune relation intrinsèque avec la matérialité et la grossièreté, encore moins avec l’envie, laquelle est uniquement le fait du corps et de l’âme animale.

Malgré cela, le Saint béni soit-Il voulut qu’une telle âme, “ parcelle de Divinité véritable ”, descende ici-bas, se revête d’un corps physique et grossier, auquel elle reste liée pendant plusieurs dizaines d’années. De la sorte, et durant toute cette période, elle se trouve en opposition absolue avec sa nature véritable.

Elle fait tout cela pour mener à bien la mission que lui confie le Créateur, celle d’affiner son corps, d’illuminer tout ce qui concerne ce monde matériel et les préoccupations de l’homme, par la Lumière infinie de D.ieu, afin d’y bâtir un Sanctuaire pour Sa Présence.

De ce fait, les souffrances et les douleurs qu’éprouve cette âme, se trouvant dans un corps et un monde matériels, sont totalement négligeables. La récompense et le bonheur éternels qu’elle reçoit pour avoir mené à bien la mission qui lui est confiée n’ont aucune commune mesure(6) avec les épreuves passagères de ce monde.

* * *

On comprend aisément la grandeur et la profondeur de la douleur qu’éprouve cette âme, lorsqu’elle endure ces douleurs et ces souffrances, bien plus lorsqu’elle les intensifie en recherchant la matérialité et la grossièreté, mais que l’on ne tient aucun compte de la raison d’être, de la finalité de sa présence ici-bas, menées à bien uniquement par une existence quotidienne basée sur la Torah et ses Mitsvot. Et, même si l’on éprouve, de temps à autre, le désir de les mettre en pratique, on le fait machinalement, uniquement pour s’acquitter d’une obligation.

Avant tout, une telle manière d’agir conduit à perdre l’occasion qui est offerte de mettre en pratique la Volonté du Créateur, la récompense et le bonheur éternel qui en découlent. De plus, elle heurte la logique première, puisqu’elle conduit à choisir l’aspect le plus dur et le plus mauvais de la vie, en assujettissant et en faisant souffrir l’âme qui descend dans le corps, en repoussant des deux mains l’effet positif que peut avoir sa descente “ d’une cime élevée vers une fosse profonde ”, c’est-à-dire l’immense élévation qu’elle obtient en s’en tenant aux Injonctions du Créateur.

Nos Sages enseignent, en conséquence, que “ l’homme ne commet une faute que dans la mesure où il est saisi par un esprit de folie ”. Il est bien clair qu’il en est ainsi, sans qu’une profonde réflexion ne soit nécessaire pour l’établir, puisque la logique élémentaire en atteste. En effet, l’âme, “ parcelle de Divinité véritable ”, doit se vêtir d’un corps matériel, “ poussière de la terre ”, durant plusieurs dizaines d’années, ainsi qu’il est dit “ tu vis contre ton gré ” et un immense effort est indispensable de sa part pour atteindre ce bien caché, grâce à une existence quotidienne conforme aux enseignements de la Torah de notre D.ieu, ainsi qu’il est dit : “ En toutes tes voies, reconnais-Le ”(7).

* * *

Un autre point doit être rappelé. D.ieu, Qui est l’Essence du bien, contraint l’âme à descendre “ d’une cime élevée vers une fosse profonde ”, afin d’étudier la Torah et de pratiquer les Mitsvot. Il y a là une preuve tranchée de l’importance de cette étude et de cette pratique des Mitsvot.

Il en découle également que l’on ne peut atteindre le but sans passer par cette grande descente et, comme la Torah le demande, se trouver ici-bas, sur la terre. S’il était un moyen plus facile et plus accessible d’y parvenir, D.ieu n’aurait pas imposé à l’âme ces chutes successives, depuis le Trône céleste jusqu’à ce monde matériel, le plus inférieur de tous.

C’est uniquement ici bas, en cette “ fosse profonde ”, que l’âme peut atteindre la plus haute élévation, surpasser les anges. De fait, nos Sages affirment que “ les Justes précèdent les anges du Service divin ”.

* * *

Celui qui, par sa pensée, méditera profondément à la valeur de la Torah et des Mitsvot, que l’on accomplit précisément dans ce monde matériel et comprendra qu’elles sont le seul moyen d’atteindre le but, éprouvera une joie immense en considérant la part qui lui est impartie et le sort qui est le sien, malgré les voiles et les obstacles, intérieurs et extérieurs, qu’il affronte, dans ce bas monde. C’est alors et alors seulement qu’il pourra mettre en pratique, de manière sincère et profonde, l’Injonction : “ Servez D.ieu dans la joie ”.

Cette manière de servir D.ieu occupe une place centrale dans la conception du Baal Chem Tov, comme l’explique longuement la ‘Hassidout ‘Habad et comme le montre l’Admour Hazaken, dont nous commémorons la joie, dans le Tanya, à partir du chapitre 26, puis à partir du chapitre 31, en quelques lignes seulement, mais dont le contenu est immense.

Avec ma bénédiction à l’occasion de la fête de la libération,

M. Schneerson,



Notes

(1) Voir, à ce sujet, les lettres n°2356 et 2391.
(2) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir, à ce propos, la brochure éditée pour le 19 Kislev ”.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Zohar, tome 2, page 114b et l’introduction du Tikouneï Zohar, page 2b. ”
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le commentaire de Rachi sur le traité Chabbat, page 127b. ”
(5) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Zohar, tome 3, page 104b, page 29b, le discours ‘hassidique intitulé ‘Sonnez du Choffar’ 5694, dans le Séfer Hamaamarim 5711 de mon beau-père, le Rabbi, dont le mérite nous protégera, page 11. Le réservoir des âmes, qui est appelé le ‘corps’, est inférieur à ces deux niveaux. Il concerne donc également les âmes des autres nations, selon les Tossafot, au traité Avoda Zara 5a. On consultera aussi le Likouteï Torah du Ari Zal Ichaya, page 59, le Ets ‘Haïm, porte 26, chapitre 2, le Emek Haméle’h, porte 6, chapitre 72, les notes et résumés sur le Tanya, à partir de la page 83. ”
(6) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le traité ‘Haguiga 15b, le début du Likouteï Torah, page 1d, l’introduction du Ramban sur le livre de Yov, cité à la fin d’Igueret Hatechouva, de l’Admour Hazaken. ”
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Rambam, lois des opinions, fin du chapitre 3 et le Tour Choul’han Arou’h Ora’h ‘Haïm, chapitre 231. ”
(8) Le Rabbi note, en bas de page : “ Yerouchalmi Chabbat, fin du chapitre 6 ”.