Lettre n° 2033

Par la grâce de D.ieu,
4 Adar 5713,
Brooklyn, New York,

Je vous salue et vous bénis,

Bien qu’il ne soit pas dans mon habitude d’intervenir en pareil cas, je le fais, en l’occurrence, par ces quelques lignes, car il semble que la levure ait fait monté la pâte au delà de toute mesure. J’écris en Yiddish afin qu’il ne soit pas nécessaire de traduire mes propos de l’Hébreu :

A) Les livres sacrés établissent, et chaque Juif y croit de toute sa foi, que D.ieu et Lui seul “ nourrit chacun et satisfait ses besoins ”, qu’il s’agisse d’individus, d’institutions ou d’organisations. C’est ce que nous affirmons dans la bénédiction suivant le repas et même dans son premier paragraphe, instauré par Moché notre maître, “ notre D.ieu, Roi du monde, Qui nourrit le monde entier… Il est le D.ieu Qui nourrit chacun et satisfait ses besoins ”.

D.ieu souhaite conférer aux Juifs le mérite de mettre en pratique les Mitsvot. Il est donc fréquent qu’Il soumette quelqu’un à une épreuve, en lui transmettant les moyens financiers destinés à assurer la subsistance d’une autre personne ou d’une autre institution. Dès lors, on vérifie si le dépositaire de cet argent a bien compris qu’on lui a confié la mission de le remettre à celui à qui il revient de droit.

S’il s’avère qu’il est possible de s’en remettre à lui et de lui faire confiance, on lui accorde la récompense de la Mitsva de la Tsédaka, dont il est dit que “ l’homme reçoit l’intérêt dans ce monde, mais le capital lui est conservé pour le monde futur ”. De plus, D.ieu lui maintiendra Sa confiance et lui confiera encore d’autres missions. Ses affaires fructifieront et il aura ainsi le moyen de subvenir aux besoins d’autres personnes et d’institutions. Il sera le canal par lequel celles-ci obtiendront les moyens de leur existence.

Bien évidemment, le mauvais penchant ne peut pas supporter une telle situation. Il cherche donc, par tous les moyens, à convaincre l’homme qu’il n’a pas gagné cet argent parce que telle est la Volonté de D.ieu, mais bien parce qu’il est particulièrement avisé, fin commerçant. Ce qu’il possède est donc le résultat de son dynamisme et de son intelligence. Il en est ainsi le propriétaire absolu, car il a une valeur que ne possède pas le “ sot ”, incapable de gagner autant d’argent que lui. Il acceptera, néanmoins, de lui rendre un service et de lui offrir quelques cents.

En conséquence, celui qui aura reçu ces quelques cents devra comprendre qu’on a été particulièrement bon à son égard. Il devra s’emplir d’une immense reconnaissance, le bénir personnellement et non, comme on le fait après le repas, en affirmant que D.ieu “ nourrit chacun et satisfait ses besoins ”. Il devra, bien au contraire, être convaincu que sa subsistance lui vient d’un homme. S’il refuse de l’admettre, on n’aura aucune obligation envers lui puisque l’on est le véritable propriétaire de cet argent.

Pour écarter une conception à ce point erronée, on demande à chaque Juif de proclamer, dès son réveil, que “ Tu m’as restitué mon âme avec miséricorde ”. Ainsi, c’est uniquement par un effet de Sa miséricorde que D.ieu restitue son âme à l’homme. De même, la première requête que nous formulons, dans la prière du Chemoné Essré, est la suivante : “ Tu accordes le discernement à l’homme. Fais que nous puissions l’obtenir ”, afin de prendre conscience que nul ne possède l’intelligence intrinsèque, la clairvoyance et le jugement. Tout dépend de D.ieu, dont on doit recevoir les bienfaits à tout instant.

Lorsqu’un homme a le mérite de ne pas se laisser convaincre par son mauvais penchant, il peut demeurer, pour de longs jours et de bonnes années, l’émissaire de D.ieu, chargé de transmettre leurs moyens financiers à plusieurs personnes et, plus généralement, de financer ce qui concerne la Torah et les Mitsvot.

S’il n’en a pas le mérite, ce qu’à D.ieu ne plaise, il est inutile de préciser ce qui en découlera, car chaque Juif souhaite dire et écrire uniquement ce qui est positif. Pour autant, il faut bien savoir ce qu’il en est.

B) Il est aussi une autre situation. Un homme peut, non seulement, refuser d’être l’émissaire de D.ieu, chargé de transmettre l’argent qui revient à certaines personnes ou à des réalisations liées à la Torah et aux Mitsvot, mais, en outre, se faire le délégué du mauvais penchant et dilapider cet argent.

Néanmoins, D.ieu est bonté et miséricorde. Il ouvre donc, en pareil cas, la possibilité de la Techouva. Très simplement, cela signifie que si l’on a envisagé une mauvaise action, on peut la rectifier et si celle-ci met en cause une autre personne ou bien ce qui est lié à la Torah et aux Mitsvot, la Techouva doit intervenir avant que le tort ne lui soit causé de manière irréversible.

