Samedi, 21 novembre 2015

  • Vayétsé
Editorial

 La victoire de l’espoir

Revenons sur le congrès international des Chlou’him. Il s’est terminé la semaine dernière et, à présent, chacun des participants est retourné à son endroit, là où, chargé de nouvelles forces, il va agir, jour après jour, pour que chacun trouve sa place dans la vie juive. Il faut y revenir car, même si beaucoup a déjà été dit du sens et de la puissance de cette réunion, de son impact sur tous, il y a des moments d’émotion qu’il faut partager.

On se souvient encore de cet événement tragique intervenu il y a quelques années. Dans cette même période, en novembre 2008, juste après la fin du congrès, une attaque terroriste avait lieu en Inde, et elle allait faire de nombreuses victimes innocentes. Une des cibles était le Beth ‘Habad de Bombay. Les lieux furent envahis par les assassins, ceux qui s’y trouvaient pris en otage et, parmi eux, les envoyés du Rabbi sur place qui animaient cet espace de paix et de solidarité, le Rav Gabriel Holtzberg et sa femme Rivkah, jeunes mariés avec un bébé. Malheureusement, les pires craintes se réalisèrent : les barbares mirent à mort sans pitié tous ceux qu’ils trouvèrent. Ils furent huit à périr. Mais un miracle se produisit. Il y avait, dans le Beth ‘Habad, une femme indienne qui aidait quotidiennement les Holtzberg dans leurs tâches. Prise au piège avec les autres, elle parvint à se cacher de leur folie meurtrière, elle découvrit le jeune enfant des Holtzberg, Moché, pleurant devant ses parents assassinés. Elle le prit dans ses bras et s’enfuit du Beth ‘Habad, le sauvant ainsi, avec elle-même, de la rage des terroristes. C’est ainsi que, dans le drame, l’espoir resta invaincu.

Pourquoi rappeler tout cela ? Certes, l’exemple de sacrifice de soi que Gabriel Holtzberg et sa femme donnèrent ne s’efface pas avec le temps. Avec les années, et sans qu’un drame soit nécessaire pour cela, il est sans doute toujours plus précieux. Pourtant la raison d’un tel rappel est ailleurs. En introduction aux discours qui allaient ponctuer le déroulement de la grande soirée du congrès, c’est le petit Moché Holtzberg, aujourd’hui âgé de 9 ans, qui fut invité à lire un psaume d’ouverture. Dans ce petit homme, chacun vit quelque chose de grand, qui le dépassait probablement lui-même. Voici que se tenait là, devant six mille personnes, un enfant qui avait vécu ce qui est le plus terrible drame qu’un être humain puisse connaître : la mort de ses parents, et dans quelles conditions. Et c’est lui qui, sans trembler, disait les mots éternels du judaïsme que tous répétaient à sa suite. Une véritable leçon : sachons qui nous sommes et d’où nous venons, rien ne pourra nous vaincre.

Etincelles de Machiah

 Le cerveau et le cœur

Il est souvent expliqué que l’exil présente un certain nombre d’aspects positifs : il est «une chute pour permettre une élévation supérieure», il manifeste «la supériorité de la lumière qui provient de l’obscurité» etc. Toutefois, toutes ces explications s’adressent au cerveau. Pour les sentiments du cœur, l’amertume de l’exil les rend toutes inacceptables.

C’est pourquoi, bien que ces explications aient été données et comprises, le peuple juif ne cesse de demander que l’exil se termine enfin et que la Délivrance arrive.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch –

Chabbat Parchat Nitsavim 5741) 

Vivre avec la Paracha

 Le voyage de Yaacov : transition, défi et accomplissement

D’Erets Israël à ‘Haran

La Paracha Vayétsé se concentre sur la transition devant être opérée lorsque l’on passe d’un endroit à un autre et sur les changements qui en résultent sur la conduite de la personne.

Vayétsé signifie «et il sortit» et la Paracha décrit comment Yaacov quitta Erets Israël pour se rendre à ‘Haran, un environnement complètement étranger.

(La nature du changement que subit Yaacov est soulignée par nos Sages (Meguila 17a, texte cité par Rachi dans son commentaire sur Beréchit 28 : 9). Il y est statué que durant 14 ans, avant son départ pour ‘Haran, Yaacov avait étudié dans la Yéchiva de Chem et Ever. Pendant cette période, il s’était exclusivement consacré à la spiritualité. Par contre, à ‘Haran, les préoccupations matérielles allaient occuper la plus grande partie de son temps et de ses efforts : «Vingt ans, j’ai travaillé pour toi… Le jour, j’étais consumé par la chaleur accablante et la nuit par le gel ; le sommeil était arraché de mes yeux» (Beréchit 31 : 38-40), s’écriera-t-il s’adressant à Lavan.)

