Lettre n° 214

Par la grâce de D.ieu,
Chouchan Pourim 5706,

Au 'Hassid qui craint D.ieu, Cho'het érudit,
le Rav Y.(1),

Je vous salue et vous bénis,

J'ai pris connaissance avec plaisir de vos fructueuses activités, tendant à renforcer la Torah et les Mitsvot, en général, à diffuser les livres publiés selon les instructions de mon beau-père, le Rabbi Chlita, en particulier.

Sans doute renforcez-vous, de temps à autre, votre action, dans ce domaine. Le Tanya indique que chaque année, se révèle une Lumière nouvelle, émanant d'une source particulièrement élevée, qui n'a encore jamais éclairé le monde. Et l'homme, bâti à l'image de D.ieu(2), doit adopter un comportement similaire, forger des réceptacles pour contenir cette lumière.

Ceci concerne tout particulièrement la diffusion de la 'Hassidout. Peu nombreux sont ceux qui, dans votre pays, peuvent s'y consacrer. S'il vous est possible d'utiliser vos contacts avec des personnes se trouvant dans d'autres villes pour leur parler de nos publications, en Hébreu, en Yiddish ou en anglais, vous ne manquerez pas de le faire. Vous nous direz également ce qui a pu être réalisé en la matière. Pour quelqu'un comme vous, il est inutile d'en dire plus.

Je conclurai en évoquant Pourim. Le nom de cette fête est au pluriel, au sens le plus simple parce qu'il y a eu un tirage au sort pour le mois et un autre pour le jour(3).

Rachi, dans son commentaire de la Meguila, dit que le tirage au sort du jour eut pour but de déterminer une date dans le mois. On peut s'interroger, à ce propos, car le verset, en pareil cas, aurait dû dire, "d'un mois à l'autre et d'un jour à l'autre". Or, c'est la formulation inverse qu'il adopte.

Le Midrach Esther Rabba et le Targoum Cheni disent, en revanche, qu'il y eut d'abord un tirage au sort du jour de la semaine, puis un autre du mois. Pour le Midrach, il est une évidence qu'il y eut ensuite un tirage au sort pour le jour du mois, puisqu'une date d'Adar fut choisie. Et, pour Rachi, on peut aussi penser qu'il y eut, de la même manière, un tirage au sort du jour de la semaine, ce qui justifie la formulation du verset. Mais, cette explication est difficile à accepter.

Or, on peut se demander pourquoi il(4) effectua un tirage au sort du jour de la semaine. Le mois et la date dans le mois ne sont-ils pas suffisants? Et, si l'on dit qu'il cherchait une confirmation de son initiative dans la concordance de tous ces tirages au sort, comme le fit Nabuchodonosor lorsqu'il partit à la conquête de Jérusalem, il aurait dû, malgré tout, commencer par le tirage au sort le plus important, c'est-à-dire celui du mois.

L'explication est donc la suivante. En ayant recours au tirage au sort, Haman voulut mettre en évidence un niveau transcendant l'intellect et la justice, un stade dans lequel la lumière et l'obscurité s'équivalent, c'est-à-dire la partie la plus superficielle de la Lumière céleste entourant la création, sur laquelle ont une emprise les nations du monde dont le calendrier est solaire, car le soleil est toujours identique(5).

A l'opposé, les enfants d'Israël ont un calendrier lunaire et tout ce qui leur est accordé est mérité. Le Kountrass Oumayan(6) explique clairement tout cela. Sa mauvaise pensée avait donc pour but de renforcer l'influence qui pouvait être obtenue de cette manière. Or, les jours dépendent du compte solaire, les mois du compte lunaire, de sorte que les jours du mois font la jonction entre ces deux comptes.

C'est pour cela que le premier tirage au sort porta sur le jour de la semaine, duquel il tirait sa puissance et sa force. C'est ensuite seulement qu'il tira le mois au sort.

