Lettre n° 1104

Par la grâce de D.ieu,
19 Tamouz 5711,
Brooklyn,

Je vous salue et vous bénis,

J’ai bien reçu votre lettre, dans laquelle vous me posez la question suivante. Vous constater que les signes de cantilation, pour différents versets de la Loi Ecrite, ne sont pas en harmonie avec leur sens simple. Vous me demandez donc comment vous devez les lire, selon ces signes de cantilation, ou bien en marquant des temps de repos et en associant les mots selon le sens simple, en laissant chacun libre de la durée de ces temps de repos.

Voici ma réponse :

A) Selon la tradition de notre peuple, les signes de cantilation ont été révélés par D.ieu, comme l’indique le Pardès, de Rabbi Moché Cordovéro, au début de la porte 28, à propos des voyelles. Voici ce qu’il dit : "Tous les Sages d’Israël ont reçu une tradition orale, depuis l’époque d’Ezra le Scribe, selon laquelle celui-ci détenait lui-même personnellement une tradition orale, remontant à Moché notre maître et établissant que ce dernier avait reçu de D.ieu les différentes voyelles".

Vous consulterez également la porte 29, qui en dit de même pour le nom des signes de cantilation, faisant ainsi allusion à différents éléments.

Ceci contredit l’avis de Rabbi A. Ba’hour, qui dit que les signes de cantilation et les voyelles furent introduits par la suite. Différents ouvrages commentent tout cela par le détail et vous consulterez également le Pekouat Sadé, du même auteur que le Sdeï ‘Hemed.

Néanmoins, après la révélation du Zohar et des Tikouneï Zohar, quiconque a foi en le contenu de ces livres croira que les signes de cantilation et les voyelles ont été données par D.ieu. Vous consulterez également le Likouteï Torah, à la fin du second chapitre du discours ‘hassidique intitulé "Cantique des Cantiques" et les références qu’il indique.

B) Les signes de cantilation furent donnés pour chanter les mots et, selon les termes du Zohar, tome 1, page 15b : "Les lettres correspondent au corps, l’esprit aux voyelles. Tous suivent les signes de cantilation et restent comme elles sont. Lorsque l’on chante ces signes, les lettres s’élèvent et les voyelles les suivent. Quand on cesse de le faire, elles restent telles qu’elles sont". Vous consulterez aussi l’introduction des Tikouneï Zohar, page 8a et d’autres références.

C) D’après ce qui vient d’être dit, il est difficile de comprendre pourquoi, en différents endroits, les signes de cantilation ne sont pas en harmonie avec le sens simple des versets, comme vous le faites remarquer dans votre lettre.

On peut proposer plusieurs explications :

1) Nous ne connaissons pas bien les principes des signes de cantilation et leur signification. La majeure partie d’entre eux et peut-être même la totalité de ceux qui sont mentionnés par les livres ont été conçus par les hommes, qui ont essayé de comprendre comment il fallait chanter la Loi Ecrite. S’il y a une distorsion entre ces signes et le sens simple des versets, peut-être est-ce parce que les signes de cantilation ont, quelques fois, été privilégiés par rapport à la signification des versets.

2) L’explication qui vient d’être donné doit, en outre, être modulée en fonction du timbre de la voix, de la longueur du souffle et d’autres éléments.

3) La manière d’écrire un mot(1) fait allusion à une explication qui transcende le sens simple et la signification première, comme le montre Igueret Hakodech, au chapitre 19. Selon le même raisonnement, on peut considérer que les signes de cantilation font parfois référence à de telles explications. Mais, en pareil cas, le mot ne peut pas être lu tel qu’il s’écrit, ce qui n’est pas vrai pour les signes de cantilation. On sait, en effet, que, de façon générale, le chant est plus directement lié à la profondeur de l’âme, qui transcende l’intellect et la compréhension. Vous consulterez, à ce propos, le Likouteï Torah, à la référence précédemment citée.

D) Ce qui vient d’être dit conduit à s’interroger sur l’affirmation de nos Sages, citée au traité Yoma 52a, selon laquelle cinq versets n’ont pas d’interprétation définitive. De plus, le chapitre 70 et le Yerouchalmi Avoda Zara, chapitre 2, paragraphe 7, en ajoutent un autre.

Mais, les Sages des premières générations posent déjà cette question et ils proposent les explications suivantes :

1) L’interprétation définitive de ces versets peut effectivement être déduite de leurs signes de cantilation, qui furent restitués par Ezra. C’est ce que disent le Ritva, sur le traité Yoma, à cette référence, le Roch, dans les Tossafot, le Yad Mala’hi et le Maharcha.

2) Il y a une controverse à propos des signes de cantilation de ces versets et c’est pour cela qu’il n’y a pas d’interprétation définitive. C’est l’avis du Beth Yossef, dans ses responsa Avkat Ro’hel, à la fin du chapitre 4.

Vous consulterez, à propos de tout cela, le Sdeï ‘Hémed, principes, ‘Heth, paragraphe 28 et le Chaareï Efraïm, chapitre 3, paragraphe 15.

Voici ce qui découle de cette analyse. Il est bien évident qu’un verset doit être lu selon ses signes de cantilation. On ne peut les modifier et introduire ceux que l’on aurait personnellement choisis, ce qu’à D.ieu ne plaise.

Vous consulterez également la causerie de mon beau-père, le Rabbi, du 25 Chevat 5696(2), qui, au paragraphe 5, montre à quel point tout cela est important(3).

Vous poursuivez sûrement votre action dans le domaine de la bonne éducation. J’aimerais connaître les détails de ce que vous accomplissez, en la matière et je vous remercie d’avance de bien vouloir me les communiquer.

Notes

(1) Lorsqu’elle diffère de la façon de le lire.
(2) 1936.
(3) La nécessité d’être précis dans l’usage des signes de cantilation.