Lettre n° 2251

Par la grâce de D.ieu,
28 Tichri 5714,
Brooklyn, New York,

Au distingué ‘Hassid, aux grandes qualités,
se consacrant aux besoins communautaires,
empli d’ardeur et aux multiples accomplissements,
le Rav Its’hak(1),

Je vous salue et vous bénis,

J’ai reçu avec plaisir vos livres, les trois premiers tomes du Neïm Zemirot Israël(2), recueil de propos de nos Sages et de commentaires sur les Psaumes. Je vous remercie beaucoup pour ce cadeau.

Comme vous le savez, la vie spirituelle de l’homme est dirigée par deux éléments(3), le cerveau et le cœur, qui correspondent à l’intellect et au sentiment.

En conséquence, l’homme sert également D.ieu de deux manières, par la prière et par l’étude de la Torah. Cette dernière est “ notre sagesse et notre entendement ”, alors que la première est “ le service de D.ieu du cœur ”(4) ou, selon l’expression de l’Admour Hazaken(5), auteur du Tanya et du Choul’han Arou’h : “ dans le cœur et avec le cœur ”.

Néanmoins, la création dans son ensemble, qui émane du D.ieu unique, est bien liée, unie à Lui, de sorte que celui qui l’observe, même superficiellement, décèle l’imbrication et l’enchevêtrement des différentes parties qui la constituent.

Il en est de même, a fortiori, pour un Juif et, plus généralement, pour tout ce qui procède du domaine de la Sainteté. La lumière du D.ieu unique y apparaît plus clairement et il est plus évident que chaque élément est lié à tous les autres.

Ce qui vient d’être dit nous permet de comprendre pourquoi Beth Hillel adopte parfois l’avis le plus rigoriste et Beth Chamaï, le plus indulgent(6). En effet, la source de l’âme de Beth Chamaï(7) est l’Attribut céleste de rigueur. C’est la raison pour laquelle celui-ci est, d’ordinaire, toujours sévère. Malgré cela, il lui arrivait également d’être indulgent, car l’Attribut de bonté se trouve également inclus dans celui de la rigueur. De même, dans la source de l’âme de Beth Hillel(8) est aussi présent celui de la rigueur.

Il en est, bien sûr, de même pour les formes générales du service de D.ieu, précédemment décrites. L’étude de la Torah doit nécessairement faire appel au sentiment du cœur. C’est le cas au moment où elle est pratiquée, tout d’abord, puisque nos Sages remarquent : “ le verset dit de celui qui étudie sans plaisir(9) et apprend sans chanter : ‘Je leur ai donné des Décrets qui ne sont pas bons ”. Mais, il en est de même avant cette étude et c’est la raison pour laquelle il est dit qu’elle doit être précédée par la bénédiction de la Torah(10), permettant d’en ressentir la valeur et l’importance, afin de la fixer en son cœur, car “ la Torah qui n’est pas accompagnée par l’amour et la crainte de D.ieu ne peut s’élever et se présenter devant D.ieu ”.

De même, la prière, bien que sa ferveur émane du cœur, est précédée(11) d’une méditation à la grandeur de D.ieu et à l’insignifiance de l’homme. Puis, pendant cette prière, il faut considérer que l’on se trouve face à D.ieu. Si on ne le fait pas, la prière n’en est pas une(12).

Plus encore, certains passages de la prière concernent plus spécifiquement le cerveau, comme celles qui expriment la louange de D.ieu, les passages précédant les bénédictions du Chema ou ces bénédictions proprement dites. De même, certaines parties de la Torah sont liées au sentiment, par exemple les Psaumes, les éloges de D.ieu et les hymnes prononcés pour Lui.

Là encore, ces deux éléments se présentent conjointement. La pensée, la réflexion, la conscience de l’élévation de D.ieu, de Sa Sagesse, de Sa grandeur et de Sa puissance doivent conduire à “ aimer ce D.ieu honorable et redoutable, à Le craindre ”.

La prière est également présente dans la Torah, à travers le livre des Psaumes, comme nous l’avons dit, qui rend nécessaire une étude approfondie et une compréhension exhaustive.

Cette idée apparaît, en allusion, dans les deux premiers mots du Psaume 90 : “ Prière de Moché ”, liaison et union(13) entre la prière et Moché, dont toute la Torah porte le nom, afin que l’un et l’autre ne forment qu’une seule et même entité.

Vous avez eu le mérite de mettre à la disposition du public les livres précédemment cités. Outre la lecture des Psaumes avec émotion du cœur et concentration de l’âme, on pourra ainsi consulter et étudier les meilleurs commentaires, parvenir à les comprendre. De la sorte, vous conférez un mérite à tous et D.ieu vous accordera la force de rapprocher et d’unir les enfants d’Israël à leur Père Qui se trouve dans les cieux, grâce à une prière pure et une Torah intègre.

Avec mes respects et ma bénédiction,

Notes

(1) Le Rav I. Gerchentkoren.
(2) “ Le Chantre d’Israël ”, titre qui est donné au roi David, auteur des Psaumes.
(3) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le Zohar, tome 2, page 153a, le Torat Chalom du Rabbi Rachab, à partir de la page 129 et, dans la nouvelle édition, de la page 136 ”.
(4) Le Rabbi note, en bas de page : “ Traité Taanit 2a ”.
(5) Voir les lettres du précédent Rabbi, tome 18, lettre n°3441.
(6) Bien que, d’ordinaire, l’inverse soit vrai.
(7) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir Igueret Hakodech de l’Admour Hazaken, au chapitre 13 et le Zohar, tome 3, page 245a ”.
(8) L’Attribut de Bonté céleste.
(9) Le Rabbi note, en bas de page : “ A la fin du traité Meguila et une objection est soulevée sur le fait de ne pas en faire la base de sa vie, selon la version du Eïn Yaakov, à la différence de l’interprétation de Rabbénou ‘Hananel et du ‘Hidoucheï Agadot. ”.
(10) Le Rabbi note, en bas de page : “ Voir le traité Nedarim 81a et le commentaire de Rabbénou Nissim, à cette même référence ”.
(11) Le Rabbi note en bas de page : “ Selon Rabbi Yossi, au début du cinquième chapitre du traité Bera’hot. Le Choul’han Arou’h en retient le principe pour la Hala’ha, dans le Ora’h ‘Haïm, au chapitre 98. Malheureusement, nombreux sont ceux qui n’y prennent pas garde ”. On consultera, à ce propos, la lettre n°2313.
(12) Le Rabbi note, en bas de page : “ Selon le Rambam, lois de la prière, chapitre 4, paragraphe 15. Voir le Kountrass A’haron du Tanya, à la page 154b et les commentaires de Rabbi Haïm Halevi sur le Rambam, à cette même référence ”. Voir, à ce propos, la lettre n°2588.
(13) Le Rabbi note, en bas de page : “ Zohar, tome 2, page 137b et Mikdach Méle’h, à la même référence ”.