Le mot hébreu pour ‘Haran est associé à l’idée de colère et nos Sages interprètent ce nom comme signifiant «la colère de D.ieu».

On peut discerner trois dimensions dans le séjour de Yaacov à ‘Haran.

Tout d’abord, il fut confronté à un défi personnel. En la compagnie de Lavan et d’autres hommes du même acabit, il dut lutter pour conserver toute sa vertu et sa probité.

En outre, il y construisit sa famille. C’est durant son séjour à ‘Haran qu’il se maria et devint le père de douze de ses treize enfants. Malgré les influences qui prévalaient dans l’ensemble de la communauté, Yaacov transmit à sa famille l’héritage spirituel

qu’il avait reçu d’Avraham : «garder la voie de D.ieu et disséminer la droiture et la justice» (Beréchit 18 :19). C’est ainsi qu’il établit le modus vivendi des Juifs, pour toujours.

Enfin, il éleva l’environnement de ‘Haran, révélant les étincelles divines enfouies dans la substance matérielle de la terre. Cela se reflète dans l’acquisition du troupeau de moutons de Lavan et dans la grande richesse qu’il amassa.

Etendre la sphère de Sainteté

Chacune de ces entreprises requiert des forces spirituelles exceptionnelles.

En relevant les défis personnels que posait son environnement, Yaacov montra la force infinie de l’âme divine. Même un entourage des plus hostiles ne peut empêcher son expression. En élevant une famille, il élargit son propre cercle ce qui leur permit de dominer les autres.

L’acquisition de la richesse et le raffinement de l’environnement représentent une bien plus large expansion. Les possessions matérielles de Yaacov n’étaient pas, par nature, saintes. Bien au contraire, sans l’influence de Yaacov, ‘Haran et tout ce qui l’entourait soulevaient la colère de D.ieu. En les élevant, Yaacov agissait pour accomplir le but de la Création, démontrant que même les dimensions de l’existence les plus basses peuvent être transformées en résidence pour D.ieu.

Puisque Yaacov et sa famille partageaient un lien inhérent avec la sainteté, le fait qu’ils aient pu maintenir cette connexion, en dépit des challenges d’un environnement étranger, bien que méritoire, ne peut être considéré comme une réalisation de leur part. Par contre, le raffinement qu’apporta Yaacov à ‘Haran était le fruit de son propre accomplissement, quelque chose qui transforma la nature de son environnement.

C‘est ainsi qu’il établit un modèle pour ses descendants, démontrant comment ils pourraient devenir les partenaires de D.ieu dans la Création (Chabbat 10a). Ils voyageraient dans le monde, révélant le potentiel spirituel investi dans les différentes strates de l’existence, découvrant que «tout ce que le Saint Béni Soit Il a créé dans Son monde, Il ne l’a créé que pour Sa gloire» (Avot 6 :11).

« Les actes des Pères sont des signes pour leurs descendants »

Le voyage à de Yaacov à ‘Haran sert d’analogie à la descente de l’âme dans notre corps. Dans le royaume spirituel, nos âmes expérimentent des révélations directes de la Divinité. Cependant, «elles sortent» de ce royaume et descendent dans des corps qui vivent dans ce monde matériel. Selon le modèle établi par notre père Yaacov, chaque âme se trouve confrontée au défi de l’existence physique.

Quand l’homme mûrit, il établit une famille, créant un environnement dans lequel s’expriment ses valeurs. Par le même biais, par son contact avec le monde en général, il raffine et élève la force divine investie dans la création.

Ce modèle se retrouve également dans les exils que subit le Peuple juif. Celui-ci fut forcé de quitter la sainteté d’Erets Israël et de voyager parmi les nations. A travers les siècles et envers et contre tous les défis lancés par les sociétés dans lesquelles nous résidons, nous sommes restés fidèles à notre héritage spirituel, nous avons maintenu une vie de famille traditionnelle et avons élevé la substance matérielle du monde, démontrant ainsi que c’est une résidence pour D.ieu.