Après cette entrée en matière, je voudrais rappeler brièvement ce qui s’est passé, concernant l’impression du livre.

Un Juif a fait savoir qu’il voulait financer l’édition d’un livre d’Ethique grâce auquel il a lui-même retrouvé la voie de la Torah et des Mitsvot. En conséquence, il souhaitait que ce livre parvienne à des centaines et même à des milliers de Juifs, qui, de cette façon, pourraient également se rapprocher de D.ieu et de la pratique juive.

Il est bien clair qu’un tel désir émane du bon penchant, qu’il est inspiré par D.ieu. Lorsqu’il est exprimé verbalement et communiqué à d’autres personnes, il prend la forme d’un vœu, prononcé devant D.ieu. En d’autres termes, on dit alors à D.ieu : “ Je reconnais et j’affirme que c’est Toi Qui m’as accordé ces moyens financiers. Je comprends que, pour une partie de ces moyens, je ne suis qu’un émissaire, chargé d’accomplir Ta Volonté et de mener à bien la mission que Tu me confies, celle de faciliter à de nombreux Juifs la proximité de la pratique juive ”.

Il est bien clair qu’un tel désir ne peut en aucune manière émaner du mauvais penchant.

Pour que ce désir positif puisse être suivi d’effet, il a été porté à la connaissance de personnes chargées de l’impression de tels livres, c’est-à-dire ayant le mérite d’éditer des ouvrages qui rapprochent les Juifs de D.ieu et de Ses Commandements, non pas par leurs forces propres, comme on l’a dit, mais par celle que D.ieu leur accorde.

Il s’agit, en l’occurrence, de Juifs pratiquants, souhaitant donc obtenir un résultat concret au plus vite. Ceux-ci n’ont donc pas attendu que l’argent soit effectivement versé. Ils se sont servis d’un montant que d’autres ont donné pour différents accomplissements, liés à la Torah et aux Mitsvot, mais qui ont été différés. Ils en ont fait usage pour réaliser au plus vite le désir positif exprimé par cet homme, celui d’éditer un livre, afin que l’influence exercée par lui puisse se manifester le plus rapidement possible.

Par la suite, des éléments extérieurs ont surgi et un différend est intervenu entre celui qui avait émis le vœu d’éditer ce livre et ceux qui se sont chargés de son impression. Au final, cet homme a changé d’avis.

Ce changement a deux significations. D’une part, cet homme déclare à D.ieu qu’il n’éprouve plus le désir qu’il avait au préalable d’imprimer un livre d’Ethique, alors qu’il affirmait, par cet acte, que ses moyens financiers Lui appartiennent, en réalité. Il dit ainsi : “ Je reviens sur ce que je T’ai dit et je prétends désormais le contraire. Agis en conséquence ”.

Il annonce également à ceux qui ont imprimé ce livre : “ Il est vrai que je vous avais donné un ordre et que vous avez fait usage de l’argent de la Tsédaka pour le réaliser. De fait, vous avez été mandatés par moi pour agir ainsi. Mais, je ne m’en affecte pas et n’ai pas l’intention de vous donner cet argent, car je prétends que vous avez mal agi envers moi ”.

Je pense qu’il est inutile de préciser de quelle manière la Torah définit ces deux conséquences. Que D.ieu fasse que toutes les personnes impliquées rectifient leur action avant que le tort causé ne devienne irréversible, ce qu’à D.ieu ne plaise.

Vous savez à qui tout cela fait allusion et la ‘Hassidout, propos du D.ieu de vie, permettrait, en la matière, un développement encore plus large que celui qui vient d’être fait. Pour ce qui vous concerne personnellement, vous connaissez l’enseignement du Baal Chem Tov selon lequel tout, y compris le détail le plus insignifiant, est effet de la divine Providence. Or, vous avez été, en la matière, l’un des intermédiaires et, semble-t-il, celui dont le rôle a été déterminant.

La ‘Hassidout définit deux catégories d’intermédiaires, celui qui relie, c’est-à-dire qui ne possède pas d’existence propre, se contentant de faire la jonction entre deux éléments et celui qui introduit une rupture, possédant effectivement une existence propre, de sorte que, quand une mission lui est confiée, il l’exprime dans ses propres termes et y fait intervenir son désir personnel.

Il est dit que les Justes sont peu nombreux, que les hommes se trouvent, pour la plupart, dans la catégorie médiane, exposée aux deux penchants à la fois. Dès lors, le mauvais penchant s’exprime également. Or, il convient de rejeter immédiatement son avis, comme l’explique le Tanya.

Il en est de même pour ce qui vous concerne, puisque vous avez eu le mérite d’être l’intermédiaire par lequel telle personne a décidé de prélever de son argent pour faire éditer un livre d’Ethique.

Avec ma bénédiction de bonne santé physique, de bonne santé morale et pour que D.ieu vous inspire le désir de mettre en pratique Sa Volonté, de sorte que cette situation trouve une solution positive, au plus vite,