Samedi, 25 juillet 2015

  • Devarim
Editorial

 Quelle semaine ?

Terrible semaine que celle qui précède le 9 Av, jour anniversaire de la destruction du premier et du second Temple de Jérusalem. Semaine de tristesse et de souvenir tragique. Sans doute... Et du reste les prescriptions de la loi juive sont là pour rappeler ce caractère incontournable de la période.  Pourtant, on le sait : seule la joie nous conduira à la victoire – en l’occurrence l’effacement de toute trace des drames passées. Le mot est connu : lorsqu’un soldat part au combat, il y va, un chant de joie sur les lèvres alors qu’il se rend au cœur du danger. Et c’est par cette joie qu’il remportera la bataille. C’est dans une telle situation que cette semaine nous trouve. Et avec un accent plus fort du fait que, le 9 Av tombant, cette année, un Chabbat où tout jeûne est interdit, il est reporté au lendemain.  La joie doit donc rester présente ; reste à définir comment.

La Torah est définie comme «réjouissant le cœur de l’homme». C’est dire que son étude est un motif de réjouissance d’autant plus légitime que, nous est-il enseigné, « Sion sera libéré par la justice », c’est-à-dire par l’étude de la Torah. Si tout dépend de notre attitude, n’est-il pas, par nature, urgent d’entreprendre l’œuvre nécessaire ? Etude de la structure du Temple – cela a été dit ; conclusion quotidienne de l’étude d’un traité du Talmud – toute la semaine à 14h30 sur Radio J. Transformer le temps que nous vivons, et ainsi le monde tel que nous le connaissons : c’est l’enjeu.

Et, ne l’oublions pas, ce Chabbat est veille du jeûne puisque ce dernier est repoussé au dimanche. Par lui-même, il écarte toute tristesse au point que rien ne doit y transparaître d’un tel sentiment sous peine de porter atteinte à la plénitude du jour. Il faut ainsi le vivre au plus haut degré, être conscient que ce Chabbat est celui «de la vision» – où D.ieu nous montre le troisième Temple prêt à réapparaître en ce monde, à son endroit. En manière d’encouragement et comme pour nous dire : le temps est venu, c’est à chacun d’agir.

Laissons  donc aller, plus que notre imagination, notre perception la plus aigüe et notre sens de l’histoire. Animés de l’enthousiasme dont sont dignes les grandes causes, avançons encore, portés par cette joie intérieure que seule l’attachement à la Torah et à ses enseignements confère. C’est aujourd’hui que nous édifions demain et c’est l’avenir qui attend notre réponse et notre action.

Etincelles de Machiah

 Machia’h : en un instant

 Un jour, Rabbi Chalom Dov Ber, le cinquième Rabbi de Loubavitch, entendit un ‘hassid répéter à un ami le mot connu : «Quand le Machia’h viendra, le cordonnier et le tailleur seront à leur travail et, tout à coup, il arrivera.» Le Rabbi intervint alors : «Oui, ce sera exactement comme cela.»

A une autre occasion, des ‘hassidim se tenaient prêt du bureau de Rabbi Chalom Dov Ber et discutaient de la venue du Machia’h, comment se produirait la Délivrance. Brusquement, le Rabbi sortit de son bureau et déclara : «C’est ainsi (en un instant - ndr) qu’il viendra !»

(D’après Kfar ‘Habad n°626) 

Vivre avec la Paracha

  9 Mena’hem Av

L’un des aspects fondamentaux de notre foi est la croyance en l’imminence de la venue du Machia’h. Il nous faut «attendre sa venue chaque jour», ce qui signifie que non seulement nous devons attendre qu’il finisse par venir mais qu’il vienne en ce jour précis.

Cela est d’autant plus actuel aujourd’hui où se manifestent tous les signes qu’ont mentionnés nos Sages, en relation avec la Rédemption. Et les jours présents sont tout particulièrement appropriés pour le venue de Machia’h puisque nos Sages déclarent que : «Un lion (Nabuchodonosor) viendra au cours du mois dont le signe est le lion (Av) pour détruire Ariel («le lion de D.ieu», le Beth Hamikdach) de telle sorte qu’un lion (D.ieu) vienne au cours du mois dont le signe est un lion et construise Ariel.» (Cette expression implique que la destruction n’était qu’une étape préparatoire de telle sorte que, en dernier ressort, D.ieu construise «le Sanctuaire de l’Eternel établi par Tes mains», c’est-à-dire le troisième Beth Hamikdach).

Cela va encore plus loin. Le nom du mois, Mena’hem Av, met l’accent sur le fait qu’il y aura Mena’hem, un acte de réconfort, pour tous les facteurs négatifs associés au jour présent. Et cela s’applique plus spécifiquement au Chabbat présent qui tombe précisément à la date de Tichea BeAv.