Alors, les enfants d'Israël, en faisant don d'eux-mêmes, attirèrent l'aspect profond de cette Lumière qui entoure la création. A ce stade, les nations du monde n'ont aucune emprise et les fautes des Juifs ne sont plus prises en compte, ainsi qu'il est dit: "Il ne voit pas le mal en Yaakov" car "L'Eternel son D.ieu est avec lui". Certes, ici-bas, celui qui fait don de sa vie ne s'aperçoit pas de ce qu'il accomplit. Là-haut, en revanche, tout apparaît à l'évidence et il est clair qu'il en était ainsi au moment même du tirage au sort.

Ce qui vient d'être dit permet de répondre à une autre question. Le Midrach rapporte que le tirage du jour de la semaine ne laissa aucune ambiguïté à Haman, alors qu'il put se tromper sur celui des mois. Or, d'après ce qui vient d'être dit du calendrier solaire, le contraire n'eut-il pas été plus logique?

On le comprendra d'après le développement précédent. Le tirage au sort des jours de la semaine correspond à un niveau que l'action des créatures inférieures ne peut atteindre, à une Lumière qui entoure la création. Puis, lorsque l'on met en évidence la dimension profonde de cette Lumière, tout devient incontestable et, dès lors, aucune erreur n'est possible.

Les hommes, en revanche, peuvent intervenir, dans le tirage au sort du mois et du jour dans le mois. C'est la raison pour laquelle, par la suite, des différences furent faites entre les villes, celles qui étaient entourées d'une muraille(7), celles qui sont autorisées à anticiper au jour de la réunion(8).

Ce qui vient d'être dit souligne les trois aspects de Pourim. Celui qui le célèbre doit, pour lui-même, s'élever "jusqu'à ne plus savoir"(9). Il atteint ainsi "la tête qui ne se connaît pas"(10) et ce qu'elle porte en elle, comme l'explique le Likouteï Torah, en soulignant que Kippourim veut dire comme Pourim(11). Ce niveau est symbolisé ici-bas par A'hacheveroch, "le roi qui possède la fin et le début"(12).

Ce que l'on doit accomplir pour les autres, en revanche, correspond à deux stades de l'enchaînement des mondes, des cadeaux "chacun à son ami", même si celui-ci n'est pas pauvre et ne manque de rien, ayant accès à la Lumière qui entoure la création, symbolisé par les Mèdes, d'une part et, d'autre part, des dons aux pauvres, correspondant à la Lumière qui pénètre les mondes, aux Perses, ainsi qu'il est dit "tends ton pain au pauvre"(13).

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate et pour une fête de Pessa'h cachère et joyeuse.

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Notes

(1) Le Rav Yermyahou Alay, d'Afrique du Sud.
(2) Adam, l'homme est de la même étymologie que Adamé, je ressemble, ainsi qu'il est dit "Je ressemble au Tout Puissant".
(3) De l'extermination des Juifs. Pour signifie tirage au sort, en perse.
(4) Haman.
(5) A la différence de la lune, qui croit et décroît chaque mois.
(6) Du Rabbi Rachab.
(7) A l'époque de Yochoua, qui célèbrent Pourim le 15 et non le 14 Adar.
(8) Du tribunal siégeant dans leur ville et peuvent ainsi lire la Meguila dès le 11 Adar.
(9) Que Morde'haï est béni et Haman, maudit, selon l'expression de la Guemara.
(10) Le stade le plus profond de Kéter, la couronne qui transcende l'enchaînement des mondes et la création.
(11) L'Essence de l'âme, qui correspond à ce stade, se révèle à Yom Kippour, mais elle est encore plus clairement présente à Pourim. De ce fait, Yom Kippour est seulement "comme Pourim".
(12) C'est-à-dire précisément ce stade qui transcende la création. Le Nom d'A'hachveroch est constitué de la contraction de A'harit Ve Rechit, Celui qui possède la fin et le début.
(13) Le mot Peros, tends, est de la même étymologie que Paras, la Perse.