L’exil n’est que temporaire

En route pour ‘Haran, Yaacov fit l’expérience d’une vision dans laquelle D.ieu lui promit : «Je te ramènerai sur ton sol». Cela indique que la mission de Yaacov (aller à ‘Haran) et la mission du Peuple juif en général (faire une résidence pour D.ieu) ne sont pas des fins en soi. Yaacov ne devrait pas rester éternellement à ‘Haran et notre exil va prendre fin. Car la véritable place de chaque Juif est en Erets Israël.

Ce n’est plus un rêve mais une réalité qui devient de plus en plus palpable. Pour emprunter une expression du Rabbi précédent : «Il n’y a plus rien à faire. Le manteau est déjà cousu. Nous avons même fait briller les boutons. Nous sommes au seuil de la Rédemption, et en fait, même en train de passer ce seuil. Bientôt, Machia’h conduira chaque Juif hors de l’exil et le ramènera dans notre Terre Sainte.

Le Coin de la Halacha

 Pourquoi est-il interdit de parler pendant la prière ?

Parler durant la prière est considéré comme une sérieuse transgression pour plusieurs raisons :

- La Torah recommande de «craindre le sanctuaire (Temple)», c’est-à-dire Celui qui réside dans le sanctuaire. Une synagogue est appelée «petit sanctuaire» et rappelle la sainteté du Temple. Il est évident qu’on devait se comporter avec crainte et respect dans le sanctuaire.

- D.ieu déclare qu’Il est prêt à Se révéler au peuple juif durant la prière. Celui qui parle pendant la prière estime qu’il est plus important de parler à quelqu’un que de parler au Roi des rois.

De fait, il est interdit de parler depuis la bénédiction de Barou’h Chéamar (le matin) jusqu’à la fin de la Amida, même pour une Mitsva. Après Yichtaba’h, on ne peut même plus répondre « amen » à la plupart des bénédictions.

«Sa faute est trop grande pour être pardonnée» déclare le Choul’hane Arou’h (Code de Lois Juives). Cette expression si forte s’applique spécialement à celui qui parle pendant la répétition de la Amida. Le Tanya décrit l’attitude de celui qui ne prie pas avec sérieux comme « Gewald, Gewald ! » (expression en yiddish exprimant une très grande consternation).

Du négatif, on peut comprendre le positif et donc la grande valeur de la prière de celui qui se comporte correctement durant la prière, surtout dans la synagogue.

Il est donc de la plus haute importance que les fidèles décident de renforcer la sainteté de la synagogue et de s’assurer que les gens y viennent pour prier et non pour bavarder.

(d’après One Minute Halacha – Rav Yossef Yeshaya Braun)

Le Recit de la Semaine

 Naissance d’un journal : The Algemeiner Journal

En 1971, mon mari, Reb Gershon Jacobson travaillait comme éditeur du Der Tog Morgen Journal, un journal new yorkais en yiddish. Un jour, il se rendit comme d’habitude au siège du journal et la porte était fermée – aucune explication, juste un écriteau : FERMÉ. Il tenta de téléphoner au propriétaire mais sans réponse. Les autres journalistes se demandaient quoi faire : ils comprirent que le propriétaire avait perdu beaucoup d’argent et avait tout simplement décidé d’arrêter les frais. Ce qui signifiait que les employés n’avaient plus de travail. La plupart d’entre eux étaient des personnes âgées, déjà proches de la retraite mais Gershon avait 37 ans et une famille de plus en plus nombreuse à nourrir.

Il devait agir rapidement. En attendant, il accepta toutes sortes de petits travaux d’écriture mais il devenait évident que les nombreux lecteurs du Der Tog Morgen Journal ressentaient un manque. Ils ne possédaient aucune alternative car les autres journaux écrits en yiddish étaient de tendance socialiste et antireligieux. Les lecteurs et annonceurs ne pouvaient y avoir recours, nul ne désirait y placer ses petites annonces ou y exposer ses publicités.

Bref, il fallait remplacer ce journal. Mon fils Chimon se souvient que le Rabbi tenait beaucoup à cela. De nombreux investisseurs furent contactés : ils étaient prêts à donner sa chance à un autre journal en yiddish, non pas quotidien mais hebdomadaire car ils étaient sûrs de perdre de l’argent. Ils acceptaient de s’engager pour six mois et il fallait donc assurer le plus vite possible le succès de l’entreprise.

Le problème était que l’ancien propriétaire avait revendu la liste des abonnés ainsi que le nom du journal à quelqu’un d’autre : il n’y avait ni lectorat assuré ni nom reconnu pour attirer des lecteurs éventuels.