Nos Sages expliquent que le jour de Tichea BeAv naquit le Machia’h. Cela ne peut se référer à sa naissance concrète puisque Machia’h ne sera pas un enfant lorsqu’il apportera la Rédemption à notre peuple mais plutôt à un accroissement de son influence. En effet, nos Sages se réfèrent au jour anniversaire de la naissance comme à un jour où mazalo govère, «la source spirituelle de l’âme brille avec une immense puissance». Le jour où la source spirituelle de Machia’h se révèle dans toute sa force offre une occasion unique pour que survienne la Rédemption.

Le Ari Zal explique que c’est dans l’après-midi de Tichea BeAv qu’est né le Machia’h et c’est pour cette raison que nous récitons à ce moment-là la prière de Na’hem («console»). Bien que cette année, elle ne soit pas récitée à Tichea BeAv-même, puisque cette date tombe Chabbat, cela ne lui enlève pas pour autant son influence positive. Bien au contraire, le Chabbat ne repousse que les aspects négatifs liés à Tichea BeAv et embellit et amplifie la force des influences bienfaisantes de cette date.

Cela apparaît dans le nom donné au Chabbat : Chabbat ‘Hazone, «le Chabbat de la vision». Le Rabbi de Berditchev explique qu’en ce Chabbat, chaque Juif peut percevoir une vision du troisième Beth Hamikdach. Et dans le même sens, la Haftara récitée ce Chabbat se conclut avec un verset qui met l’accent sur la Rédemption : «Tsion sera sauvée par le jugement et ses captifs par la Tsedaka».

En outre, le fait-même que Tichea BeAv tombe Chabbat et que donc, au lieu de jeûner, nous soyons obligés de prendre plaisir à des mets et des boissons, sert également d’allusion à la Rédemption. Car chaque Chabbat est un microcosme de «l’ère qui est entièrement Chabbat et repos pour l’éternité» et les repas de Chabbat sont un avant-goût du festin qui sera servi en ce jour.

C’est pour cette raison que lorsqu’un jour de jeûne tombe Chabbat, il faut encore accentuer la joie. Cela apparaît notamment dans le troisième repas de Chabbat. Bien qu’il s’agisse de la seoudat hamafsékète, le repas qui précède immédiatement le jeûne et qui est ordinairement associé à certains rites de deuil, cette année, l’on peut servir «un repas comparable aux festins du roi Chlomo».

En fait, à propos de Tichea BeAv tombant Chabbat, nos Sages s’expriment ainsi : «Puisqu’il a été repoussé, qu’il soit annulé». Au premier degré, cela signifie que puisque le jeûne n’a pas été observé à la date appropriée, il y a matière à supposer que cette année, l’on n’ait pas besoin de jeûner du tout. Mais à un niveau plus profond, cela évoque la possibilité que ce jeûne soit complètement et définitivement annulé par la venue du Machia’h.

Parmi les aspects spécifiques de l’observance de Tichea BeAv, cette année, l’on peut relever une ressemblance avec Yom Kippour. Il est dit, à propos de Yom Kippour, que «celui qui mange et boit le 9 est considéré comme s’il avait jeûné le 9 et le 10». Manger «une succulente viande et du vin vieux», le 9 du mois, la veille de Yom Kippour, a pour conséquence que D.ieu le considère comme un mérite tout particulier. Ce concept peut également s’appliquer aux 9 et 10 Av, cette année, puisque nous mangeons le 9 en préparation du jeûne du 10.

Il existe entre ces deux jours un lien intrinsèque. Les mitsvot ordonnées par les Rabbanim, y compris, les jeûnes communautaires, ne sont pas des décisions entièrement innovantes mais des extensions des Mitsvot de la Torah. C’est pourquoi la Mitsva de jeûner est associée au seul jeûne ordonné par la Torah, Yom Kippour. Et ces deux jours partagent une relation d’autant plus étroite que les interdictions de Tichea BeAv sont semblables à celles de Yom Kippour.

Ces deux dates partagent un autre point commun. La dimension positive de Tichea BeAv se révèle le 15 Av, jour où «la lune brille pleinement», c’est-à-dire que toutes les influences associées à ce mois se révèlent d’une manière entière. C’est ainsi que le 15 Av, «la révélation de l’Ere de la Rédemption brille incessamment». Et c’est également pour cela que nos Sages enseignent que «le Peuple Juif n’a jamais autant apprécié des fêtes que le 15 Av et Yom Kippour».

L’imminence de la Rédemption, mentionnée précédemment, permet d’établir un autre lien entre Ticha BeAv et Yom Kippour. Lors de l’inauguration du premier Beth Hamikdach, le 10 Tichri, Yom Kippour, les Juifs célébrèrent en mangeant et en buvant. Et cela fut considéré comme un mérite extraordinaire pour eux. Puisque nous attendons la venue du Machia’h aujourd’hui, il est possible que demain, le 10 Av, ait lieu l’inauguration du troisième Beth Hamikdach. Car sa construction est déjà complètement achevée dans les sphères spirituelles et il suffit qu’il descende sur terre. Que cela se produise et que le parallèle entre Tichea BeAv et Yom Kippour se révèle de la façon la plus complète et absolue.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que le 9 Av ?

Le 9 Av commémore de tristes dates de l’histoire juive,  mais surtout les deux  destructions du Temple de Jérusalem.

Les garçons à partir de treize ans et les filles à partir de douze ans doivent jeûner depuis la veille (cette année samedi 25 juillet 2015 à partir de 21h 39,  jusqu’au dimanche soir 26 juillet 2015 à 22h 25 - horaires de Paris). En cas de maladie ou de faiblesse, on consultera un Rabbin compétent à propos du jeûne.

Comme cette année le 9 Av tombe à la sortie de Chabbat, on veillera à apporter à la synagogue vendredi 24 juillet avant l’allumage des bougies son livre de Kinot ainsi que ses chaussures en toile afin de pouvoir les enfiler dès samedi soir.

Les repas de Chabbat se déroulent normalement. Chabbat après-midi, on ne prononce pas la prière de Tsidkate’ha et on ne lit pas les Pirké Avot. On mange un repas normal avant le début du jeûne.

Samedi soir, on prononce la bénédiction “Barou’h Hamavdil ben Kodech Le’hol” et “Boré Méoré Haèch” sur la bougie tressée en présence de toute la famille.

Le 9 Av, on ne se lave pas le corps, sauf l’extrémité des mains au réveil, ou en sortant des toilettes.

Au matin, on ne récite pas la bénédiction : «Chéassa Li Kol Tsorki» («Qui veille pour moi à tous mes besoins») car on ne porte pas de vraies chaussures en cuir.

On n’étudie pas la Torah, (sauf certains passages de Jérémie par exemple), et on assiste à un «Siyoum», à la conclusion du traité Talmudique Moèd Katane (qu’on peut aussi écouter sur Radio J dimanche à 14h 30).

Jusqu’au milieu de la journée de dimanche (environ 13h 30, 14 h) on ne s’assoit pas sur une chaise mais seulement sur un petit tabouret, en signe de deuil.

Samedi soir, on lit les Lamentations de Jérémie (Meguilat E’ha). Dimanche matin, on fait la prière sans Talit ni Téfilines, ni Ta’hanoun et on lit les «Kinot». Dimanche après-midi, on met Talit et Téfilines pour la prière de Min’ha et on rajoute les passages «Na’hem» («Console les endeuillés de Sion») et «Anénou» («Répond-nous»).

Dimanche soir, à l’issue du jeûne, on se lave les mains rituellement (sans bénédiction) et on se rince la bouche. On enlève les chaussures en toile et on remet les chaussures en cuir. On prononce la bénédiction de Kiddouch Levana sur la lune. On prononce la Havdala sur le vin avec les bénédictions Haguafène et Hamavdil.

On peut s’occuper du linge (lessive…) et se couper les cheveux dès dimanche soir.

Etant donné que le jeûne est repoussé, on peut consommer de la viande ou du vin dès le lundi matin. 

Le Recit de la Semaine

 Bienvenue aux «Barbudos» !

La première fois que je suis entré en Ye’hidout (entrevue privée) chez le Rabbi, c’était en 1957. Je suis originaire du Brésil et je parle couramment le portugais. J’avais donc été choisi par le Merkos L’Inyonei Chinuch (la branche éducative du mouvement Loubavitch) pour visiter certaines villes de l’île de Cuba, de Colombie et une ville au Venezuela. Le but de ce voyage était bien entendu de contacter des Juifs sur place et de les renforcer dans leur pratique du judaïsme, de leur fournir des objets de culte et de veiller à l’éducation juive de leurs enfants. Celui qui allait devenir le secrétaire du Rabbi, Rav Binyamine Klein (de mémoire bénie) m’accompagnait. Il était quant à lui originaire de Jérusalem.