Bien sûr, Gershon discuta avec le Rabbi de l’orientation du nouveau journal, qui devait y écrire et sur quoi insister. Il avait ses idées là-dessus mais s’en remit entièrement au Rabbi. Sa première question était quel titre donner au journal. Il souhaitait que quiconque s’arrête devant un kiosque à journaux reconnaisse que ce journal était digne de confiance et l’achète immédiatement. Quel titre pourrait transmettre tout ceci en un mot ou deux ?

Le Rabbi répondit : Algemeiner Journal.

Aujourd’hui, nous sommes habitués à ce titre, si normal, si naturel à New York. Mais à l’époque, cela sonnait étrangement : algemein signifie : «général, pour tout le monde». Ce qui signifie que le journal était appelé «le journal de tout le monde». Le Rabbi expliqua que ceci transmettrait immédiatement au lecteur l’idée que ce journal lui était destiné.

De plus, ajouta le Rabbi, le journal ne devrait pas être affilié à un groupe ou une institution, pas même au mouvement Loubavitch. Il devait être totalement indépendant et chacun devrait pouvoir s’y exprimer librement : c’était là une idée qui plaisait beaucoup à mon mari qui souhaitait laisser une large variété d’opinions s’exprimer.

De fait, Gershon écrivait régulièrement un article d’opinion, un éditorial appelé Mein Meinung, «Mon opinion personnelle». Mais si quelqu’un voulait écrire exactement le contraire de son opinion, il l’imprimait aussi. Parfois des gens allaient jusqu’à l’attaquer mais il imprimait tout. Telle était la beauté du Algemeiner Journal. Le résultat fut qu’il attira une grande variété de lecteurs, pas forcément pratiquants.

Le premier numéro du Algemeiner Journal parut le 25 février 1972. Tous les exemplaires se vendirent comme des petits pains. Il n’y en avait plus un seul numéro dans la ville et les gens se disputèrent le dernier exemplaire. Ceux qui n’avaient pas réussi à l’obtenir suppliaient qu’au moins on le leur prête. Ce fut un succès qui dépassait les espérances les plus folles. Et il en fut de même pour le second numéro. En quelques mois, la diffusion doubla et le Algemeiner Journal devint un élément incontournable de la vie juive de New York. Ce n’était pas un journal Loubavitch – même si Gershon mettait l’accent sur les opinions du Rabbi quant aux problèmes urgents comme la question de  «Qui est juif ?» et les campagnes de Mitsvot comme celle des Téfilines : comme il le disait si justement, ce n’était pas des problèmes concernant seulement Loubavitch mais cela concernait tous les Juifs. Oui, les Loubavitch sortaient dans la rue pour encourager les Juifs de tous horizons à mettre les Téfilines mais – ainsi que le Rabbi le fit remarquer à plusieurs reprises – c’était de fait un commandement de la Torah. C’était une loi juive conforme au Choul’hane Arou’h et non pas un souci du seul mouvement Loubavitch. Le Rabbi mentionna plusieurs fois à Gershon qu’il atteindrait mieux son but s’il ne mentionnait pas le mouvement Loubavitch et c’est ainsi que Gershon écrivit ses articles.

A un moment, Gershon reçut plusieurs plaintes comme quoi le journal n’était pas assez religieux. Il en parla au Rabbi qui répondit : «Je n’ai aucun doute que d’autres gens estiment que le journal est trop religieux !». Et il ajouta ce conseil : «Un journal est fait pour des gens qui lisent des journaux, pas pour ceux qui sont assis et qui étudient la Torah toute la journée ! Dans le Algemeiner Journal, il ont au moins l’occasion de lire des articles qui contiennent des mots de Torah, parmi toutes les rubriques qui les intéressent comme la littérature, la culture et autres articles écrits par d’excellents journalistes. Si vous ne leur donnez pas ces thèmes, ils n’achèteront pas le journal. Mais quand ils l’achètent, ils recevront aussi des mots de Torah, des nouvelles des institutions religieuses et des événements communautaires et religieux, avec des renseignements sur le judaïsme. Si vous offrez cela à vos lecteurs, vous aurez rempli votre rôle».

Telle était la sagesse du Rabbi et Gershon suivit ses conseils. Grâce à cela, le Algemeiner Journal devint un immense succès.

 Mrs Tzivia Jacobson - JEM

Traduite par Feiga Lubecki