Le voyage devait se dérouler juste après la révolution communiste et la prise de pouvoir par Fidel Castro : j’étais un peu inquiet de me retrouver dans un pays en ébullition, de surcroît communiste. Le mouvement Loubavitch compte de nombreux ‘Hassidim originaires de Russie qui avaient souffert mille morts sous la poigne de fer de cette idéologie opposée à toute croyance ou pratique religieuse et nous nous méfions à juste titre de cette révolution. Puisque j’entrais justement en Ye’hidout à cette époque en l’honneur de mon anniversaire, j’en profitais non pas pour demander l’annulation du voyage, D.ieu préserve, mais pour écrire que je demandais une bénédiction spéciale du Rabbi.

Le Rabbi lut ma lettre mais – et c’était très étonnant – ne prononça pas un mot sur notre prochaine visite à Cuba qui m’effrayait tant. Par contre le Rabbi demanda pourquoi nous n’avions pas l’intention de ne visiter qu’une seule ville au Venezuela. Je ne savais que répondre puisque le programme n’avait pas été fixé par nous mais par la direction du Merkos et j’ignorais les motivations qui avaient présidé à ce choix. Mais le Rabbi n’attendit pas ma réponse et conclut immédiatement que, de toute manière, nous devrions visiter plus d’une ville quand nous serions arrivés au Venezuela.

Quand je suis sorti du bureau du Rabbi, je fis part à mon compagnon de voyage, mon ami Binyamine, de la directive du Rabbi : comment pourrions-nous visiter une autre ville dans ce pays ? Bien sûr, nous avons tout de suite tenté de modifier l’itinéraire, mais il s’avéra impossible de changer les billets. Déçus, nous avons néanmoins décidé de partir et d’essayer, sur place en Amérique du sud, de changer nos billets. Je dois ajouter qu’au Venezuela, les villes où habitent des Juifs sont très éloignées les unes des autres et il n’était donc pas question de «sauter» d’une ville à l’autre en peu de temps.

Nous sommes arrivés en premier lieu à Cuba et, à notre grande surprise, nous avons été accueillis très chaleureusement ! Il s’avérait que les soldats qui avaient participé à la révolution et leur chef Fidel Castro se reconnaissaient par… leurs longues barbes : on les appelait d’ailleurs les barbudos. Quand les employés municipaux et les citoyens nous apercevaient – nous de jeunes rabbins barbus – ils pensaient naïvement que nous étions des partisans du nouveau gouvernement et nous manifestaient beaucoup d’honneurs ! Lorsque nous avons évolué dans la ville, nous avons vu parfois les gens nous montrer du doigt et murmurer entre eux que nous étions des gens de Fidel Castro !

Nous avons séjourné dans un hôtel de la capitale, La Havane : le portier était un soldat sans barbe : chaque fois que nous entrions, il nous regardait longuement et nous ne comprenions pas pourquoi.

Une fois, nous l’avons rencontré dans l’ascenseur et il nous demanda avec beaucoup de respect, si nous avions fait partie de la bande qui avait partagé la vie de Fidel Castro dans la clandestinité, quand il avait commencé la guerre jusqu’à la réussite de sa révolution. Nous avons répondu par la négative et nous avons expliqué que nous étions des étudiants de Yechiva, de futurs rabbins : ahuri, l’homme se confondit en excuses : «Et moi qui pensais que vous étiez des partisans de la révolution !».

Il est évident que ce quiproquo nous permit de rencontrer les Juifs locaux sans éveiller de soupçons inutiles et ainsi, de remplir notre mission pacifique d’apporter le message du judaïsme de la meilleure façon possible. Le Rabbi avait vu juste : nos craintes étaient absolument injustifiées !

De Cuba, nous avons continué vers la Colombie où nous avons visité des Juifs dans plusieurs villes. De là, il était prévu que nous nous rendions à Caracas, la capitale du Venezuela : une fois arrivés là-bas, pensions-nous, nous verrions comment envisager la possibilité de voyager vers d’autres villes. Alors que nous nous apprêtions à sortir de l’hôtel vers l’aéroport, nous avons été stupéfaits d’entendre que la direction de l’aéroport cherchait à nous contacter : pour «des raisons techniques indépendantes de leur volonté», l’avion ne pourrait pas se rendre directement à Caracas mais serait obligé de faire une escale d’au moins une demi-journée et peut-être davantage dans une autre ville du Venezuela !

Ainsi s’accomplit dans tous ses détails la proposition et la volonté du Rabbi. Nous sommes restés une journée entière dans cette autre ville où nous avons pu rencontrer de nombreux Juifs que nous avons renforcés dans leur pratique du judaïsme. Sans frais supplémentaires, sans démarches particulières, nous avions pu accomplir la demande prophétique du Rabbi.

 Rav Moshe Herson – New Jersey – Kfar Chabad N° 1610

Traduit par Feiga Lubecki